Analyse détaillée des F-35, Su-57 et J-20 : technologies, performances, doctrines et réalités industrielles des avions de chasse de 5ème génération.
Une rivalité industrielle et stratégique entre grandes puissances
Depuis les années 2000, les avions de chasse de 5ème génération incarnent l’enjeu central de la supériorité aérienne dans les doctrines militaires américaines, russes et chinoises. Trois modèles sont opérationnels (ou déclarés comme tels) : le F-35 Lightning II développé par Lockheed Martin, le Sukhoï Su-57 produit en Russie, et le Chengdu J-20 conçu en Chine. Chacun se distingue par ses choix technologiques, son degré de maturité industrielle et son rôle stratégique.
Le concept de 5ème génération repose sur plusieurs critères cumulatifs : furtivité intégrée, fusion des capteurs, liaison de données avancée, capacité multirôle, et avionique basée sur l’informatique de combat réseau-centré. Mais dans la réalité, ces standards ne sont pas homogènes. Si les États-Unis imposent des critères stricts avec le F-22 puis le F-35, les définitions russes et chinoises sont souvent plus souples, parfois opportunistes.
Les enjeux ne sont pas seulement technologiques : ils touchent aux capacités de production, aux budgets militaires, à la logistique opérationnelle, et aux alliances internationales. Derrière chaque modèle se cache un récit politique, des compromis industriels, et des performances parfois éloignées de la communication officielle. Cet article compare de manière rigoureuse les trois principaux avions de chasse de 5ème génération, sans euphémisme ni concession.
Le F-35 Lightning II : une approche systémique du combat aérien
Le F-35 Lightning II est un avion de chasse multirôle furtif développé par les États-Unis dans le cadre du programme Joint Strike Fighter. Il existe en trois versions : F-35A (conventionnel), F-35B (à décollage court et atterrissage vertical) et F-35C (embarqué). Plus de 1 000 unités ont été livrées à ce jour.
Furtivité et capteurs
Le F-35 est conçu autour de la furtivité passive. Sa surface équivalente radar (SER) est inférieure à 0,005 m² dans l’axe frontal, grâce à une cellule lisse, des entrées d’air dissimulées, et un revêtement radar-absorbant. Il intègre une fusion de capteurs poussée, combinant le radar AESA AN/APG-81, les capteurs infrarouges DAS (Distributed Aperture System) et EOTS (Electro-Optical Targeting System). L’avion est capable de détecter un appareil non furtif à plus de 150 km, tout en restant difficile à repérer.
Performances et doctrine
La motorisation est assurée par le Pratt & Whitney F135, produisant 191 kN de poussée avec postcombustion. Le rayon d’action atteint 2 200 km, avec une vitesse maximale de Mach 1.6 (1 975 km/h). Mais le F-35 n’est pas un chasseur de supériorité aérienne pur : il privilégie la guerre en réseau, la pénétration furtive et le combat multicapteurs.
Coûts et limites
Le coût unitaire est d’environ 75 millions d’euros, mais les coûts de possession à long terme (maintenance, pièces, logiciels) sont élevés. Le système ALIS de maintenance assistée, remplacé par ODIN, a connu de nombreuses difficultés. L’autonomie logistique reste problématique sans appui américain.
Le Sukhoï Su-57 : entre affichage technologique et limites industrielles
Le Sukhoï Su-57 (code OTAN : Felon) est présenté par la Russie comme un avion de chasse de 5ème génération. Pourtant, sa mise au point est lente : à ce jour, moins de 30 exemplaires ont été produits, dont plusieurs encore en phase d’évaluation.
Conception et motorisation
Le Su-57 conserve une silhouette proche du Su-27, avec des surfaces mobiles visibles et une taille imposante (20,1 mètres de long pour 14 mètres d’envergure). Son radar N036 Byelka en bande X est couplé à des radars latéraux et à un capteur infrarouge OLS-50. Il est motorisé actuellement par des Saturn AL-41F1 de 147 kN, en attente du moteur de 2ème étape Izdeliye 30, censé offrir plus de 176 kN de poussée.
