Le programme F-X japonais, développé avec le Royaume-Uni et l’Italie, vise un chasseur de sixième génération prévu pour 2035, symbole d’autonomie et d’innovation.

En résumé

Le programme F-X du Japon (également intégré au Global Combat Air Programme – GCAP) vise à doter la Japan Air Self‑Defense Force (JASDF) d’un nouvel avion de combat de sixième génération. Il est mené en coopération avec le Royaume-Uni et l’Italie, rassemblant les industriels Mitsubishi Heavy Industries, BAE Systems et Leonardo S.p.A.. Le calendrier prévoit un démonstrateur vers 2027 et une entrée en service vers 2035. Le programme intègre des technologies avancées : furtivité, guerre électronique, intelligence artificielle, drones d’appoint (« loyal wingmen »). Le budget se chiffre à plusieurs dizaines de milliards d’euros. Le chasseur F-X renforcera l’autonomie stratégique du Japon tout en modifiant l’équilibre géopolitique en Asie-Pacifique.

Le programme du chasseur F-X et son cadre stratégique

Le programme chasseur « F-X » était initialement le projet national nippon de remplacement du Mitsubishi F‑2, avion développé avec les États-Unis et entré en service en 2000 environ. Le Japon a lancé dès 2009 les études en vue de développer un aéronef de nouvelle génération doté des capacités nommées « i³ Fighter» (intelligent, intégré, instantané) afin de répondre à l’accroissement des menaces aériennes régionales. En décembre 2022, Tokyo a officialisé la fusion de son projet F-X avec le programme britannique-italien Tempest pour former le GCAP, dans lequel le Japon joue un rôle de premier plan. Ce cadre trinational associe l’innovation technologique à l’optimisation des coûts grâce à la mutualisation industrielle. Le choix de cette alliance répond à la reconnaissance que développer seul un avion de sixième génération dépassait les capacités d’un unique pays en termes de coûts et de technologies. Le programme se situera dans le contexte d’une montée en puissance militaire chinoise et russe, et d’un réalignement stratégique américain dans la région Asie-Pacifique.

Les innovations attendues pour un avion de sixième génération

Le futur chasseur F-X s’inscrit dans la catégorie dite «sixth generation» : il combine de multiples avancées. On attend une furtivité accrue (réduction de la section radar), des surfaces internes d’emport d’armes, des matériaux composites avancés et des revêtements absorbants. Le moteur envisagé — le IHI XF9 — est conçu pour délivrer une poussée supérieure à 107 kN (soit 10,9 tonnes) et viser 147 kN (15 tonnes) avec post-combustion, selon le constructeur. Il s’agit d’un moteur «slim» pour libérer volume interne pour carburant et armes. L’avion devrait également offrir une intégration poussée des drones d’appoint, appelés «loyal wingmen», gestion en réseau, guerre électronique de haute intensité, intelligence artificielle d’aide au pilotage et éventuellement des armes à énergie dirigée. L’accent est aussi mis sur la connectivité multi-plateforme et la fusion de données sensorielle. Les pilotes devront coopérer avec des unités non-mises en œuvre et des systèmes autonomes. Ces caractéristiques renforcent la superiorité aérienne de la JASDF et lui confèrent un avantage stratégique dans l’arc indo-pacifique.

Le calendrier, le budget et les objectifs de mise en service

Le calendrier officiel indique un lancement de développement en 2025, un vol d’essai de démonstrateur prévu vers 2027 et une entrée en service opérationnel estimée aux alentours de 2035. Toutefois, des sources japonaises font état de doutes sur ce calendrier et évoquent un possible glissement après 2040 si les retards s’accumulent. Le budget global n’est pas entièrement divulgué mais il est estimé à plusieurs dizaines de milliards d’euros (des centaines de milliards de yens) pour le développement, l’industrialisation et le soutien logistique. Le Japon a déjà modifié ses règles d’exportation en mars 2024 pour permettre la vente de cet avion à l’étranger, ce qui ouvre des perspectives de partage des coûts via l’exportation. Le fait de s’appuyer sur une coopération avec le Royaume-Uni et l’Italie vise justement à répartir les investissements et à réduire les risques liés à ce type de projet ambitieux. Ainsi, le F-X/GCAP est autant un projet technologique que financier, structurant pour l’industrie de défense japonaise.

