L’Allemagne prévoit de commander 15 avions F‑35A supplémentaires, pour porter sa flotte à 50 appareils. Enjeux, budget et retombées européennes.

En résumé

Berlin a décidé de commander 15 avions F-35A supplémentaires auprès de Lockheed Martin, portant son objectif de flotte à 50 appareils, après une première commande de 35 exemplaires. Cette acquisition – estimée à environ 2,5 milliards d’euros – vise à renforcer la Luftwaffe en remplacement des vieux Panavia Tornado et à maintenir la capacité de dissuasion nucléaire de l’OTAN sur le sol allemand. Sur le plan européen, cette décision met en lumière la relation entre autonomie stratégique continentale et dépendance technologique américaine. Le budget accru traduit la volonté de l’Allemagne de monter en puissance aérienne dans un environnement sécuritaire perturbé. Toutefois, cette évolution modifie aussi les équilibres industriels, notamment au sein du programme franco-allemand Future Combat Air System (FCAS).

Le détail de l’information

Selon des sources parlementaires allemandes et des documents confidentiels du ministère de la Défense, la commande de 15 F-35A est contenue dans un dossier intitulé « Beschaffungsergänzung F-35A Flugzeuge » destiné à la commission budgétaire du Bundestag. La facture prévue s’élève à environ 2,5 milliards d’euros. (≈ 2,9 milliards USD)
Jusqu’à présent, l’Allemagne avait validé en 2022 l’achat de 35 F-35A pour remplacer sa flotte de 85 Tornado. En cas de passation, le total prévu grimperait donc à 50 appareils. Le ministère de la Défense allemand n’a pas encore publié d’annonce officielle au moment de cette rédaction.

Le remplacement de la flotte existante

La Luftwaffe dispose actuellement de Tornado (IDS et ECR) pour la frappe, la reconnaissance et la mission de dissuasion nucléaire de l’OTAN. Ces avions, datant des années 1980, arrivent en fin de cycle. Le F-35A est désigné pour prendre leur relève, y compris au titre de la mission nucléaire (transport des bombes B61-12 américaines stockées en Allemagne).
En intégrant 50 appareils furtifs et multirôles, l’Allemagne obtiendra une force aérienne moderne capable d’opérer dans des espaces contestés, avec des capteurs de cinquième génération, une furtivité accrue et une interopérabilité renforcée avec ses alliés de l’OTAN.

Les raisons de cet achat

Plusieurs facteurs motivent cette décision :

  • Le contexte stratégique s’est durci : la guerre en Ukraine, la montée des menaces aériennes russes, et la nécessité pour l’Allemagne de tenir sa « Zeitenwende ».
  • L’OTAN demande aux alliés d’accroître la dépense et les capacités. Berlin juge que la commande initiale de 35 avions pourrait ne plus suffire à répondre aux scénarios de haute intensité.
  • Le retrait progressif du Tornado exige un remplaçant rapidement disponible. Le F-35A est opérationnel et éprouvé.
  • Des délais dans le programme FCAS poussent l’Allemagne à sécuriser une solution à court/moyen terme. L’ordre supplémentaire de F-35 marque une priorité pragmatique sur le long terme.
  • Le budget allemand a été renforcé récemment, permettant d’intégrer cette dépense. L’effort budgétaire montre la volonté de moderniser l’armée de l’air.
L’Allemagne commande 15 F-35A pour porter sa flotte à 50 avions

Conséquences pour l’Allemagne et pour l’Europe

Pour l’Allemagne

Avec 50 F-35A, la Luftwaffe bénéficiera d’une flotte standardisée, réduisant les coûts d’exploitation par rapport à l’hétérogénéité actuelle. Elle gagnera en chasse, en frappe, en reconnaissance. La mission nucléaire reste assurée. Le choix américain stabilise l’interopérabilité avec les alliés mais réduit quelque peu l’autonomie technologique.

Pour l’Europe

Cet achat renforce la dominance américaine dans l’équipement aérien européen. Il peut ralentir l’ambition d’une industrie européenne de s’affranchir des fournisseurs externes. Le projet franco-allemand FCAS est fragilisé par ce choix pragmatique. L’Allemagne montre qu’elle n’attendra pas un démonstrateur 2030-2035 pour agir. Enfin, le rééquilibrage des capacités aériennes européennes se poursuit : d’autres nations achètent ou envisagent le F-35, stimulant l’interopérabilité mais aussi la dépendance.

Le budget et le calendrier

Le budget indiqué d’environ 2,5 milliards d’euros couvre l’acquisition des 15 appareils mais pas nécessairement les munitions, le soutien logistique ou les infrastructures associées. Le précédent contrat pour 35 avions représentait déjà près de 10 milliards d’euros selon certaines sources. Le calendrier prévoit des livraisons à partir de 2027 pour les premiers appareils au sol allemand, avec éventuellement les premières phases d’entraînement aux Etats-Unis. Le lieu d’affectation principal est la base aérienne de Büchel, où sont stationnées les bombes B61.
L’Allemagne devra prévoir l’infrastructure adaptée, la formation des pilotes, l’intégration des systèmes et la maintenance sur plusieurs décennies. Ce coût caché reste à détailler.

L’impact industriel et stratégique

Le choix du F-35A implique une participation à la chaîne de production américaine. Une usine de fabrication des parties de fuselage a été lancée en Allemagne (site de Weeze) pour assembler des éléments du F-35, ce qui crée des emplois et de la valeur ajoutée. ([Wikipedia][6]) Par ailleurs, l’arrivée de 50 avions peut influencer les partenariats industriels en Europe, notamment en matière de maintenance, de pièces détachées et de logistique.
Stratégiquement, l’Allemagne se dote d’un appareil capable de penetration, d’attaque de haute valeur, de guerre électronique et de partage de données avec alliance. Elle affirme son rôle de pilier de la défense européenne dans un contexte d’incertitude accentuée. Ce faisant, elle adopte un positionnement à la fois rapprochement atlantique et modernisation rapide.

Les défis à venir

L’introduction de 50 F-35A n’est pas sans défis. La formation de pilotes, la disponibilité des appareils, les coûts de maintenance et d’exploitation sont élevés. La logistique de partage de données, de munitions nucléaires ou conventionnelles doit être assurée. Le maintien de l’engagement européen indépendant via FCAS demeure flou. Enfin, le parlement allemand devra encore ratifier le plan définitif, et la dépendance envers la technologie américaine pose des questions de souveraineté à long terme.

Une étape mais pas une finalité

Cet ordre de 15 F-35A supplémentaires marque un tournant. L’Allemagne franchit un cap technologique et budgétaire pour son aviation. Toutefois, il reste à transformer ce potentiel en capacité opérationnelle réelle. L’équilibre entre immédiateté, autonomie européenne et interopérabilité atlantique demeure délicat. À l’heure où la menace ne se résume plus à la frontière orientale, mais est globale et structurante, Berlin mise sur la capacité dissuasive et flexible. Reste à voir comment cette décision s’insérera dans une architecture européenne de défense en pleine mutation.

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