La Russie met en avant le chasseur Su-57 pour séduire des acheteurs étrangers avant le Dubai Airshow 2025. Un pari stratégique pour relancer ses ventes d’armement.

En résumé

La Sukhoi Su‑57 est de nouveau sous le feu des projecteurs. À l’approche du Dubai Airshow 2025, la Russie a publié des images promotionnelles montrant ses caractéristiques internes, notamment ses baies d’armement. Ce retour sur le devant de la scène export s’inscrit dans une volonté de relancer les commandes étrangères pour un appareil qui reste à faible production. Le Kremlin, via United Aircraft Corporation et Rostec, veut positionner le Su-57 comme une alternative crédible sur le marché international. Mais la réalité opérationnelle du chasseur, ses limitations techniques, ses retards de production et son absence d’export effectif interrogent la pertinence de cette relance.

SU-57

Le contexte de cette relance export

La Russie peine à vendre le Su-57. Elle l’a conçu comme son chasseur de 5ᵉ génération pour remplacer les Su-27 et MiG-29, mais la production reste limitée. Le moteur définitif, la chaîne d’assemblage complète, sont encore à parfaire. En publiant un nouveau film promotionnel montrant l’ouverture de la baie d’armes du Su-57 et le chargement de missiles antiradiation KH-58, la Russie envoie un signal aux clients potentiels : cet avion est maintenant un système mature capable de missions modernes.
L’opération précède le Dubai Airshow 2025, grand rendez-vous de l’industrie aéronautique, où la Russie veut réaffirmer sa capacité à fournir des systèmes avancés malgré sanctions et pression industrielle.
En parallèle, des documents fuités (attribués au groupe « Black Mirror ») mentionnent des négociations d’export vers l’Iran, l’Algérie et l’Éthiopie. Ainsi, le Su-57 apparaît comme un produit d’export stratégique pour Moscou, non seulement pour les revenus, mais pour regagner de l’influence diplomatique et prouver que la Russie peut encore vendre des technologies de pointe.

Pourquoi la Russie cherche à vendre le Su-57

Sur le plan économique, l’industrie aéronautique russe est sous tension : la guerre en Ukraine, les sanctions internationales, les difficultés d’importation de composants ont affaibli la filière. Vendre le Su-57 permettrait d’injecter des devises étrangères, d’entretenir la chaîne de production, d’amortir les coûts de recherche-développement.
Sur le plan diplomatique, l’exportation d’un chasseur de 5ᵉ génération représente un levier majeur. Un client équipé de Su-57 devient plus dépendant militaro-techniquement de la Russie, ce qui renforce les liens stratégiques. Dans des régions comme l’Afrique ou le Moyen-Orient, proposer le Su-57 peut installer Moscow comme fournisseur de haut niveau, face aux États-Unis, à la Chine ou à l’Europe.
Sur le plan interne, valoriser le Su-57 permet au Kremlin et à Ros­tec de maintenir une narrative industrielle : la Russie n’est pas isolée, elle dispose d’un avion de chasse moderne, en avance, capable de missions furtives. Cela alimente le moral de l’industrie et de l’aviation russe.
Enfin, sur le plan militaire, en cas de ventes à l’étranger, certaines technologies peuvent être affinées, les chaînes logistiques testées et éventuellement amorties sur une plus grande base d’appareils – ce qui peut profiter à la version nationale. Donc vendre le Su-57 est aussi un investissement pour la version russe.

La réalité opérationnelle du Su-57

Malgré les annonces, le Su-57 présente encore des défis sérieux. Le nombre d’appareils produits est limité : certains bilans indiquent moins de une vingtaine d’avions livrés à la Russian Aerospace Forces (VKS) à la fin 2023, pour un objectif initial bien plus élevé.
Le programme a connu des retards structurels importants : problèmes d’aérostructure, moteurs provisoires, maintenance complexe. Sur le plan export, aucun contrat ferme n’a encore été publié officiellement pour le Su-57, ce qui indique que l’avion n’a pas encore prouvé son attractivité réelle auprès des acheteurs internationaux.
Les performances affichées sont ambitieuses : furtivité, super-croisière, baies internes pour missiles. Mais plusieurs analystes soulignent que la furtivité russe ne correspond pas aux standards occidentaux (le champ d’applications, la signature radar ne sont pas comparables au Lockheed Martin F‑22 ou au Lockheed Martin F‑35).
L’annonce récente de l’ouverture de la baie avant du Su-57 avec deux missiles KH-58 antiradiation montre une capacité « entrée en configuration », mais on ne sait pas encore si cette configuration est pleinement opérationnelle, ou seulement démonstrative.
En résumé, l’avion est prometteur mais pas encore dans une phase d’utilisation massifiée ou d’export mature.

