Le J-20S biplace incarne la stratégie chinoise du combat collaboratif, avec un pilote dédié au commandement de drones de combat autonomes.
En résumé
Les apparitions récentes du J-20S, version biplace du chasseur furtif chinois J-20, ne relèvent pas du simple affichage technologique. Elles révèlent une évolution doctrinale profonde de l’aviation de combat chinoise. Derrière le second cockpit se cache une ambition claire : transformer l’avion en plateforme de commandement aérien avancée, capable de diriger des drones de combat autonomes, appelés Loyal Wingmen. La Chine explore un modèle où un seul appareil piloté pourrait contrôler une nuée de drones, saturer les défenses adverses et redistribuer les rôles entre capteurs, effecteurs et leurres. Ce concept, encore expérimental, vise à résoudre une équation centrale du combat moderne : comment dominer un espace aérien hyper-défendu sans exposer des pilotes. Le J-20S n’est donc pas un simple dérivé du J-20, mais un laboratoire volant, conçu pour tester le combat collaboratif à grande échelle et préparer une guerre aérienne où la masse ne sera plus humaine, mais algorithmique.
La montée en puissance visible du J-20S
Le J-20S est apparu publiquement lors de récents défilés et démonstrations aériennes, marquant une étape importante dans la maturation du programme J-20. Contrairement à la version monoplace, le J-20S intègre un second poste, immédiatement interprété par les analystes comme un choix doctrinal et non pédagogique.
La Chine n’a jamais communiqué officiellement sur les missions exactes du J-20S. Pourtant, son existence même tranche avec les standards occidentaux. Les chasseurs de cinquième génération sont presque exclusivement monoplaces. Ajouter un second membre d’équipage augmente la masse, la complexité et les coûts. Si Pékin a fait ce choix, c’est qu’il répond à un besoin opérationnel précis.
Ce besoin est lié à la gestion de l’information. Le J-20 est déjà un chasseur furtif doté de capteurs avancés, conçu pour la supériorité aérienne à longue distance. Le J-20S va plus loin : il est pensé comme un nœud de commandement, capable d’orchestrer plusieurs plateformes sans pilote.
Le rôle stratégique du second pilote
Un opérateur dédié au combat collaboratif
La fonction du second pilote constitue le cœur du débat. Les travaux chinois indiquent qu’il ne s’agit ni d’un instructeur, ni d’un simple copilote. Son rôle s’apparente à celui d’un Commandant de nuée, chargé de superviser, coordonner et redistribuer les tâches entre des drones autonomes.
Dans un combat moderne, la charge cognitive est devenue un facteur limitant. Un pilote doit gérer la navigation, la menace, la communication, les capteurs et les armements. Ajouter la supervision de drones dépasserait les capacités humaines. Le second pilote absorbe cette complexité. Il devient un gestionnaire tactique, assisté par des algorithmes d’aide à la décision.
Cette séparation des rôles permet au pilote principal de se concentrer sur la survie et la mission de l’avion, tandis que le second membre d’équipage pilote la bataille informationnelle.
Une architecture pensée pour l’homme-machine
Le J-20S s’inscrit dans une logique de combat homme-machine assumée. Le second cockpit n’est pas seulement un siège supplémentaire. Il implique des interfaces dédiées, des écrans étendus et une connectivité renforcée avec les drones.
La Chine investit massivement dans l’intelligence artificielle militaire. Le J-20S devient ainsi un banc d’essai pour l’intégration entre opérateur humain et systèmes autonomes. Le second pilote n’ordonne pas chaque manœuvre. Il fixe des objectifs, des priorités et des règles d’engagement, que les drones exécutent de manière semi-autonome.
Les drones de combat comme multiplicateurs de puissance
Le concept de Loyal Wingmen chinois
La notion de Loyal Wingmen n’est pas propre à la Chine. Les États-Unis, l’Australie et l’Europe travaillent sur des concepts similaires. La différence chinoise réside dans l’ampleur envisagée. Là où les programmes occidentaux parlent de deux à quatre drones par chasseur, certains scénarios chinois évoquent jusqu’à une douzaine de drones contrôlés par un seul J-20S.
Ces drones peuvent remplir des rôles variés : reconnaissance avancée, brouillage électronique, frappe air-sol, leurres radar ou même intercepteurs sacrificiels. Leur coût unitaire, bien inférieur à celui d’un chasseur piloté, permet d’accepter des pertes élevées.
La logique est simple et brutale : saturer toute défense ennemie en multipliant les vecteurs. Les systèmes sol-air, même modernes, disposent d’un nombre limité de missiles et de canaux de tir. Face à une nuée coordonnée, la défense devient mathématiquement vulnérable.
