Oslo engage ses F-35A pour escorter des bombardiers lors de l’exercice nucléaire de l’OTAN. Un jalon pour l’alliance et un test grandeur nature des capacités du F-35.

En résumé

La Norvège a confirmé l’engagement d’un « petit nombre » de F-35A dans l’exercice nucléaire annuel de l’OTAN, Steadfast Noon, organisé du 13 au 24 octobre. Les appareils opèrent en rôle d’escorte et d’appui, aux côtés de bombardiers alliés à capacité nucléaire, sans emploi d’armements réels. Cette participation marque une évolution de la contribution norvégienne, jusque-là limitée à l’observation ou au renfort d’état-major. Elle s’inscrit dans la stratégie d’interopérabilité OTAN et dans la montée en puissance de la flotte norvégienne de F-35A, fer de lance de la défense aérienne au-delà du cercle polaire. Le F-35A est certifié nucléaire au sein d’unités américaines pour l’emport de la bombe B61-12 ; en revanche, Oslo maintient sa ligne politique : pas d’armes nucléaires stationnées en Norvège en temps de paix et pas d’assignation nationale à l’emport. L’exercice reste crucial pour éprouver la dissuasion alliée, la supériorité informationnelle du F-35 et la coordination multi-domaines face aux menaces hybrides sur l’Europe du Nord.

Rafale vs F-35

Le fait annoncé par Oslo et le cadre de l’exercice

La Norvège participe cette année à Steadfast Noon avec des F-35A en appui et escorte, contribution présentée par le gouvernement comme une démarche « mesurée » mais structurante pour l’alliance. L’exercice réunit environ 70 appareils de 14 pays, avec des vols au-dessus de la mer du Nord et des bases aux Pays-Bas, en Belgique, au Danemark et au Royaume-Uni. Aucun armement nucléaire réel n’est utilisé ; l’objectif est d’entraîner les procédures des Dual-Capable Aircraft (DCA) et la protection des vecteurs stratégiques avant tout emploi. Pour Oslo, l’intérêt est double : crédibiliser sa posture dans le « High North » et démontrer la valeur ajoutée de sa flotte de F-35 au sein d’une architecture multinationale.

L’importance opérationnelle d’« escorter » des bombardiers

L’escorte de bombardiers à capacité nucléaire est un rôle exigeant. Il impose la maîtrise de la déconfliction, de la guerre électronique, du ravitaillement en vol et des transitions entre vols à moyenne et basse altitude. Les F-35A protègent la formation contre les intercepteurs adverses, brouillent ou contournent les radars hostiles et ouvrent des corridors aériens grâce à leur furtivité et à la fusion de capteurs. Le chef de la défense norvégienne a explicitement rappelé que les F-35 norvégiens accomplissent des missions d’escorte des aéronefs susceptibles d’emporter des armes nucléaires, un savoir-faire pertinent en temps de crise lorsque l’alliance doit disperser, regrouper puis sécuriser ses vecteurs. Le réalisme de Steadfast Noon tient précisément à ces enchaînements tactiques, sans franchir le seuil de l’armement réel.

Le F-35A peut-il emporter une bombe nucléaire ?

Sur le plan technique et doctrinal, le F-35A a franchi une étape majeure : des unités américaines sont désormais opérationnellement certifiées pour l’emport de la B61-12 en soute interne, ce qui maintient la signature radar au plus bas et préserve l’aérodynamique. Cette certification n’est pas universelle : seuls des escadrons désignés (USAF) disposent de l’aptitude DCA. Les autres flottes alliées — dont la Norvège — emploient le F-35A en rôles conventionnels (interception, SEAD/DEAD, ISR, frappe de précision) et d’escorte. Cette différenciation répond à la politique nucléaire de l’OTAN et à des choix nationaux : la Norvège ne stationne pas d’armes nucléaires sur son sol en temps de paix et n’assigne pas ses F-35 à l’emport de la B61-12. Techniquement, l’emport est possible sur la plateforme ; politiquement, Oslo s’y abstient.

La politique norvégienne sur le nucléaire militaire

La position d’Oslo est constante depuis des décennies : soutien à la dissuasion de l’OTAN, mais pas de stockage d’armes nucléaires en Norvège en temps de paix. Le gouvernement souligne que la crédibilité de l’alliance repose sur une combinaison de forces conventionnelles et nucléaires, tout en promouvant activement la vérification du désarmement et le régime du TNP aux Nations unies. Cette approche « duale » s’est renforcée avec l’adhésion de la Finlande et de la Suède à l’OTAN, qui modifie l’équilibre en Europe du Nord tout en multipliant les options d’entraînement, d’accueil et de transit pour les forces alliées.

