Cyrano IV double la portée du Cyrano II, ajoute radar monopulse, MTI et suivi de terrain. Focus sur le Mirage F1, la variante Cyrano IVM-R et la fiabilité.
En résumé
Le Mirage F1 change d’échelle avec le Cyrano IV de Thomson-CSF. Par rapport au Cyrano II, la portée air-air passe à 100 km (≈ 54 NM), soit un facteur deux, avec un radar monopulse offrant une précision angulaire de 2°. L’introduction de l’MTI et d’un rejet de fouillis supérieur à 40 dB autorise le look-down/shoot-down contre des cibles volant bas sur fond de sol. Les déclinaisons Cyrano IVM/IVM-R ajoutent le suivi de terrain (résolution 1,5 m) et l’intégration d’un laser télémètre (± 5 m), ouvrant la voie à des profils tout-temps et à très basse altitude. Côté soutien, l’adoption de modules T/R en GaAs et d’une architecture modulaire porte la MTBF à +50 % environ, ce qui se traduit en moins de pannes par heure de vol et en cycles de maintenance plus longs. L’ensemble consolide l’emploi des missiles courts et moyens portées, améliore la survie en mission basse altitude et standardise l’appui air-sol sur coordonnées, avec des gains mesurables sur la charge de travail pilote et l’efficacité de détection.

Le bond capacitaire du Cyrano IV sur Mirage F1
Le Cyrano IV est pensé pour exploiter le profil aérodynamique du Mirage F1, dont l’aile en flèche et l’entrée d’air latérale autorisent des antennes plus stables en incidence. La portée air-air portée à 100 km impose une chaîne RF plus propre et des traitements de signal plus robustes que ceux du Cyrano II. Le saut technologique se traduit sur le cockpit par un affichage plus lisible des symboles de poursuite et par des modes mieux hiérarchisés. En interception, une précision angulaire de 2° réduit l’erreur de visée et améliore la qualité des pistes, donc le tir BVR de première intention lorsque les règles d’engagement le permettent. Sur un gabarit chasseur, cela signifie que la boîte d’incertitude latérale à 50 km est de l’ordre de 1,7 km, contre le double sur des générations antérieures, avec des effets concrets sur le temps de préparation au tir et la stabilité de la solution de tir.
Le bond de performances n’est pas qu’une question de portée maximale. La constance de détection, notamment en gisement élevé et à faibles différences d’altitude avec la cible, repose sur une gestion fine des lobes secondaires et des lobes de surveillance. La capacité à maintenir une piste fiable lors d’un virage soutenu, fréquente en interception, met en évidence la rigidité mécanique du plateau d’antenne et la stabilité de fréquence de l’émetteur. Associée aux missiles de courte et moyenne portée en usage sur Mirage F1 (par exemple R.550 et Super 530), cette qualité de piste réduit les consignes de manœuvre supplémentaires et rend l’attaque plus « propre » dans des délais serrés. En somme, le Cyrano IV transforme une cellule polyvalente en intercepteur crédible par tous temps, avec des performances répétables et une charge cognitive mieux contenue pour le pilote.
La chaîne air-air : monopulse, MTI et look-down/shoot-down
Le cœur du progrès réside dans la combinaison radar monopulse et MTI. Le monopulse compare les signaux reçus sur plusieurs canaux en une seule impulsion, ce qui confère d’emblée la précision 2° citée et une immunité accrue aux fluctuations d’amplitude. Cette architecture réduit le « jitter » angulaire, stabilise les pistes et améliore le recalage des filtres Doppler. Le MTI met à profit la vitesse radiale pour discriminer une cible se déplaçant sur un fond de sol stationnaire apparent. Dans la pratique, la chaîne offre un rejet de fouillis > 40 dB, ce qui permet d’isoler des cibles à basse altitude dont l’écho intrinsèque est modeste. L’expression look-down/shoot-down désigne précisément cette capacité : détecter et engager une cible plus basse que le porteur, malgré le fouillis du terrain.
Sur le plan opérationnel, ces traitements dopplerisés autorisent des profils de chasse à moyenne altitude contre des pénétrations à très basse altitude. La logique d’emploi consiste à « accrocher » la cible en poursuite monopulse puis à stabiliser la piste en gérant les notchs Doppler et les masques terrain. À 100 km, la détection initiale donne au pilote le temps d’optimiser son énergie et son cap, tandis que la poursuite monopulse verrouille rapidement l’angle pour une solution de tir stable. La robustesse aux manœuvres de la cible tient au fait que la mesure d’angle n’est pas moyennée sur plusieurs impulsions, mais décidée instantanément. Dans un environnement dense, cela réduit les ruptures de piste et les pertes de verrouillage au moment critique. L’interface homme-machine s’en trouve simplifiée : moins de « break lock », plus de continuité dans l’emploi des armes, y compris en tir tête-chercheuse courte portée sous contraintes d’alignement serrées.
