Moscou a confirmé le succès d’un test du missile de croisière nucléaire 9M730 Burevestnik, portée quasi illimitée, avion-lanceurs Su-34/Su-57 et défi géostratégique majeur.
En résumé
La Russie affirme avoir testé avec succès un missile de croisière à propulsion nucléaire, le 9M730 Burevestnik (code OTAN « SSC-X-9 Skyfall »), capable d’être lancé depuis des avions comme le Su‑34 ou le Su‑57. Selon les déclarations officielles, l’engin a parcouru environ 14 000 km en près de 15 heures, marquant un saut technologique majeur. Ce test intervient dans un contexte de forte tension avec l’Occident et s’inscrit dans la stratégie russe de renforcement de la frappe stratégique autonome. L’annonce relance le débat sur la prolifération des armes nucléaires, sur la dissuasion classique et sur la vulnérabilité des défenses antimissiles.
Le 9M730 Burevestnik : technologie et caractéristiques
Une propulsion nucléaire inédite
Le missile de croisière Burevestnik utilise une réaction nucléaire embarquée comme source d’énergie, ce qui lui confère une portée quasi illimitée selon les déclarations russes. La propulsion nucléaire permet d’envisager un engin volant pendant des heures, voire des jours, et de contourner les contraintes liées aux carburants conventionnels. Le fabricant évoque un vol “14 000 km en 15 heures” pour le test du 21 octobre 2025.
L’avantage technologique majeur réside dans la combinaison d’une propulsion compactée et d’une trajectoire à basse altitude (parfois annoncée à 50-100 m) pour réduire la détection radar.
Des performances revendiquées
Selon le chef d’état-major russe, le général Valery Gerasimov, le test a consisté en un vol de 14 000 km (~8 700 milles) sur 15 heures, avec manœuvres horizontales et verticales. Moscou affirme que l’engin peut contourner toute défense antimissile actuelle et future, grâce à sa trajectoire imprévisible. Cependant, plusieurs observateurs occidentaux rappellent que le système a connu de nombreuses échecs et que seule une poignée de tests ont été partiellement réussis.
Un lancement depuis avion escompté
La version annoncée du Burevestnik est conçue pour être lancée depuis des avions de combat tels que le Su-34 ou le Su-57, ce qui facilite la projection et la dissimulation. Le potentiel de frappe aérienne stratégique s’en trouve renforcé, car l’avion peut se rapprocher, puis lancer l’arme pour qu’elle parcoure plusieurs milliers de kilomètres.
Le contexte et le timing du test
Le cadre géopolitique
Ce test intervient dans une période où la Russie affirme sa volonté de dissuasion vis-à-vis de l’OTAN et des États-Unis. Le Président Vladimir Putin a qualifié l’arme d’« unique », de « sans équivalent dans le monde ». Le message est clair : Moscou veut affirmer sa liberté d’action et sa capacité à frapper à longue distance sans être contrée par les boucliers occidentaux.
Le moment du test — annoncé publiquement — coïncide avec des négociations diplomatiques sur l’armement, un renforcement des exercices nucléaires russes, et une pression accrue autour du conflit ukrainien.
Une réponse aux défenses antimissiles occidentales
Le développement du Burevestnik répond directement au retrait américain du traité ABM (1972) et à la montée en puissance des systèmes antimissiles occidentaux. En revendiquant une portée illimitée et une trajectoire d’évitement, la Russie cherche à rendre obsolète la défense par interception.
Le test sert également à préparer un futur déploiement, comme l’a ordonné le Président russe.
Les avancées et les défis technologiques
Progrès revendiqués
- Propulsion nucléaire embarquée, ouvrant la voie à des durées de vol prolongées.
- Vol à très basse altitude (~50-100 m) pour réduire la détection.
- Trajectoire qualifiée d’imprévisible, rendant la localisation et l’interception plus complexes.
- Capacités de frappe stratégique depuis plateforme aérienne, ajoutant de la flexibilité.
Les défis et scepticismes
- Le moteur nucléaire est complexe et a connu des accidents : un incident en 2019 à Nyonoksa a provoqué une explosion et une émission de radioactivité, liée possiblement à ce programme.
- Le nombre exact de tests réussis est faible : selon la Nuclear Threat Initiative, seulement 2 succès partiels sur 13 tests connus.
- Le temps de vol prolongé rend l’engin vulnérable : plus un missile vole longtemps, plus il peut être détecté. Certains experts considèrent que la propulsion nucléaire améliore la portabilité, mais non nécessairement la furtivité.
- Le lancer depuis avion impose une plateforme susceptible d’être détectée et neutralisée avant lancement.