Les atouts spécifiques du F-35A dans une mission d’escorte nucléaire

Dans un scénario Steadfast Noon, le F-35A combine plusieurs effets :

  • Détection à longue portée grâce à l’APG-81 (bande X) et aux capteurs passifs (DAS/ESM), permettant l’alerte avancée et la triangulation des menaces.
  • Partage de situation tactique via Link-16 et liaisons discrètes, afin de synchroniser brouillage, leurres et manœuvre des bombardiers.
  • Emploi de munitions air-air et, si besoin, de moyens SEAD/DEAD pour ouvrir des axes aux bombardiers et à leurs escorteurs.
  • Navigation et pénétration à partir de plans de mission chiffrés, incluant la gestion fine des trajectoires pour rester sous les lobes radar.
    L’ensemble offre un gain de survivabilité à la formation, particulièrement précieux au-dessus de la Baltique, de la mer de Norvège et du « GIUK gap », où la densité de capteurs adverses impose une discipline électromagnétique stricte.

Les bénéfices stratégiques pour l’alliance et pour Oslo

Pour l’OTAN, la participation norvégienne renforce la dissuasion en démontrant que des alliés non hôtes d’armes nucléaires peuvent sécuriser la chaîne opérationnelle, du roulage au décollage, puis jusqu’aux points de tir. Pour Oslo, l’exercice consolide la crédibilité d’une flotte F-35 dimensionnée pour le « High North » et familiarisée avec l’intégration de bombardiers américains (B-2, B-1B, B-52H) lors d’entraînements récents. Cette interopérabilité réduit les délais de montée en puissance en cas de crise et rassure les partenaires européens sur la capacité de la Norvège à assumer des missions à haute valeur stratégique, y compris l’escorte des vecteurs DCA et la couverture des zones de déploiement.

L’intérêt concret de l’exercice pour la préparation au combat

Steadfast Noon répète des enchaînements clés : sécurisation des dépôts, génération des sorties, intégration des formations mixtes, ravitaillement, pénétration coordonnée, puis recouvrement. Les équipages s’entraînent à gérer des menaces combinées (intercepteurs, réseaux sol-air, drones, brouillage) et des « injects » cyber-électroniques. Les contrôleurs aériens, les cellules de guerre électronique et les ravitailleurs (KC-135, A330 MRTT, KC-46A) apprennent à travailler en « combat cloud » où le F-35 sert d’aiguillon capteurs. La répétition annuelle standardise procédures et check-lists entre nations et permet de vérifier les temps d’alerte, les fenêtres météo, les contraintes d’espace aérien et la résilience des bases de dispersion.

Les limites et les malentendus à éviter

Le fait que des F-35A norvégiens escortent des bombardiers nucléaires ne signifie pas que la Norvège devienne un État hôte nucléaire ni que ses appareils soient armés de B61-12. La nuance est essentielle : rôle conventionnel d’escorte et de protection, dans un cadre d’alliance. De même, la certification nucléaire du F-35A au sein d’unités américaines n’emporte aucune automaticité pour les flottes partenaires. Enfin, Steadfast Noon demeure un entraînement ; il ne répond à aucun événement ponctuel, même si l’exercice intervient dans un contexte de menaces hybrides accrue contre l’Europe et ses infrastructures militaires.

F-35 Norvege

La portée politique en Europe du Nord

La participation norvégienne intervient alors que la région nordique se densifie militairement. La coordination avec les Pays-Bas (hôte de l’édition), la Belgique, le Danemark, la Pologne, la Finlande ou encore la Suède montre que l’OTAN élargit son cœur DCA au-delà du traditionnel duo Tornado/F-16. Le fait que des F-35 mènent désormais une part significative des séquences de l’exercice inscrit ce chasseur furtif au centre de gravité de la posture nucléaire alliée. Pour la Norvège, l’enjeu est aussi intérieur : expliquer que l’escorte contribue à la stabilité régionale sans modifier la ligne politique nationale vis-à-vis des armes nucléaires.

La suite : professionnaliser l’« équipe » et réduire les frictions

Pour capitaliser, Oslo doit poursuivre trois chantiers. D’abord, la disponibilité technique de la flotte (taux de mission, pièces, logiciels), pour garantir la réactivité en alerte. Ensuite, l’entraînement conjoint avec bombardiers et ravitailleurs alliés, y compris à partir de bases de dispersion et de tronçons routiers, déjà testés par la Royal Norwegian Air Force. Enfin, l’intégration de la guerre électronique et de la cyber-protection au niveau escadre, afin d’endurcir la « bulle F-35 » face à des adversaires qui combineront drones, missiles de croisière et attaques informationnelles. Ce trio — disponibilité, interopérabilité, durcissement — déterminera la contribution norvégienne lors des prochaines éditions de Steadfast Noon.

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