Les alliances stratégiques et l’impact industriel

Le programme F-X ne se limite pas au simple développement aéronautique : il intègre une dimension industrielle et diplomatique forte. Le Japon, via Mitsubishi Heavy Industries, collabore avec BAE Systems et Leonardo dans le cadre du GCAP, à travers l’organisation internationale GIGO (Global Combat Air Programme International Government Organisation). Cette coopération permet un partage des technologies, des charges industrielles et des exports potentiels. Le Japon a en outre approché l’Inde pour rejoindre le projet afin de diffuser les coûts et développer une chaîne d’approvisionnement plus large. Toutefois, un responsable de BAE a déclaré en juillet 2025 que l’ajout d’un nouveau partenaire pourrait désormais retarder le projet. L’aspect industriel vise à préserver la souveraineté technologique japonaise et à faire croître un écosystème national de défense capable d’exporter. Pour l’économie japonaise, c’est un levier de création d’emplois hautement qualifiés, de production et de recherche. Cette alliance militaire-industrielle projette aussi le Japon comme acteur central dans la défense aérienne internationale au-delà de son rôle régional traditionnel.

F-X du Japon

L’impact sur la JASDF et la posture japonaise

Pour la Japan Air Self-Defense Force, l’arrivée du chasseur F-X marquera un saut qualitatif. Il remplacera le F-2 à partir des années 2035 (voire 2040), et s’ajoutera à la flotte de F-35 déjà en déploiement. Le nouvel avion offrira une capacité de supériorité aérienne robuste, capacité d’interopérabilité accrue avec les alliés et suffisance pour répondre aux défis posés par l’armée chinoise et russe. Il permettra à la JASDF de maintenir une capacité de dissuasion crédible dans l’arc ouest-pacifique, y compris sur les îles méridionales du Japon. La modernisation des bases, des infrastructures et de la logistique est concomitante. En cas de glissement du calendrier, le Japon devra augmenter ses capacités transitoires — tel l’achat additionnel de F-35 — pour combler un éventuel vide capacitaire. Ce chasseur s’inscrit dans une vision plus large d’amplification des capacités de défense nippones, tant quantitativement que qualitativement.

L’impact géopolitique et les enjeux régionaux

Le programme F-X / GCAP s’inscrit dans un paysage géopolitique tendu. Le Japon apparaît ainsi non plus comme simple client d’armements américains mais comme développeur et exportateur potentiel. Cela modifie l’équilibre aérien en Asie-Pacifique : Tokyo revendique davantage d’autonomie stratégique face à la montée en puissance de la Chine et à la projection russe. Ce projet triangulaire avec le Royaume-Uni et l’Italie constitue également un signal diplomatique fort d’une alliance technologique transatlantique alternative à la dépendance américaine. Par ailleurs, l’intention d’exporter cet appareil à des partenaires renforce le rôle du Japon comme fournisseur d’armement sur la scène mondiale. Enfin, dans un contexte de pression maritime et aérienne autour de Taïwan, des îles Senkaku et dans l’archipel japonais, ce nouveau chasseur pourrait faire basculer les calculs stratégiques de dissuasion et d’engagement militaire.

Les risques, défis et conditions de réussite

Malgré les ambitions, le programme fait face à des défis concrets. Le calendrier serré (2035) est jugé optimiste et pourrait glisser au-delà de 2040. Le coût élevé impose une discipline budgétaire stricte et des retours d’investissement via exportation. Sur le plan technique, les innovations (IA, drones d’appoint, furtivité, architecture ouverte) doivent être validées sans avarie majeure. Le Japon doit également gérer la coordination multinationales entre partenaires aux priorités différentes. Enfin, la modification des règles d’exportation crée aussi des contraintes éthiques et légales dans le cadre constitutionnel japonais. Le succès dépendra de la capacité à livrer un avion performant dans les délais, à maîtriser la chaîne industrielle et à sécuriser un marché export suffisamment vaste.

Le programme chasseur F-X représente un tournant pour la défense aérienne japonaise et l’industrie de l’armement nationale. Son succès pourrait bien redéfinir non seulement la posture de la JASDF, mais aussi la dynamique technologique et géopolitique de l’Asie-Pacifique.

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