Trois variantes, trois doctrines. Le F-35A, B et C expliqués: missions, capacités, évolutions et coûts réels du programme le plus ambitieux au monde.
En résumé
Le F-35 Lightning II n’est pas un avion unique décliné à la marge. C’est une famille de chasseurs conçue pour répondre à trois besoins opérationnels distincts: l’aviation de l’air, le décollage court avec atterrissage vertical, et l’aéronavale embarquée. Derrière une cellule commune et une avionique partagée, chaque variante impose des compromis structuraux, des performances différentes et des coûts spécifiques. Le F-35A est le plus léger et le moins cher, optimisé pour la supériorité aérienne et l’attaque au sol depuis des bases terrestres. Le F-35B, avec sa capacité STOVL, sacrifie du rayon d’action et de l’emport pour offrir une flexibilité unique depuis des plateformes austères. Le F-35C, enfin, est taillé pour les porte-avions, avec une aile agrandie et une endurance accrue. Comprendre ces variantes, leurs évolutions logicielles et leurs budgets, c’est comprendre la logique industrielle et stratégique d’un programme qui structure déjà la puissance aérienne occidentale.
Le F-35 comme système de combat plutôt que comme avion
Le F-35 a été pensé dès l’origine comme un système de combat. L’avion n’est que le nœud visible d’un ensemble qui combine capteurs, fusion de données, liaisons tactiques et logiciels évolutifs. Cette philosophie explique pourquoi les variantes partagent plus de 70 % de composants communs, tout en restant profondément différentes dans leur usage.
Le cœur du programme repose sur une promesse: un pilote doit voir plus loin, décider plus vite et frapper avant l’adversaire. La fusion de données agrège radar, capteurs infrarouges et informations externes pour produire une image tactique unique. Cette approche réduit la charge cognitive et permet à des forces hétérogènes de travailler ensemble.
Cette logique commune ne doit pas masquer une réalité simple: chaque variante du F-35 est le produit d’un compromis dur, dicté par la mission principale assignée par ses forces utilisatrices.

La logique des trois variantes
Le programme Joint Strike Fighter impose une contrainte rare: satisfaire simultanément l’US Air Force, l’US Marine Corps et l’US Navy. Chacune exigeait un avion différent. Le résultat n’est pas un avion « moyen », mais trois plateformes spécialisées autour d’une base commune.
Les différences portent sur la structure, l’aérodynamique, le carburant embarqué, le train d’atterrissage et même la capacité d’emport interne. Ces choix influencent directement le coût, la maintenance et l’exportabilité.
Le F-35A comme pilier des forces aériennes
Le F-35A est la variante la plus produite et la plus exportée. Il est conçu pour décoller et atterrir de manière conventionnelle, depuis des bases aériennes classiques.
La mission principale du F-35A
Le F-35A remplace des flottes entières de F-16 et d’A-10 dans plusieurs pays. Sa mission centrale est la polyvalence. Il doit assurer la supériorité aérienne, l’attaque au sol de précision et la reconnaissance, dès le premier jour d’un conflit.
Son canon interne de 25 mm lui permet de conserver une capacité air-air et air-sol autonome, un point important pour certaines doctrines nationales.
Les capacités clés du F-35A
Le F-35A est la variante la plus légère. Il emporte environ 8,3 tonnes de carburant interne, ce qui lui confère un rayon d’action supérieur à celui du F-35B. Sa charge interne typique permet d’emporter deux bombes guidées de 900 kg (2 000 lb) et deux missiles air-air, tout en conservant la furtivité.
Il est aussi le seul à être certifié pour la mission nucléaire tactique américaine avec la bombe B61-12, un facteur politique majeur pour certains alliés européens.
L’évolution du F-35A
Les premières versions ont souffert de limites logicielles. Les blocs récents corrigent progressivement ces lacunes. La montée en puissance repose surtout sur l’évolution des logiciels de mission, plus que sur des changements matériels lourds.
Le passage vers la configuration dite Block 4 doit améliorer la capacité de calcul, l’armement disponible et la gestion de la guerre électronique.
Le budget du F-35A
Le F-35A est le moins cher des trois. Le coût unitaire flyaway se situe autour de 80 millions de dollars, selon les lots de production récents. Le coût à l’heure de vol reste plus élevé que celui d’un F-16 moderne, mais il diminue progressivement avec la maturité du programme.
Le F-35B et la contrainte du décollage court
Le F-35B est la variante la plus complexe sur le plan technique. Il doit décoller sur de courtes distances et atterrir verticalement, une exigence imposée par l’US Marine Corps et certains alliés.
La mission spécifique du F-35B
Le F-35B est conçu pour opérer depuis des navires amphibies, des pistes sommaires ou des bases avancées proches du front. Cette capacité permet de disperser les forces et de réduire la dépendance aux grandes bases aériennes vulnérables.