Une saturation pensée comme doctrine
L’idée virale d’un avion contrôlant une douzaine de drones n’est pas qu’un slogan. Elle correspond à une vision chinoise du combat de haute intensité. Pékin anticipe des affrontements face à des adversaires technologiquement avancés, dotés de réseaux de défense intégrés.
Dans ce contexte, la supériorité qualitative seule ne suffit pas. Il faut créer une supériorité quantitative artificielle, en déléguant la masse à des systèmes autonomes. Le J-20S agit alors comme un chef d’orchestre, lançant des vagues coordonnées qui épuisent l’adversaire.

Les implications techniques et opérationnelles
Les défis de la liaison de données
Contrôler plusieurs drones en environnement contesté pose des défis majeurs. Les liaisons de données doivent être sécurisées, résistantes au brouillage et à faible probabilité d’interception. La Chine travaille sur des communications directionnelles, des réseaux maillés et des modes de fonctionnement dégradés.
En cas de perte de liaison, les drones doivent pouvoir poursuivre leur mission ou se replier de manière autonome. Cette exigence impose des algorithmes embarqués sophistiqués et une grande confiance dans l’autonomie des systèmes.
Le J-20S sert précisément à tester ces scénarios. Les exercices observés suggèrent que Pékin privilégie une autonomie graduée, où le drone peut agir seul tout en restant intégré à un cadre tactique global.
La gestion de la survivabilité
Un autre enjeu est la survivabilité du J-20S lui-même. En devenant un poste de commandement avancé, l’avion devient une cible de grande valeur. Sa furtivité reste essentielle, mais elle doit être complétée par une doctrine d’emploi prudente.
Le J-20S pourrait opérer en retrait, à distance des zones les plus dangereuses, tout en projetant ses drones vers l’avant. Cette approche limite l’exposition de l’équipage tout en maximisant l’effet des essaims.
Le positionnement stratégique de la Chine
Une réponse aux doctrines occidentales
Le développement du J-20S s’inscrit dans une compétition doctrinale globale. Les États-Unis travaillent sur le NGAD, l’Europe sur le SCAF et le Tempest. Tous intègrent le combat collaboratif. La Chine cherche à prendre une longueur d’avance, en expérimentant plus tôt et à plus grande échelle.
Le choix d’un chasseur biplace pour ce rôle est révélateur. Pékin privilégie une approche pragmatique, où l’humain reste central dans la décision, plutôt qu’une automatisation totale encore jugée risquée.
Un message politique et militaire
Les apparitions publiques du J-20S ont aussi une dimension symbolique. Elles signalent aux adversaires potentiels que la Chine ne se contente plus de rattraper son retard technologique. Elle explore activement de nouveaux modes de combat, susceptibles de remettre en cause les équilibres existants.
Dans le contexte indo-pacifique, où les distances sont vastes et les défenses nombreuses, la capacité à projeter des essaims de drones pilotés depuis un chasseur furtif constitue un atout majeur.
Les limites et zones d’incertitude
Malgré son potentiel, le concept n’est pas exempt de faiblesses. La coordination d’une douzaine de drones reste théorique. Les contraintes de bande passante, la vulnérabilité aux cyberattaques et la fiabilité des algorithmes en conditions réelles demeurent des inconnues.
De plus, l’entraînement des équipages pose question. Former des binômes capables de gérer des batailles distribuées exige du temps et des ressources. La Chine dispose d’un vivier important de pilotes, mais l’expertise requise est élevée.
Enfin, l’emploi massif de drones autonomes soulève des interrogations éthiques et juridiques, même si Pékin communique peu sur ces aspects.
Ce que révèle le J-20S sur la guerre aérienne future
Le J-20S n’est pas un gadget ni un simple dérivé du J-20. Il incarne une vision où l’avion piloté devient un centre de commandement mobile, entouré de systèmes autonomes sacrifiables. Cette approche vise à contourner les défenses plutôt qu’à les affronter frontalement.
Si le concept se concrétise, il pourrait transformer la manière dont les guerres aériennes sont menées. La supériorité ne se mesurera plus au nombre de chasseurs, mais à la capacité à générer et contrôler des essaims.
Le J-20S montre que la Chine ne se prépare pas à la guerre d’hier, mais à celle de demain. Une guerre où l’humain décide encore, mais où la masse et le risque sont délégués aux machines.
Sources
Communications officielles de la PLAAF
Analyses CSIS
RUSI
The War Zone
South China Morning Post
Images et analyses issues des défilés militaires chinois
Publications académiques chinoises sur le combat collaboratif
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