Pourquoi le F-15EX, avion non furtif modernisé, coûte parfois plus à l’achat qu’un F-35A furtif, et si l’économie long terme justifie ce choix.
En résumé
Le débat sur le prix du F-15EX oppose deux visions de l’aviation de combat moderne. Conçu comme version actualisée d’un avion des années 1970, le F-15EX affiche un coût à l’unité qui peut dépasser celui du F-35A furtif, un appareil de cinquième génération souvent considéré comme plus avancé. Ce constat pose une question nette : pourquoi investir jusqu’à 92–97 millions de dollars pour un appareil non furtif quand un F-35A peut être acquis pour un montant inférieur ? Les partisans du F-15EX soulignent que sa durée de vie prévue de 20 000 heures de vol, bien supérieure aux 8 000 heures typiques d’un F-35A, et un coût par heure de vol plus bas, pourraient renverser l’équation économique sur le long terme. Cet article examine ce paradoxe apparent en profondeur, dans un contexte budgétaire et stratégique exigeant et réaliste.
La perception initiale du coût des avions de chasse
Le F-15EX Eagle II est souvent cité comme exemple d’un appareil qui coûte plus cher à l’achat qu’un chasseur furtif moderne. Des données récentes indiquent que le prix unitaire de production (flyaway cost) du F-15EX peut être compris entre ≈ 90 millions et 97 millions de dollars selon les lots de production, tandis que le F-35A peut être acquis autour de ≈ 82,5 millions de dollars pour les tranches récentes du programme.
Cette situation surprend parce que, traditionnellement, les plateformes de cinquième génération comme le F-35 sont associées à des coûts de développement, de production et d’entretien élevés. Le débat s’articule donc autour d’une contradiction apparente : un avion de quatrième génération modernisé coûte plus cher à l’achat qu’un chasseur furtif de cinquième génération.
Ce qui explique l’évolution des coûts du F-15EX
Plusieurs facteurs contribuent à l’élévation du prix unitaire du F-15EX. D’abord, le programme a traversé des ajustements industriels complexes nécessitant une remise à niveau de la chaîne de production, ce qui augmente les coûts fixes de fabrication. La relance d’une ligne de production après des années d’inactivité entraine des dépenses importantes en main-d’œuvre spécialisée et en investissements industriels.
Ensuite, la conjoncture mondiale — inflation, perturbations de la supply chain et prix des matières premières — a tendu les coûts de nombreux programmes d’armement, y compris celui du F-15EX. Ces facteurs influencent aussi bien le coût des composants que celui de l’intégration de systèmes électroniques et de guerre électronique moderne, tous nécessaires pour un avion de combat contemporain.
Enfin, alors que la production du F-35A est mature avec une forte cadence de fabrication (économie d’échelle), le F-15EX est toujours en phase d’optimisation des volumes de production. Cette différence structurelle explique en partie pourquoi malgré sa modernisation, le F-15EX n’atteint pas encore des coûts unitaires compétitifs.
Une approche différente des coûts opérationnels
L’argument principal des défenseurs du F-15EX ne porte pas seulement sur le prix d’achat mais sur la durée de vie et le coût de maintien en condition opérationnelle. Selon certaines estimations, la cellule du F-15EX pourrait atteindre jusqu’à 20 000 heures de vol, soit près de deux à trois fois plus qu’un F-35A prévu pour environ 8 000 heures.
Ce facteur est décisif dans l’analyse économique à long terme. Un appareil qui peut voler plus longtemps sans nécessiter de remplacement complet devient, sur une période de 20 à 30 ans, potentiellement moins coûteux en termes d’investissement total. De plus, si le coût d’exploitation par heure de vol du F-15EX est inférieur à celui du F-35A, l’écart cumulé peut absorber la différence initiale du prix d’achat.