La mutation air-sol : Cyrano IVM-R, suivi de terrain et laser
Les évolutions Cyrano IVM/IVM-R ajoutent un bloc air-sol complet. Le suivi de terrain exploite un faisceau à ouverture contrôlée et un mode de corrélation qui restitue un profil d’altitude devant l’avion. La résolution 1,5 m évoquée traduit la finesse de la cartographie radar sur l’axe longitudinal, suffisante pour piloter des trajectoires à très basse altitude en respectant un plancher de sécurité prédéfini. À ces vitesses, un pas de 1,5 m donne des marges de régulation convenables pour filtrer les petites irrégularités et suivre la pente moyenne sans induire d’oscillations pilotage-commande.
L’ajout d’un laser télémètre (précision ± 5 m) bouleverse l’appui air-sol conventionnel. Sur coordonnées connues ou sur point désigné, la mesure laser remplace des estimations moins précises basées sur l’angle et la portée radar bruiteuse au-dessus de terrains peu coopératifs. La combinaison radar-laser améliore la délivrance d’armements retombants ou guidés par énergie, en réduisant l’erreur de pointage au dernier instant. Par météo dégradée, l’équipage conserve une solution de navigation et d’attaque cohérente, avec bascule entre télémétrie laser et estimation radar selon la fenêtre de transparence atmosphérique.
Ces ajouts ne restent pertinents que si l’ergonomie suit. Le Cyrano IVM-R réorganise les modes : priorités d’affichage, logique d’alerte, transitions air-air/air-sol réduites. L’intérêt se voit dans les profils mixtes, typiques des forces aériennes ayant des flottes resserrées : un Mirage F1 peut intercepter en sortie de zone puis basculer sur une mission d’appui avec un minimum de reconfiguration, tout en conservant une conscience de situation radar solide au-dessus d’un relief complexe, et cela par faible visibilité.
La disponibilité et la maintenance : GaAs et modularité
La fiabilité support conditionne l’emploi. En migrant vers des sous-ensembles RF à base de GaAs et des modules T/R modulaires, la chaîne atteint une MTBF supérieure de 50 % environ par rapport aux itérations antérieures. Le gain n’est pas cosmétique : sur une flotte engagée à rythme soutenu, cela fait baisser les retraits imprévus, stabilise la planification et réduit les heures atelier par heure de vol. La modularité permet d’échanger rapidement un module fautif sans déposer toute l’antenne. L’effet est double : disponibilité accrue et coûts de cycle de vie contenus.
Sur les bancs, la stabilité fréquentielle et la tenue thermique du GaAs améliorent l’alignement des voies, donc la qualité monopulse et la réjection du fouillis. En environnement chaud, le maintien des caractéristiques réduit les recalibrations. Une architecture de refroidissement revue fluidifie l’évacuation calorique, évitant les dérives de gain en fin de vol. Côté ligne de vol, la documentation technique réactualisée associe tests simplifiés et isolement de pannes par tiroir. La conséquence est tangible : plus de sorties par jour, moins d’avions immobilisés pour une défaillance unique.
L’amélioration de MTBF se répercute sur l’entraînement : les équipages volent sur un système plus disponible et plus prédictible. Pour les planificateurs, la probabilité d’un « down-radar » en fenêtre critique diminue, ce qui sécurise les missions air-air à haute valeur et les pénétrations basse altitude guidées radar. Pour l’atelier, la cannibalisation baisse, la chaîne d’approvisionnement se simplifie par familles de modules, et les rechanges se dimensionnent avec plus de justesse.

Les effets opérationnels et l’héritage sur la doctrine
La combinaison portée 100 km, radar monopulse à 2°, MTI et look-down/shoot-down change la manière de conduire une interception. Les unités peuvent maintenir une altitude optimale en économisant carburant, tout en conservant la capacité de détecter des pénétrations très basses. La fenêtre de décision s’élargit, le nombre de rattrapages énergétiques diminue. En air-sol, l’arrivée du Cyrano IVM-R et du laser télémètre affine l’appui sur coordonnées et sécurise les trajectoires à très basse altitude par suivi de terrain. Par météo dégradée, la capacité tout-temps devient une réalité quotidienne et non un cas d’école.
Sur le plan capacitaire, l’augmentation de MTBF et la modularité GaAs aident à maintenir des flottes mixtes à coût contenu. Les forces qui alignent le Mirage F1 avec d’autres plateformes peuvent bâtir une doctrine commune : modes air-air dopplerisés, procédures look-down, bascule rapide vers air-sol. Cet héritage irrigue les radars suivants : séparation stricte des modes, hiérarchie claire des affichages, traitements Doppler plus profonds, suivi de terrain couplé à une télémétrie précise. Il en résulte un tronc commun de pratiques qui perdure : interception à moyenne altitude, engagement de cibles basses, pénétration TBA avec fenêtres météo élargies.
La trajectoire du Cyrano IV illustre une leçon durable : l’efficacité provient d’un ensemble cohérent plus que d’une seule grandeur record. Portée utile, précision monopulse, filtrage Doppler, suivi de terrain, télémétrie laser, fiabilité MTBF et soutien modulaire GaAs composent un tout qui augmente l’effet opérationnel pour un coût maîtrisé. Les programmes contemporains retiennent cette logique d’ensemble, en y ajoutant la fusion multi-capteurs et des liaisons de données plus denses ; mais le socle posé sur Mirage F1 demeure pertinent pour comprendre ce qui fait un radar de chasseur réellement polyvalent.
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