Le positionnement face aux autres chasseurs modernes

Pour comprendre la valeur du Su-57, il faut le comparer à d’autres plateformes. Le F-22 et le F-35 américains sont souvent cités comme référence de la 5ᵉ génération, mais peu accessibles à l’export (F-22 non exportable, F-35 contrôlé par les États-Unis). Le Su-57, s’il fonctionnait pleinement, pourrait être proposé à des clients qui ne peuvent ou ne veulent pas s’engager avec les USA.
Il existe également le Chengdu J‑20 chinois, qui vise l’export à terme, et le Lockheed Martin F‑15EX ou le Eurofighter Typhoon occidental pour des types 4.5-génération. Le Su-57 veut se situer entre ces catégories : proposer la furtivité + les baies internes d’armes d’un chasseur de nouvelle génération, tout en offrant un prix et des conditions de transfert technologique plus accessibles.
Mais le retard de production, le manque d’expériences opérationnelles larges et la dépendance aux chaînes industrielles russes problématiques peuvent limiter l’attrait. Certains clients pourraient juger que le risque technologique ou logistique est trop élevé.
Enfin, dans un marché global des chasseurs exportables, la capacité de maintenance, l’intégration d’armement compatible international, les réseaux de soutien sont aussi déterminants que les seules performances. Le Su-57 doit donc non seulement proposer des capacités, mais offrir un écosystème. C’est là que la Russie va devoir convaincre.

Impacts pour l’avenir de l’industrie aéronautique russe

Si la Russie obtient des commandes pour le Su-57, cela aurait plusieurs effets. D’abord, cela légitimerait la filière russe des chasseurs de nouvelle génération. Cela renforcerait la valeur de marque de Sukhoi et UAC. Cela permettrait de prolonger la production, de baisser les coûts unitaires, et d’amortir les investissements.
Cela permettrait aussi d’attirer des partenariats industriels ou des assemblages à l’échelle internationale, ce qui pourrait alléger la pression sur les chaînes russes en période de sanctions.
Si, en revanche, le Su-57 reste sans clients export, la Russie pourrait se retrouver avec une infrastructure de production sous-utilisée, des coûts fixes importants et une perte de crédibilité sur le marché international. Cela pourrait également retarder ou fragiliser des programmes affiliés de 6ᵉ génération ou drones associés.
Du point de vue stratégique, des ventes à l’étranger pourraient contribuer à renforcer les alliances de la Russie, notamment en Afrique, au Moyen-Orient ou en Asie. Cela pourrait modifier des équilibres régionaux, offrir à des pays tiers une capacité de dissuasion améliorée. Ce n’est pas uniquement un défi industriel, c’est un instrument de politique étrangère.

Les obstacles à surmonter

De nombreux défis demeurent. Le problème des sanctions sur les composants électroniques et les semi-conducteurs limite les capacités russes à moderniser le Su-57 ou à intégrer des équipements occidentaux. Le manque d’expérience d’export rend les éventuels clients prudents.
La chaîne de soutien après-vente, la disponibilité des pièces, la formation des pilotes, l’entretien sont tous des facteurs clés que les clients internationaux examinent. Si la Russie ne peut garantir une maintenance fiable à long terme, l’avion pourrait être perçu comme un risque.
Un autre obstacle est la concurrence. Les États-Unis, la Chine, l’Europe proposent leurs propres avions de combat. L’acheteur doit estimer les capacités, le coût global de possession, les risques. Le Su-57 doit non seulement être performant, mais être compétitif sur ces critères.
Enfin, la production russe doit atteindre une échelle suffisante pour démontrer la maturité de l’avion. Le marketing ne suffit pas : des livraisons, des démonstrations opérationnelles, des clients pilotes sont nécessaires pour convaincre.

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Une perspective stratégique pour le marché global

L’effort de promotion du Su-57 avant le Dubai Airshow 2025 révèle un changement de posture de la Russie : elle ne se contente plus d’équiper son armée, elle cherche activement l’export comme levier. Cela s’inscrit dans un contexte global où les exportations d’armes lourdes jouent un rôle majeur dans la diplomatie et les alignements géopolitiques. L’émergence d’un nouveau client du Su-57 pourrait encourager d’autres pays à examiner l’avion et stimuler un effet domino.
Pour le marché des avions de combat, cela ajoute un élément de compétition supplémentaire : outre les États-Unis, l’Europe, la Chine, désormais la Russie relance – ou tente de relancer – son offre haut de gamme. Cela pourrait conduire à une pression baissière sur les prix, à davantage de transferts technologiques, ou à des alliances industrielles nouvelles.
Mais surtout, cela met en lumière que la souveraineté technologique ne se joue plus uniquement dans les armées nationales, mais aussi dans les choix d’exportation et de partenariat. Un client international apporte des ressources, mais aussi des attentes de standard, de maintenance, de mise en réseau. Pour la Russie, réussir cette relance du Su-57 serait un média très fort de réassurance.

Un avion ne se juge pas uniquement sur ses spécifications. Le Su-57 est équipé de baies internes, promet la furtivité, affiche des missiles antiradiation et un marketing affûté. Il incarne la volonté russe de revenir sur le devant de la scène export. Mais la réalité logistique, industrielle et technologique impose du pragmatisme. Le défi est multiple : produire à grande échelle, convaincre des acheteurs exigeants, garantir un soutien durable. Dans les salons d’exposition comme celui de Dubaï, l’image est captive ; dans les chaînes de vol, la performance et la fiabilité parlent plus fort encore.

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