Le L-39 adopte le turbofan Ivchenko AI-25TL : −30 % de carburant, −15 dB de bruit, endurance portée à 3,8 h et meilleure tenue à basse vitesse. Analyse technique.

En résumé

Le passage du L-29 Delfín au L-39 Albatros s’accompagne d’un changement majeur de propulsion : l’intégration du turbofan Ivchenko AI-25TL en lieu et place d’un turbojet. Avec un rapport de dilution d’environ 1,35 (dimensionnement programme) et une consommation spécifique de 0,78 lb/(lbf·h), soit près de 79,5 kg/(kN·h), le L-39 réduit son carburant d’environ 30 % à profil de mission comparable. Le bruit chute d’environ −15 dB, ce qui améliore la sécurité et l’environnement de travail sur base. La poussée disponible autorise un rapport poussée/masse de 0,45 en configuration d’entraînement, tout en conservant une vitesse de décrochage modérée (82 kt, soit 152 km/h) et une endurance qui atteint 3,8 h (3 h 48). Ces gains ont influencé les évolutions ultérieures, comme le L-59 Super Albatros motorisé par le DV-2, et ont posé les bases des standards des avions école de seconde génération. La modélisation CFD du panache d’éjection montre enfin comment l’interaction jet/empennage affecte la stabilité de lacet à basse vitesse.

L-39 Albatros

Le passage du turbojet au turbofan dans l’entraînement

Le L-29 Delfín, propulsé par un turbojet, a constitué une plateforme robuste, mais énergivore et bruyante pour la formation initiale. Le basculement vers le L-39 Albatros intègre le turbofan Ivchenko AI-25TL, dont la double flux réduit la vitesse du jet froid et améliore le rendement propulsif aux régimes de croisière typiques de l’entraînement. La consommation spécifique de 0,78 lb/(lbf·h) (≈ 79,5 kg/(kN·h)) positionne le moteur nettement en dessous des valeurs usuelles des turbojets de génération précédente. Sur missions école à altitude moyenne, la baisse de débit carburant atteint en pratique environ −30 % pour un profil équivalent, ce qui joue directement sur les coûts par heure de vol et la densité d’activité.
Le rapport de dilution retenu autour de 1,35 favorise le rendement en subsonique sans pénaliser l’intégration dans une cellule compacte. En régime d’utilisation, l’AI-25TL délivre environ 16,9 kN au décollage, ce qui, ramené aux masses opérationnelles formation, permet un rapport poussée/masse proche de 0,45. Cette marge se traduit par des montées plus courtes, des remises de gaz plus sûres et une récupération d’énergie suffisante lors des exercices de base.
Le bruit −15 dB par rapport au L-29 (ordre de grandeur mesuré sur l’aire) réduit fortement l’exposition du personnel et facilite les opérations sur plateformes mixtes. En termes de perception, −15 dB correspond à une division par plus de deux de la sonie ressentie et à un abaissement substantiel de la puissance acoustique rayonnée. L’apport opérationnel est tangible : créneaux horaires plus souples, moins de contraintes de voisinage, entraînements prolongés sans dégrader les conditions humaines. Cette baisse s’explique par la moindre vitesse d’éjection du flux froid, l’optimisation du diffuseur et une architecture fan/compresseur adaptée à des régimes stabilisés.

La performance propulsive et les gains mesurables en mission

La transition vers le turbofan se lit dans les chiffres. L’endurance atteint 3,8 h avec réservoirs de bout d’aile, contre des valeurs typiques nettement inférieures sur L-29 à consommation élevée. Convertie en distance, à une vitesse de croisière d’entraînement d’environ 700 km/h (378 kt), cette endurance permet plus de 2 600 km de couverture théorique hors réserves, utile pour du transit, des enchaînements de manches air-air ou des modules de navigation.
La vitesse de décrochage de 82 kt (152 km/h), obtenue volets adaptés et masse entraînement, autorise des approches plus courtes et plus indulgentes. La réponse moteur du turbofan, bien que moins instantanée qu’un turboréacteur léger moderne de business jet, reste suffisamment vive dans l’enveloppe école. Les temps de réponse typiques de l’AI-25TL (accélération de ralenti à plein gaz de l’ordre de 9–12 s) exigent une anticipation pédagogique, mais l’inertie moindre du compresseur fan par rapport à certains turbojets contribue à une tenue à basse vitesse plus sereine.
Sur le plan énergétique, une consommation spécifique de 0,78 lb/(lbf·h) se convertit en ≈ 79,5 kg/(kN·h). À 10 kN moyens sur segment, on parle d’environ 795 kg/h, à moduler selon altitude, température et réglage. Rapportée à des prix Jet A-1 de 0,80 à 1,00 €/L, la facture carburant baisse mécaniquement face à un L-29 typé 700–900 L/h, ce qui autorise plus de cycles par budget à qualité de formation égale.
Côté performances, un rapport poussée/masse proche de 0,45 en masse d’entraînement procure une réserve utile pour la sécurité des trajectoires et les remises de gaz. Les marges thermiques du moteur, dimensionné pour la robustesse plus que pour la pointe, assurent une fiabilité adaptée à un usage intensif académique. Cette combinaison endurance/économie explique l’adoption massive du L-39 dans les écoles des pays utilisateurs durant plusieurs décennies.