Il s’agit d’un atout stratégique dans des environnements contestés, où les infrastructures peuvent être rapidement neutralisées.
Les compromis techniques du F-35B
La capacité STOVL repose sur un ventilateur de sustentation et une tuyère orientable. Cette architecture impose des compromis lourds. Le F-35B emporte moins de carburant interne, environ 6,1 tonnes, ce qui réduit son rayon d’action.
La charge utile interne est également limitée. Ces contraintes ne sont pas des défauts accidentels, mais le prix à payer pour une flexibilité opérationnelle unique.
L’évolution opérationnelle du F-35B
Les premières années ont mis en lumière des problèmes de gestion thermique lors des atterrissages verticaux. Ces limites ont été progressivement corrigées par des ajustements logiciels et des procédures adaptées.
Le F-35B a démontré sa capacité à opérer depuis des navires britanniques et américains, confirmant la pertinence de la variante pour des opérations expéditionnaires.
Le budget du F-35B
Le F-35B est la variante la plus coûteuse. Son prix unitaire dépasse régulièrement 100 millions de dollars. La maintenance est également plus exigeante, en raison de la complexité du système STOVL.
Le F-35C et la dimension aéronavale
Le F-35C est optimisé pour les opérations depuis porte-avions à catapultes. Il répond aux exigences spécifiques de l’US Navy.
La mission du F-35C
Le F-35C doit projeter la puissance aérienne loin des côtes, dans des environnements fortement défendus. Il remplace progressivement les F/A-18 embarqués, en apportant une furtivité accrue et une meilleure intégration réseau.
Les caractéristiques propres au F-35C
Cette variante se distingue par une aile agrandie, des gouvernes renforcées et un train d’atterrissage plus robuste. Ces choix améliorent la portance à basse vitesse, indispensable pour les appontages.
Le F-35C emporte environ 9 tonnes de carburant interne, ce qui lui confère le meilleur rayon d’action de la famille F-35. Cette endurance est un atout majeur pour les opérations navales.
L’évolution du F-35C
Les essais initiaux ont mis en évidence des difficultés lors des appontages. Des modifications progressives ont permis d’atteindre la capacité opérationnelle complète.
Le F-35C bénéficie directement des évolutions logicielles communes aux autres variantes, tout en conservant ses spécificités navales.
Le budget du F-35C
Le coût unitaire du F-35C se situe entre celui du A et du B, autour de 95 millions de dollars. La maintenance embarquée reste coûteuse, mais comparable à celle des chasseurs navals qu’il remplace.
Les variantes exportées et les choix nationaux
Le F-35 est aujourd’hui utilisé ou commandé par plus d’une quinzaine de pays. Le F-35A est de loin la variante la plus exportée, choisie par des forces aériennes cherchant une capacité furtive sans contrainte navale.
Le F-35B n’a été retenu que par des nations disposant de porte-aéronefs ou souhaitant une capacité expéditionnaire, comme le Royaume-Uni, l’Italie ou le Japon.
Le F-35C reste essentiellement américain. Son usage est étroitement lié à l’architecture des porte-avions à catapultes, rare hors des États-Unis.
Ces choix reflètent des doctrines différentes. Acheter un F-35, ce n’est pas seulement acquérir un avion, c’est adopter une manière de faire la guerre aérienne.

L’évolution logicielle comme facteur déterminant
Les variantes du F-35 évoluent moins par des modifications de cellule que par des mises à jour logicielles. Cette approche permet d’introduire de nouvelles armes, d’améliorer la guerre électronique et d’affiner la fusion de données sans modifier profondément l’avion.
Cette dépendance au logiciel est à double tranchant. Elle offre une évolutivité rapide, mais elle crée aussi une dépendance forte au constructeur et à la chaîne logistique associée.
Ce que révèlent les variantes du F-35
Les trois variantes du F-35 illustrent une réalité souvent ignorée. Il n’existe pas de chasseur universel sans compromis. Chaque version répond à une logique opérationnelle précise, avec des coûts et des limites assumés.
Le succès du programme ne tient pas à la perfection d’une variante, mais à la capacité de l’ensemble à couvrir un spectre de missions extrêmement large. Cette approche explique pourquoi, malgré les critiques, le F-35 s’impose comme un standard de fait au sein des forces occidentales.
À mesure que les blocs logiciels s’enchaînent et que les flottes gagnent en maturité, la question n’est plus de savoir si le F-35 était un bon pari, mais comment chaque nation exploitera réellement la variante qu’elle a choisie.
Sources
U.S. Department of Defense, Selected Acquisition Reports F-35
Lockheed Martin, fiches techniques officielles F-35A, B et C
Government Accountability Office, rapports annuels sur le programme F-35
Congressional Research Service, analyses budgétaires du Joint Strike Fighter
IISS, Military Balance, sections aviation de combat
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