Les conséquences géostratégiques
Une redéfinition de la dissuasion
Avec le Burevestnik, la Russie revendique une arme qui peut frapper à n’importe quel point de la planète sans préavis. Cela redéfinit le tassement traditionnel entre missiles balistiques et systèmes d’interception. L’Occident est confronté à un nouveau défi : comment intercepter une arme à propulsion nucléaire furtive et longue durée ?
La sécurité internationale est affectée : un tel engin pourrait éroder la stabilité de la dissuasion, car l’agresseur potentiel croit pouvoir frapper et repartir avant riposte.
Une pression sur la non-prolifération
Ce test relance les préoccupations liées à la prolifération nucléaire. Une arme à propulsion nucléaire est difficile à surveiller, à tracer et à interdire. Elle soulève des questions sur l’application des traités actuels et sur la valeur des contrôles internationaux.
De plus, la crainte d’un effet « fuite radioactive » ou d’un accident en vol rend les trajets d’essais particulièrement problématiques en termes de sécurité environnementale.
Une implication sur les plateformes de combat habitées
Pour l’Occident, ce type de missile impose d’anticiper la destruction potentielle ou l’impuissance des bases fixes. Cela renforce l’importance des capacités de détection précoce, de la mobilité des armes stratégiques, et d’un réseau de défense plus robuste.
La Russie, en combinant cet engin avec des avions de chasse comme le Su-34 ou le Su-57, envisage un mode de frappe hybride : aéronef habité + missile longue portée = projection décentralisée.
La crédibilité opérationnelle et les incertitudes
Le statut actuel
Moscou affirme que le test du 21 octobre 2025 est réussi et que le missile sera prochainement déployé. Toutefois, les observateurs soulignent que la réalité technique reste opaque, que les données sont peu vérifiées de façon indépendante, et que le passé du programme est jalonné d’échecs.
L’arsenal russe dispose déjà de missiles hypersoniques comme l’Kh-47 M2 Kinzhal ou de systèmes balistiques telle le RS-28 Sarmat. Le Burevestnik ajoute une dimension particulière, mais son avantage concret reste à démontrer.
Les scénarios de déploiement
La Russie pourrait baser ces missiles sur des rampes terrestres fixes ou mobiles, ou depuis des avions dédiés. Certains sites identifiés via satellite, comme Vologda-20 (Chebsara) au nord de Moscou, seraient déjà aménagés.
La mise en service possible entre 2027 et 2030 est évoquée par certaines analyses, mais conditionnée à la fiabilité de la propulsion nucléaire et à l’intégration opérationnelle.
L’impact pour l’Occident et les mesures à envisager
Les défis pour la défense antimissile
Les systèmes existants (radars, missiles intercepteurs) sont optimisés pour des trajectoires balistiques ou des croisières classiques. Un missile à propulsion nucléaire avec trajectoire basse et maniable pose un défi différent. L’Occident devra :
- renforcer la détection basse altitude, longue durée et le suivi des signatures thermiques ou nucléaires ;
- développer des intercepteurs en phase de croisière et non seulement balistiques ;
- intégrer les satellites, drones et capteurs sous-marins pour une surveillance globale.
La réponse diplomatique et stratégique
La preuve d’une telle arme peut raviver la course aux armements et inciter les alliés à reconsidérer leur posture nucléaire et conventionnelle. Pour l’OTAN, cela signifie un renforcement des composantes stratégiques, un ajustement des doctrines de riposte et une vigilance accrue sur les essais russes.
Par ailleurs, les contrôles internationaux de non-prolifération pourraient être mis sous pression : comment superviser une arme qui contourne les limites traditionnelles du traité New START ou du traité d’interdiction partielle des essais nucléaires ?
La revendication russe d’un test réussi du missile 9M730 Burevestnik se veut un jalon pour une nouvelle ère stratégique, où la propulsion nucléaire embarquée et la trajectoire furtive remettent en cause la logique de défense traditionnelle. Reste à savoir si cette arme deviendra opérationnelle et crédible dans les prochaines années, ou si elle restera un signal politique fort, mais technologique incertain. Le ciel mondial pourrait s’en trouver profondément transformé.
Sources
Reuters – « What is Russia’s Burevestnik missile? » (26 octobre 2025)
New Atlas – « Russia flies strategic cruise missile propelled by a nuclear engine » (26 octobre 2025)
United24Media – « Russia tests unlimited-range Burevestnik nuclear missile » (26 octobre 2025)
IISS – « Burevestnik: US intelligence and Russia’s ‘unique’ cruise missile » (février 2021)
SciencePolicyJournal – « Nuclear-Powered Cruise Missiles: Burevestnik and its Implications »
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