Furtivité relative
Le Su-57 n’est pas un appareil furtif au sens occidental. Sa SER estimée dépasse 0,1 m², avec des entrées d’air non dissimulées et des matériaux absorbants moins performants. La Russie mise plutôt sur la manœuvrabilité, avec une poussée vectorielle et une grande agilité à basse vitesse, mais cela n’apporte pas de réelle protection contre des missiles longue portée modernes.
Coût et production
Le coût unitaire dépasse 43 millions d’euros, mais ce chiffre est incertain vu la faible série. La production reste artisanale, limitée par les capacités industrielles russes et les sanctions occidentales. Le Su-57 n’est aujourd’hui exporté par aucun pays. La Russie prévoit d’en aligner 76 d’ici 2028, mais cet objectif est jugé peu réaliste.
Le Chengdu J-20 : une puissance émergente en quête de crédibilité
Le Chengdu J-20 est le premier avion de chasse de 5ème génération opérationnel en Asie. Produit par la Chine, il vise à concurrencer les standards occidentaux et à projeter l’influence militaire de Pékin dans la région indo-pacifique.
Design et équipements
Le J-20 adopte une configuration dite canard-delta, peu fréquente pour un chasseur furtif, ce qui soulève des interrogations sur sa signature radar. Il mesure 20,4 mètres de long, pour une masse maximale de 34 tonnes. Il est équipé d’un radar AESA Type 1475, de capteurs infrarouges et d’un système de guerre électronique en réseau. La fusion des données semble inférieure à celle du F-35, mais l’évolution est rapide.
Motorisation et autonomie
Initialement équipé de moteurs russes AL-31, le J-20 est désormais motorisé en partie par des réacteurs WS-10C chinois, en attendant le futur WS-15. Les performances restent inégales : poussée insuffisante pour maintenir des vitesses supersoniques prolongées sans postcombustion (supercruise), et une autonomie inférieure à celle du F-35 (environ 1 700 km).
Production et ambitions
La Chine aurait produit plus de 250 unités du J-20, ce qui en fait le deuxième programme de 5ème génération en volume après le F-35. Le coût unitaire est estimé à 60 millions d’euros, avec une production accélérée. Le J-20 constitue un outil de dissuasion régional, mais il dépend encore partiellement de technologies importées. Son exportation reste bloquée, probablement par stratégie interne.
Une comparaison directe des capacités
Modèle | Furtivité (SER) | Rayon d’action (km) | Poussée (kN) | Coût (€) | Production |
---|---|---|---|---|---|
F-35 | < 0,005 m² | 2 200 | 191 | 75 M | >1 000 |
Su-57 | > 0,1 m² | 1 700 | 147 | 43 M | ~30 |
J-20 | 0,05–0,1 m² | 1 700 | ~140 | 60 M | >250 |
Le F-35 domine sur le plan de la furtivité, de l’intégration des systèmes et de la standardisation. Le Su-57 privilégie une conception héritée de la 4ème génération, avec un accent sur la manœuvrabilité. Le J-20, bien que moins mature technologiquement, montre une capacité industrielle croissante.
Entre réalité opérationnelle et discours politique
Les avions de chasse de 5ème génération ne peuvent pas être comparés uniquement à partir de brochures techniques. Le F-35 reste le seul modèle massivement déployé, interopérable avec des alliés et utilisé en opérations. Le Su-57 souffre de limites industrielles majeures. Le J-20 représente un défi croissant, mais encore incomplet sur le plan technologique.
Pour un analyste ou un militaire, l’évaluation ne repose pas seulement sur les spécifications : elle doit intégrer la maintenance, la chaîne logistique, la compatibilité des doctrines, et la capacité de guerre en réseau. C’est à ces conditions que ces avions deviennent réellement des acteurs crédibles du vol en avion de chasse contemporain.
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