Le F-35 Block 4 reconfiguré : retards majeurs, coûts accrus, capacités réduites, premières livraisons attendues seulement à partir de 2031.
Le contexte du programme F-35
Le F-35 Lightning II reste le pilier de l’aviation de combat américaine et alliée. Plus de 1 000 exemplaires ont déjà été livrés, mais le programme est miné par des retards, des surcoûts et une complexité industrielle élevée. La modernisation dite Block 4 devait initialement offrir 66 nouvelles fonctionnalités, allant de l’intégration d’armes supplémentaires à des capteurs améliorés. Ce chiffre est ensuite passé à près de 80, alourdissant le calendrier.
Selon le Government Accountability Office (GAO), la mise en service complète n’interviendra pas avant le milieu des années 2030. Le Pentagone a donc décidé de recentrer le périmètre sur les fonctionnalités jugées les plus urgentes, avec une livraison prévue dès 2031 au plus tôt.
Les ambitions initiales du Block 4
Le Block 4 devait transformer le F-35 en renforçant sa supériorité technologique. Les objectifs incluaient :
- une guerre électronique avancée,
- une fusion de capteurs plus performante,
- l’intégration d’armements modernes comme le missile SPEAR 3 britannique,
- une amélioration des communications et de la navigation,
- une optimisation des systèmes de ciblage.
Ces évolutions reposaient sur la mise en place préalable du Technology Refresh 3 (TR-3), un ensemble matériel et logiciel servant de socle. Sans TR-3, les fonctions prévues par Block 4 ne peuvent être déployées.
Les retards accumulés
La modernisation devait être opérationnelle en 2026. Cette échéance a d’abord été repoussée à 2029, puis au-delà. Les évaluations les plus récentes indiquent qu’il faudra attendre le milieu des années 2030 pour disposer de toutes les fonctionnalités.
En cause, plusieurs facteurs :
- TR-3 : retardé de trois ans, il ne sera pleinement livré qu’à partir de 2026, au lieu de 2023. Son développement a souffert de difficultés liées au processeur central et à la stabilisation logicielle.
- Production ralentie : en 2024, Lockheed Martin a livré 110 avions, tous en retard, avec une moyenne de 238 jours de décalage. En comparaison, en 2021 seuls 22 appareils sur 142 avaient connu du retard, pour 16 jours en moyenne.
- Chaîne logistique : en février 2025, plus de 4 000 pièces manquantes ont été recensées sur la ligne finale, soit deux fois la moyenne historique. Les composants du TR-3 comptaient pour une grande partie de ces manques.
Les surcoûts considérables
Le Block 4 devait coûter 10,6 milliards USD selon l’estimation initiale. En 2021, cette enveloppe est montée à 16,5 milliards USD, soit une hausse de 56 %. L’estimation révisée attendue fin 2025 pourrait encore alourdir la facture.
Plus globalement, les coûts du programme F-35 atteignent désormais 485 milliards USD pour l’acquisition, contre 442 milliards un an plus tôt. En prenant en compte le maintien en condition opérationnelle sur plusieurs décennies, la facture dépasse les 2 000 milliards USD.
Le moteur du F-35, produit par Pratt & Whitney, représente à lui seul un facteur de hausse. L’usure accélérée due aux besoins en puissance et en refroidissement du Block 4 ajoute environ 38 milliards USD au coût de cycle de vie.
Les effets du TR-3
Le TR-3 constitue une condition indispensable à la modernisation Block 4. Il inclut un nouveau processeur central, des écrans de cockpit améliorés et une architecture logicielle actualisée.
En 2023, ses retards ont conduit à une suspension d’un an des livraisons d’avions. Des dizaines d’appareils terminés ont été stockés sans être acceptés par le Pentagone. Pour éviter une accumulation trop importante, une version provisoire du logiciel a finalement été validée, permettant la réception des appareils mais sans capacité de combat.
Aujourd’hui, Lockheed Martin prévoit d’intégrer TR-3 à partir de 2026, ce qui conditionne tout le reste du calendrier.
La réduction du périmètre
Face à l’ampleur des retards, le Pentagone a choisi de prioriser. Les fonctions nécessitant un moteur amélioré ou jugées moins stratégiques ont été supprimées ou reportées. Le Block 4 recentré conservera :
- des capacités de guerre électronique renforcées,
- une meilleure navigation,
- des améliorations de communication sécurisée,
- l’intégration d’armes existantes et validées.
Cette approche permet de viser une mise en service partielle dès 2031, soit avec au moins six ans de retard par rapport aux prévisions initiales.
Les conséquences industrielles et financières
Le GAO a pointé un système de primes inadapté : Lockheed pouvait toucher des bonus de performance même en livrant des avions jusqu’à 60 jours en retard. En 2024, malgré une moyenne de 238 jours de retard, certaines incitations financières ont tout de même été versées.
Par ailleurs, Pratt & Whitney n’a pas livré ses moteurs à l’heure en 2023 et 2024, avec une moyenne de 155 jours de retard. Même si cela n’a pas bloqué la production, cette situation ajoute de la pression sur la chaîne logistique.
Les implications pour les alliés
Les pays partenaires, dont le Royaume-Uni, le Canada, la Norvège, l’Italie ou encore la Pologne, attendent ces évolutions pour aligner leurs propres flottes. Le décalage affecte donc la planification opérationnelle de plusieurs forces aériennes.
Un pays comme la Finlande, qui a choisi le F-35 récemment, devra composer avec une version dont les capacités promises ne seront pleinement disponibles qu’une décennie après sa commande.
Une perspective pragmatique
Le Block 4 n’atteindra pas ses ambitions initiales. Néanmoins, la stratégie révisée rend le programme plus réaliste. Les priorités sont définies, le calendrier resserré et les objectifs alignés sur les capacités industrielles.
La question reste celle du coût : avec des dépenses déjà supérieures à 2 000 milliards USD sur l’ensemble du cycle de vie, la marge de tolérance politique et budgétaire se réduit. Pour les alliés, la modernisation progressive signifie devoir adapter leur doctrine et patienter plus longtemps avant d’exploiter le plein potentiel de l’appareil.
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