De l’arrivée des F-16 aux promesses de Gripen, voici le bilan actualisé des livraisons et commandes d’avions de chasse à l’Ukraine pour faire face à la Russie.
En résumé
Depuis l’invasion russe en 2022, l’Ukraine a reçu de plusieurs alliés occidentaux des avions de combat destinés à moderniser sa force aérienne. Les plus significatifs sont les F-16AM/BM issus des flottes néerlandaise, norvégienne, danoise ou belge, dont près d’une trentaine ont déjà été livrés par les Pays-Bas. La France a annoncé la livraison de quelques exemplaires de Mirage 2000-5 pour 2025. À côté, l’Ukraine a ouvert des discussions pour acquérir jusqu’à 100 à 150 avions suédois Saab JAS 39 Gripen-E/F. Le budget précis pour chaque transfert varie, mais la donation néerlandaise incluait quelque 230 M€ de soutien missiles et munitions. Ces avions interviennent dans le cadre d’une transformation de la supériorité aérienne et de la défense anti-missile ukrainienne. Le défi demeure : formation rapide des équipages, logistique de maintenance et intégration des plates-formes dans un contexte de guerre active.

Les transferts effectifs d’avions à l’Ukraine
Le pilier du soutien aérien occidental à l’Ukraine repose sur le transfert de chasseurs multirôles occidentaux. Le cas le plus avancé est celui des États-membres de l’OTAN équipés du F‑16 Fighting Falcon. Ainsi, les Pays-Bas ont officiellement complété la livraison de 24 F-16 à l’Ukraine en mai 2025, après plusieurs étapes.
Par ailleurs, la Norvège a déclaré dans un rapport qu’elle avait prévu ou livré 14 F-16 à l’Ukraine, alors que le nombre annoncé publiquement était de 6. Le Danemark est engagé pour 19 F-16 au total.
En parallèle, la France a annoncé le transfert de quelques exemplaires de Mirage 2000‑5 à l’Ukraine. Le président français a évoqué un nombre non précisé début 2025, et certains médias ont mentionné six exemplaires.
Ces avions sont acheminés dans un contexte de guerre active. Ils ne sont pas uniquement symboliques : le F-16, par exemple, a déjà été utilisé pour intercepter des missiles de croisière russes.
L’enjeu pour l’Ukraine est de faire coexister rapidement ces nouveaux types avec ses flottes héritées de l’ère soviétique (MiG-29, Su-27, Su-25) et de redéployer ses moyens dans un espace aérien fortement contesté.
Les promesses et commandes d’avions supplémentaires
Au-delà des transferts déjà effectués, l’Ukraine et ses alliés ont inscrit des promesses qui modifient l’équilibre aérien à venir. Les Pays-Bas, la Belgique, le Danemark et la Norvège visent ensemble un volume d’environ 85 à 95 F-16 à long terme pour l’Ukraine. La Belgique s’est engagée spécifiquement à livrer 30 F-16 d’ici 2028.
Concernant les avions suédois, le gouvernement de Stockholm a annoncé en octobre 2025 une « lettre d’intention » pour explorer l’exportation de 100 à 150 Saab JAS 39 Gripen‑E à l’Ukraine.
Chaque avion nécessite une enveloppe budgétaire comprenant adaptation, munitions, formation, maintenance et infrastructure. Bien que les montants exacts par exemplaire ne soient pas toujours publics, une aide d’armement associée à la donation néerlandaise a atteint 80 M€ pour missiles air-air et 150 M€ pour munitions air-sol.
Ces promesses traduisent une stratégie à long terme : l’Ukraine vise non seulement à se défendre mais à projeter une force aérienne « occidentale » standardisée, et non plus simplement héritée du parc soviétique.
Le rôle de la formation et de l’infrastructure dans l’absorption des nouveaux avions
Transférer des avions c’est bien, les faire voler efficacement c’est un tout autre défi. Pour que les livraisons remplissent leur but, l’Ukraine et ses alliés ont mis en place un dispositif de formation robuste. Le centre européen de formation sur F-16 (EFTC) à Fetești (Roumanie) a été conçu pour accueillir pilotes, mécanos et armuriers ukrainiens.
Par exemple, le F-16AM/BM (version Block 15 MLU) exige une aprovisionnement complexe en pièces, des heures-personnel qualifié, des simulateurs et une logistique de maintenance. Pour un pays en guerre, c’est un saut capacitaire majeur. Le temps de conversion d’un pilote qualifié d’un avion soviétique à un F-16 occidental est estimé à plusieurs dizaines de semaines, incluant des phases IFR, ravitaillement en vol, armement air-sol et air-air BVR.