La modélisation CFD du panache d’éjection et la stabilité de lacet

La modernisation ne se limite pas au moteur. L’écoulement issu de la tuyère, même subsonique, interagit avec la dérive et l’empennage horizontal, surtout à forte incidence et à vitesse faible, exactement le domaine des exercices école. Une campagne CFD crédible pour évaluer ces effets retient un schéma RANS k-ω SST, avec maille polyhédrale de l’ordre de 15–25 millions de cellules pour capturer le panache et les couches limites sur fuselage et empennages. Le domaine s’étend à ±15 longueurs fuselage en aval et ±10 en latéral pour limiter les effets de rebond.
Les conditions aux limites fixent à l’entrée de tuyère la pression totale, la température totale et le profil de vitesse correspondant au point moteur (par exemple 8–10 kN), avec une température d’éjection autour de 500–650 K selon réglage. Le flux chaud génère un gradient de densité et un léger swirl résiduel issu de la turbine/ligne d’échappement. À β (angle de dérapage) non nul, l’empreinte du jet sur la dérive crée un différentiel de pression latérale. On observe typiquement une variation du coefficient de force latérale Cy de l’ordre de quelques millièmes par degré de β, suffisante pour déplacer le point neutre de lacet à basses vitesses.
Deux tendances ressortent. D’abord, l’ombrage partiel de la dérive par le panache à forte incidence peut réduire l’efficacité de gouverne au-delà d’un certain α, ce qui impose pédagogiquement de gérer les coordinations palonnier/roulis en approche. Ensuite, l’amincissement du jet avec la distance réduit l’interaction dès que la vitesse augmente, ramenant le comportement au cas « aerodynamique pur ». L’intérêt opérationnel de l’AI-25TL tient à la stabilité bien amortie du L-39 : la cellule, à aile droite, tolère ces effets tant que le pilotage reste propre. La CFD permet enfin d’optimiser de petits carénages ou déflecteurs en aval de tuyère pour réduire la sensibilité à β à basse vitesse, sans pénaliser la traînée sur segments école.

L-39 Albatros

Les effets de filiation : du L-39 au L-59 et aux standards contemporains

L’intégration réussie du turbofan sur l’avion école a défini un standard repris par la génération suivante. Le L-59 Super Albatros, re-motorisé par le DV-2 (≈ 21,6 kN), capitalise sur le bénéfice double flux : meilleure montée, meilleures réserves thermiques et avionique modernisée. La logique est la même : endurance accrue, coûts horaires contenus, bruit réduit. À l’international, des plateformes d’entraînement comme le K-8 (variante AI-25TLK) ou, à un niveau plus récent, des avions école avancés à turbofan moderne, reprennent cette logique d’efficacité en subsonique, de tenue à basse vitesse maîtrisée et de marge de sécurité en remise de gaz.
La leçon industrielle est claire. En formation, la disponibilité prime la performance extrême. Un turbofan de moyenne poussée, robuste et simple à maintenir, produit plus de sorties par jour, tolère mieux les erreurs de manœuvre et consomme moins. La baisse de −15 dB au sol, couplée à l’économie carburant, autorise des plages d’entraînement étendues avec moins de contraintes humaines et environnementales.
Enfin, l’ergonomie moteur influence la pédagogie. La réponse un peu plus lente qu’un petit turbofan d’affaires impose d’enseigner l’anticipation, mais la réserve de couple disponible à bas régime limite les « trous » de poussée lors des transitions. Cette signature, plus linéaire, est précieuse pour un élève qui passe du piston/électrique au réacteur : l’avion « parle » de manière lisible. L’optimisation fine de la stabilité de lacet grâce aux études CFD boucle la cohérence : cellule indulgente, moteur efficient, comportement prévisible à basse vitesse. C’est cette cohérence qui explique l’influence durable du L-39 sur la catégorie, jusqu’aux programmes école actuels qui privilégient le turbofan économique et les capteurs modernes.

Une ouverture sur les standards futurs

La rationalité technique qui a guidé le L-39 reste pertinente : maîtriser l’énergie, réduire le bruit, stabiliser le domaine lent. Les marges supplémentaires viendront de l’optimisation numérique et des carburants plus propres. Sur un plan très pratique, les écoles continuent de rechercher le triptyque endurance, coût par heure, sécurité. Dans ce trio, le turbofan de moyenne poussée reste un choix solide tant que la mission est majoritairement subsonique et que l’avion sert à apprendre, non à battre des records. La modélisation CFD pousse déjà des micro-adaptations d’empennage ou de tuyère pour mieux contrôler l’interaction jet/queue. L’héritage du L-39 Albatros n’est pas seulement historique ; il structure encore les feuilles de route des avions école de seconde génération.

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