Le X-24B a transformé la forme « goutte d’eau » en un « fer à repasser volant », ouvrant la voie à des véhicules spatiaux capables de rentrée atmosphérique et atterrissage plané.
En résumé
Le X-24B incarne une avancée majeure dans l’histoire des avions expérimentaux et des véhicules spatiaux. Par son architecture inédite — un fuselage porteur à plan double-delta, ventre plat et dos arrondi — il a validé que la portance pouvait être produite par le corps seul, sans ailes traditionnelles. Lors de 36 vols entre 1973 et 1975, dont 24 motorisés, il a démontré des capacités remarquables : atteindre Mach 1,75 (~ 1 873 km/h) et 22,6 km d’altitude, puis planer pour atterrir précisément comme un avion. Ces réussites ont profondément influencé la conception de véhicules spatiaux réutilisables, notamment le futur orbiteur du programme Shuttle. Le X-24B a ainsi contribué à concrétiser la notion de « rentrée atmosphérique + atterrissage plané » en toute sécurité.

Le concept de corps porteur appliqué au X-24B
Le X-24B s’inscrit dans la logique des « lifting bodies » — des appareils dont le fuselage génère la portance nécessaire au vol, sans recourir à des ailes traditionnelles. Ce concept permet de réduire la traînée aérodynamique et la surface exposée aux frottements, un atout essentiel pour les véhicules devant subir des contraintes thermiques fortes (rentrée atmosphérique, haute vitesse).
À l’origine, le programme concernait le X-24A, lancé en 1969 : un engin au fuselage bulbeux, en forme de goutte d’eau, conçu pour tester la faisabilité de la rentrée atmosphérique suivie d’une atterrissage plané.
Après 28 vols (dont certains à Mach 1,6, soit environ 1 667 km/h, jusqu’à 21,8 km d’altitude) , les ingénieurs ont estimé que, pour améliorer la stabilité et les performances en plané, une refonte aérodynamique s’imposait. C’est ainsi qu’est né le X-24B.
La forme « fer à repasser volant » et ses implications techniques
Le changement de forme entre X-24A et X-24B fut radical : la structure bulbeuse fut remplacée par un corps à ventre plat, dos arrondi, plan double-delta et nez pointu. Cette configuration — décrite comme « flying flatiron » — a été proposée à l’issue d’études du laboratoire Air Force Flight Dynamics Laboratory visant à maximiser le ratio portance/traînée (lift-to-drag).
Ce design a apporté plusieurs bénéfices concrets : d’abord, l’augmentation de la surface portante inférieure a amélioré la glisse et la stabilité en plané. Le fuselage plus long et le nez affuté ont permis de réduire la traînée à grande vitesse. Ces attributs ont rendu le X-24B plus maniable, plus efficace pour planer sur de longues distances, et fiable pour un atterrissage précis.
Performances et validation du concept
Le X-24B a volé 36 fois entre 1973 et 1975, dont 12 vols en plané (sans moteur) et 24 vols motorisés. La procédure typique : largage depuis un porte-avions (un B-52 modifié) à environ 13,7 km (45 000 pieds), allumage du moteur fusée pour atteindre haute altitude et vitesse, puis extinction du moteur pour amorcer la rentrée et le vol plané jusqu’à l’atterrissage.
Lors de ses essais, l’appareil a atteint une vitesse maximale de 1 164 mph (environ Mach 1,75, soit ~ 1 873 km/h) et une altitude de 74 100 pieds (~ 22,6 km) . À la fin du programme, le X-24B a réussi des atterrissages planés précis sur piste en dur à Edwards Air Force Base — une démonstration cruciale : un véhicule sans ailes peut revenir de l’espace et se poser comme un avion.
Impact sur la technologie des avions de chasse et des véhicules spatiaux
Même si le X-24B n’a jamais été un avion de chasse, ses résultats ont eu des retombées significatives pour l’aéronautique et le spatial. En validant le concept de corps porteur — un fuselage assurant la portance — le programme a montré qu’un véhicule pouvait combiner performance hypersonique, rentrée atmosphérique contrôlée, et atterrissage plané sans moteur. Cette approche a directement alimenté la réflexion pour les engins réutilisables, notamment l’orbiteur du programme Shuttle.
De plus, l’utilisation d’un plan double-delta, d’un ventre plat, d’un nez effilé… autant d’éléments techniques qui inspirent les profils modernes d’avions supersoniques ou hypersoniques — où la gestion de la portance, de la traînée, de la stabilité à haute vitesse et de la réentrée atmosphérique est cruciale. Le X-24B a donc joué un rôle de « banc d’essai » fondamental pour l’évolution de l’aérodynamique avancée.
Limites, enseignements et héritage
Le concept de corps porteur présente des avantages certains — réduction de la traînée, meilleure gestion thermique, plané sans moteur. Mais il implique aussi des défis : à basse vitesse, l’absence d’ailes classiques rend l’appareil moins stable, et la maniabilité peut être délicate sans surfaces portantes traditionnelles.
Le X-24B a prouvé la faisabilité d’un vol plané précis et contrôlé. Néanmoins, le programme n’a jamais décroché de volet opérationnel : il s’agissait d’un démonstrateur, non d’un avion de ligne ou de combat. Son usage a été limité aux tests, mais l’impact sur la conception des véhicules spatiaux a été réel. Plusieurs décennies plus tard, l’influence de ses résultats se devine toujours dans les projets d’engins réutilisables.

Le X-24B visible aujourd’hui au musée
L’unique exemplaire restant du X-24B est exposé au musée de l’Air Force à Wright-Patterson Air Force Base, Ohio. Cet appareil témoigne de l’audace des ingénieurs des années 1970, prêts à remettre en cause les conventions de l’aéronautique pour tester des formes radicales.
Un pont entre expérimentation et futur
Le X-24B demeure un jalon technique : il a incarné l’idée qu’un véhicule sans ailes pouvait prendre l’air, résister aux contraintes d’une rentrée atmosphérique et regagner une piste comme un avion. Ce paradigme a permis d’imaginer et de développer des engins spatiaux réutilisables avec des profils optimisés pour la réentrée.
Son héritage technique perdure : les concepts aérodynamiques qu’il a validés — portance par le fuselage, plan double-delta, nez effilé, ventre plat — alimentent encore aujourd’hui les réflexions pour les avions supersoniques ou hypersoniques, voire pour des futurs véhicules de transport orbital à retour plané.
sources
Martin Marietta X-24 (article Wikipedia, anglais)
NASA – Fiche X-24B (site NASA)
National Museum of the U.S. Air Force – fiche X-24B
National Interest – article « The X-24B Is A True Aviation Legend for a Reason »
MilitaryFactory.com – Martin X-24B lifting-body description
Encyclopédie Wikipedia – article « Corps portant » / « Lifting body »
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