Premier achat d’avions de combat pour le Panama : quatre A-29 Super Tucano renforceront la surveillance et l’interdiction, avec un budget et des effets concrets.
Le Panama a officialisé l’acquisition de quatre A-29 Super Tucano, une première pour le pays qui ne disposait pas d’avions de combat. L’appareil brésilien, turbopropulseur d’attaque légère, est conçu pour la surveillance armée, l’entraînement avancé et l’appui tactique. L’accord marque un saut capacitaire pour le Servicio Nacional Aeronaval (SENAN) face aux défis de la lutte antidrogue, de la sécurité du canal et du contrôle des frontières. Le contrat, signé début septembre 2025, s’inscrit dans un paquet plus large de modernisation aéronavale. Au-delà du symbole, l’A-29 apporte une capacité d’interdiction ciblée, une endurance élevée et des coûts d’exploitation contenus, un trio décisif pour un État à budget limité. Les enseignements tirés d’opérateurs régionaux – Brésil, Colombie, République dominicaine ou Équateur – réduiront les risques techniques et logistiques, tout en accélérant la montée en puissance.
Un achat structurant et un calendrier maîtrisé
Le gouvernement a autorisé au printemps 2025 un financement aéronautique dépassant 197 millions de dollars, dont environ 78 millions de dollars pour quatre A-29 et plus de 109 millions de dollars pour deux C295 de transport. La signature du contrat A-29 est intervenue début septembre. L’opérateur sera le SENAN, qui réunit missions aériennes et navales et compte près de 3 700 personnels. Ce choix établit une flotte modeste mais cohérente autour d’un appareil endurant, rustique et déjà éprouvé en Amérique latine. Le pays devient ainsi le 22e utilisateur engagé du type et le huitième en Amérique latine. La séquence budgétaire puis contractuelle indique une volonté d’entrer en service rapidement, avec une formation initiale des équipages et mécaniciens confiée au constructeur et à des partenaires régionaux.
Le profil de mission retenu
Le concept d’emploi vise trois volets. D’abord, la surveillance armée et l’interdiction des trafics aériens et maritimes à basse altitude, y compris l’interception d’aéronefs lents illégaux. Ensuite, l’appui aux opérations de sécurité intérieure et de protection d’infrastructures critiques, notamment autour du canal. Enfin, l’entraînement avancé et le maintien des compétences de vol tactique. L’A-29 permet de patrouiller longtemps, d’identifier précisément une cible grâce à ses capteurs électro-optiques et de délivrer une force graduée, des avertissements radio jusqu’aux frappes de précision si le cadre juridique l’autorise. Cette polyvalence répond aux besoins d’un service aéronaval dont la flotte fixe (King Air, DHC-6) assurait jusqu’ici des missions essentiellement non armées.
Les performances et capteurs de l’A-29
Propulsé par un Pratt & Whitney Canada PT6A-68C d’environ 1 600 shp, l’A-29 atteint une vitesse maximale d’environ 590 km/h, un plafond de 10 668 m et peut tenir plus de six à huit heures en vol avec réservoirs externes, avec un rayon d’action de combat typique de 550 km et une autonomie ferry pouvant dépasser 2 800 km. L’avion emporte jusqu’à 1 550 kg sur cinq points d’emport et intègre deux mitrailleuses de 12,7 mm en voilure. Sa boule optronique EO/IR, compatible jumelles de vision nocturne, permet l’identification et la poursuite à longue distance. L’avion opère sur pistes courtes, avec des distances de décollage/atterrissage proches du kilomètre, un atout crucial sur aérodromes secondaires. Ce faisceau de caractéristiques explique le succès du type pour la surveillance armée, l’appui rapproché limité et la coordination tactique.
Les armements et l’escalade maîtrisée
La force de l’A-29 est sa capacité à livrer une réponse proportionnée. Les mitrailleuses internes couvrent l’auto-protection et l’interdiction de cibles légères. Les points d’emport accueillent roquettes guidées, bombes de 250 kg (Mk-81) ou 227 kg (Mk-82), nacelles canon, pods de désignation et missiles air-air à courte portée. Cette palette offre une « échelle d’escalade » où l’équipage peut choisir la munition adaptée, limiter les dommages collatéraux et agir en coordination avec des moyens héliportés et maritimes. Pour le Panama, l’intérêt est d’abord dissuasif et répressif contre des menaces non étatiques ; la doctrine privilégiera la preuve vidéo, la sommation, la neutralisation des pistes clandestines et l’auto-défense face à des tirs depuis le sol.
L’intégration au SENAN et la logistique
La réussite du programme dépendra de trois chantiers. Le premier est la formation : conversion des pilotes sur biplace, standards de sécurité vol de nuit et procédures d’appui, puis montée en puissance des instructeurs locaux. Le second est la chaîne de maintenance : stocks initiaux, outillages et documentation, plus un contrat de soutien pour garantir une disponibilité supérieure à 70 %. Le troisième est l’intégration C2/ISR : liaisons de données, procédures de délivrance d’effets avec les patrouilleurs et les AW139, et diffusion des images aux centres de coordination. L’expérience d’opérateurs voisins, ainsi que l’écosystème industriel d’Embraer, facilite ces étapes et réduit les temps d’immobilisation.
Le coût et l’économie d’emploi
À environ 78 millions de dollars pour quatre cellules et un premier paquet de soutien, l’investissement unitaire demeure contenu par rapport à un jet d’entraînement armé. Les coûts d’heure de vol d’un turbopropulseur, l’accès à une base industrielle régionale et la simplicité des opérations sur pistes courtes limitent les dépenses récurrentes. L’ajout de deux C295 à plus de 109 millions de dollars crée, en parallèle, une capacité de transport et de surveillance de zone qui complète l’A-29 et accroît la flexibilité globale du SENAN. Le couple A-29/C295 rationalise les profils de mission tout en abaissant le coût d’opportunité par rapport à des solutions plus lourdes.
L’impact stratégique et régional
Sur le plan interne, l’A-29 professionnalise la posture aérienne du Panama et crédibilise la dissuasion contre les trafiquants. Dans l’environnement régional, le pays rejoint un standard latino-américain déjà validé par la Colombie, le Brésil, l’Équateur, le Paraguay, l’Uruguay et la République dominicaine. Cette convergence technique simplifie les exercices conjoints, l’échange de pièces et d’instructeurs, et les coopérations en matière d’interdiction aérienne. À l’échelle internationale, ce choix illustre l’attrait d’une solution d’attaque légère polyvalente, fiable et compatible avec des budgets contraints, sans surcharge de soutien ni dépendance excessive à des chaînes logistiques lointaines.
Ce que cela change sur le terrain
Concrètement, le SENAN pourra couvrir plus vite des zones éloignées, maintenir plus longtemps un capteur au-dessus d’un objectif, et décider d’engager une munition si la situation le justifie. Les Twin Otter et King Air resteront précieux pour la patrouille et le transport léger, mais l’A-29 apporte la capacité qui manquait : identifier, poursuivre et neutraliser. C’est un effet multiplicateur pour les hélicoptères AW139 en secours et poursuite, et pour les unités maritimes en interception. La valeur ajoutée se mesurera dans la baisse des vols clandestins, l’augmentation des saisies et la sécurisation des approches du canal.
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