Des données non officielles suggèrent un coût moyen d’opération pour le F-15EX autour de ≈ 29 000 dollars par heure tandis que le F-35A peut atteindre, selon le niveau d’utilisation et les estimations, ≈ 30 000 à plus de 40 000 dollars par heure de vol.

Les missions et la pertinence opérationnelle
Le F-35A et le F-15EX sont conçus pour des rôles partiellement distincts. Le F-35A met l’accent sur la furtivité et l’intégration de capteurs avancés pour des opérations dans des environnements fortement contestés, visant à réduire la détection par les défenses adverses. Ces capacités, cependant, impliquent des technologies coûteuses à produire et à maintenir.
Le F-15EX, en revanche, repose sur une plateforme éprouvée, avec une capacité d’emport importante de charges externes et une architecture déjà largement connue des forces qui opèrent des variantes du F-15 depuis des décennies. Cela se traduit par une facilité de maintenance relative, une meilleure disponibilité des pièces détachées grâce à l’héritage logistique et un soutien industriel existant.
Pour les missions où la furtivité n’est pas un impératif absolu — supériorité aérienne dans un espace dominé ou missions d’interception à longue portée — le F-15EX peut offrir des performances solides à moindre coût opérationnel.
Les critiques et les limites de l’argument économique
Malgré les avantages potentiels avancés par les partisans du F-15EX, certains observateurs estiment que l’analyse des coûts comparés n’est pas pleinement équitable. Si la cellule du F-15EX bénéficie d’une durée de vie plus longue, la complexité des systèmes électroniques embarqués et l’exigence de formation des équipages maintiennent des coûts opérationnels non négligeables.
De plus, des analystes soulignent que les économies d’échelle associées au programme F-35 — avec des milliers d’appareils commandés à l’international — tendent à faire baisser progressivement les coûts unitaires et les frais de soutien logistique. Une autre critique est que certaines estimations d’exploitation du F-15EX se basent encore sur des données extrapolées de modèles antérieurs, ce qui peut créer des biais dans les calculs comparatifs.
Enfin, le coût total de possession doit intégrer une évaluation réaliste des scénarios d’utilisation opérationnelle, de la disponibilité en cas de crise et de la capacité d’évoluer face à des menaces futures. Le choix entre une flotte plus furtive ou plus robuste mais visible dépend aussi de la doctrine stratégique, du contexte géopolitique et des priorités budgétaires nationales.
Le rôle des choix industriels et géopolitiques
Les décisions d’acheter ou non des plateformes comme le F-15EX ou le F-35A ne se limitent pas à une simple comparaison des coûts. Elles reflètent des choix industriels, politiques et stratégiques. Un pays peut privilégier une aviation non furtive mais robuste pour des missions territoriales, tout en investissant dans des capacités furtives pour des opérations extérieures.
Par ailleurs, le soutien à l’industrie nationale, le maintien d’une base industrielle capable de produire et d’entretenir des aéronefs avancés, et les partenariats internationaux influencent la décision finale. Dans ce sens, le débat n’est pas seulement économique : il porte sur la vision à long terme d’une force aérienne et sa capacité à s’adapter à des menaces évolutives.
Une perspective nuancée sur le prix des avions de chasse
L’apparente contradiction selon laquelle un F-15EX peut coûter plus cher qu’un F-35A à l’achat n’est qu’une partie d’un tableau plus large. Au-delà du prix unitaire, l’analyse des coûts doit inclure les dépenses opérationnelles, la durée de vie des cellules, les besoins logistiques, l’adaptabilité tactique et les objectifs stratégiques.
Dans certains contextes, privilégier un appareil moderne mais non furtif comme le F-15EX peut s’avérer judicieux pour des tâches spécifiques. Dans d’autres, investir dans la furtivité et l’intégration de réseaux de combat avancés du F-35A peut apporter un avantage décisif. Les décideurs doivent calibrer ces éléments avec rigueur, tout en tenant compte de l’évolution des technologies, des contraintes budgétaires et des scénarios d’emploi futurs.
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