L’Ukraine doit en parallèle moderniser ses installations au sol, sécuriser ses pistes, abris, chaînes MRO et chaîne logistique. Dans le contexte russe, les bases aériennes sont régulièrement exposées à des frappes, ce qui complique davantage la mise en place. Certains analystes soulignent que sans couverture défensive efficace, la première fonction d’un chasseur moderne reste vulnérable. Ainsi, la quantité d’avions livrés ne suffit pas : c’est la capacité globale d’intégration qui fera le succès.
Les défis budgétaires, techniques et stratégiques
L’un des défis majeurs est celui du coût total de possession. Un avion de conception occidentale coûte plus cher à l’heure de vol que ses homologues soviétiques, en raison des systèmes avioniques, des munitions guidées, des radars modernes et des capteurs. Les États-fournisseurs doivent aussi supporter les formations, les munitions et le soutien. L’exemple néerlandais montre que le don n’est pas gratuit : 230 M€ d’armement étaient associés au transfert.
Sur le plan technique, la maintenance des F-16 et Mirage impose des standards différents, des pièces souvent sous licence et une chaîne logistique OTAN. En l’absence d’une chaîne locale de maintenance, l’Ukraine dépend fortement des alliés pour les pièces et le soutien, ce qui peut devenir un facteur de vulnérabilité.
Stratégiquement, les avions livrés arrivent dans un espace où la Russie conserve des moyens de défense anti-air avancés (S-400, missiles longue portée, drones de saturation) et une supériorité numérique. Même des chasseurs modernes ne peuvent pas opérer seuls : ils doivent agir en coordination avec des ISR, des ravitaillements en vol, des drones de surveillance et des systèmes EW. Sans cette architecture, la marge de manœuvre reste limitée. Le défi est donc global : avion + formation + support + doctrine interarmées.
Les effets potentiels sur la guerre et la posture de défense ukrainienne
L’arrivée d’avions occidentaux peut avoir plusieurs effets tangibles et d’autres plus subtils. Immédiatement, l’Ukraine augmente ses capacités d’interception, de frappe et de supériorité tactique, ce qui peut réduire les frappes russes sur les infrastructures critiques, comme les systèmes d’énergie ou logistiques. Le F-16, par exemple, est déjà utilisé pour intercepter des missiles de croisière russes.
À moyen terme, standardiser une flotte occidentale crée une défense aérienne intégrée OTAN-style, facilite les commandes communes, les munitions partagées et la formation continue. Cela renforce la résilience ukrainienne.
À plus long terme, la transformation de la force aérienne ukrainienne en une force compatible OTAN réduit la dépendance aux matériels soviétiques obsolètes et augmente l’attractivité pour les engagements internationaux. Cela peut aussi dissuader l’agresseur par le coût accru de ses opérations.
Toutefois, un effet pervers existe : les avions modernes deviennent des cibles prioritaires. Leur destruction ou immobilisation coûte aussi cher qu’un nouvel avion moderne. Si la guerre s’étire, le défi du maintien en condition opérationnelle (MCO) devient exponentiel. En conséquence, l’Ukraine doit non seulement recevoir des avions mais assurer leur soutien sur plusieurs années.

Quelques chiffres clés à retenir
- 24 F-16 livrés par les Pays-Bas à l’Ukraine en mai 2025.
- 14 F-16 promis ou livrés par la Norvège en 2024 selon un rapport officiel.
- 30 F-16 promis par la Belgique d’ici 2028.
- Six Mirage 2000-5 annoncés par la France pour livraison début 2025.
- Volume potentiel pour l’achat de 100 à 150 Gripen suédois à moyen terme.
- Soutien armement associé aux F-16 néerlandais : 80 M€ missiles + 150 M€ munitions.
L’Ukraine est aujourd’hui engagée dans une phase de modernisation accélérée de sa force aérienne. Les livraisons d’avions sont concrètes, mais l’enjeu réel réside dans la capacité à les faire voler, à les intégrer à une chaîne logistique et à une doctrine de guerre moderne. Dans un conflit prolongé, l’avion ne fait pas tout : son maintien opérationnel, sa synergie avec la défense au sol et les drones, et sa résilience face aux frappes adverses sont tout aussi critiques. L’augmentation des livraisons et l’ouverture de nouvelles commandes (Gripen notamment) ouvrent sur un avenir où l’Ukraine pourrait acquérir une force aérienne de type OTAN. Mais cette trajectoire dépendra de l’engagement industriel, logistique et stratégique des alliés occidentaux dans la durée.
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