En octobre 1985, des F-14 américains interceptent un Boeing 737 transportant les terroristes de l’Achille Lauro, dans une mission inédite au-dessus de la Méditerranée.
Le 10 octobre 1985, quatre F-14 Tomcat de l’US Navy ont réalisé l’une des opérations d’interception les plus spectaculaires de la guerre froide. L’objectif : intercepter un avion de ligne civil, un Boeing 737 d’EgyptAir, transportant les auteurs du détournement du paquebot Achille Lauro. Cette mission, menée de nuit, sans plan de vol officiel ni coordonnées précises, fut coordonnée depuis le porte-avions USS Saratoga, en Méditerranée orientale. Elle a permis d’arrêter les pirates de l’air du Front de libération de la Palestine, à l’origine du meurtre d’un passager américain, Leon Klinghoffer.
Cette opération a combiné moyens de renseignement, puissance aéronavale, pression diplomatique et rapidité d’exécution. Le Boeing fut contraint d’atterrir sur la base aérienne de Sigonella, en Sicile, contrôlée par l’OTAN. Cette manœuvre illustre une capacité d’interception air-air au-delà du domaine purement militaire, dans un contexte politique explosif.
Le détournement du paquebot Achille Lauro
Le 7 octobre 1985, quatre membres du Front de libération de la Palestine s’emparent du paquebot Achille Lauro au large de l’Égypte. À bord, plus de 400 passagers. Les preneurs d’otages exigent la libération de 50 prisonniers palestiniens détenus en Israël. L’épisode tourne au drame : Leon Klinghoffer, citoyen américain paralysé, est abattu froidement, son corps jeté à la mer. La nouvelle choque l’opinion publique américaine.
Après plusieurs jours de négociation, un accord est trouvé. Les preneurs d’otages obtiennent un sauf-conduit pour quitter l’Égypte et monter à bord d’un Boeing 737 d’EgyptAir, censé les évacuer vers Tunis. Mais la CIA et les services italiens interceptent l’information. Le président Ronald Reagan donne immédiatement l’ordre de les intercepter.
La mission des F-14 : un intercepteur en action
Quatre F-14 Tomcat sont lancés depuis le USS Saratoga, alors en Méditerranée. Ils sont épaulés par des avions radar E-2C Hawkeye pour la détection longue portée. Les F-14 décollent de nuit, sans connaître la position exacte du Boeing 737, ni son itinéraire réel. À cette époque, les liaisons de données civiles sont limitées, et EgyptAir n’a pas déposé de plan de vol officiel auprès de l’OTAN.
Les F-14 sont guidés par des agents de renseignement, des écoutes satellites et le suivi radar partiel fourni par les contrôleurs aériens civils et militaires. Ils repèrent l’appareil au-dessus de la mer Ionienne. À ce stade, aucun missile n’est armé. Il s’agit d’une interception visuelle, non létale.
Les Tomcat se placent en formation d’encadrement autour du 737. Par gestes, signaux lumineux et manœuvres rapprochées, ils forcent l’équipage à changer de cap. L’équipage d’EgyptAir, comprenant qu’il est suivi de près par des chasseurs de la Navy, se conforme à l’ordre. L’avion est dirigé vers la base de Sigonella, en Sicile.
La confrontation au sol à Sigonella
À Sigonella, l’affaire prend une tournure inattendue. Les autorités italiennes insistent pour que les terroristes soient arrêtés par leurs propres forces. Les Américains, qui souhaitaient immédiatement extrader les preneurs d’otages, se retrouvent face à un refus. Pendant plusieurs heures, Marines américains et carabiniers italiens se font face, armes prêtes, sur le tarmac.
Finalement, un compromis est trouvé. Les pirates de l’air sont arrêtés par la police italienne, jugés à Rome et condamnés à de lourdes peines. L’un d’eux, Abu Abbas, le cerveau de l’opération, n’était pas à bord du paquebot au moment du meurtre, ce qui permit à l’Italie de ne pas l’extrader immédiatement vers les États-Unis. Il s’échappera finalement en Libye, sous protection.
Une opération aux implications stratégiques
Cette interception illustre le niveau de réactivité, de coordination et de dissuasion qu’une force aéronavale comme celle du USS Saratoga pouvait déployer en Méditerranée. Elle met en évidence l’efficacité du F-14 en mission de supériorité aérienne, même dans un scénario non conventionnel.
Le F-14, équipé de systèmes de communication air-air, d’un radar AN/AWG-9 à longue portée et d’une vitesse de croisière supersonique, est parfaitement adapté à des missions de contrôle aérien étendu. Sa capacité à intercepter un avion civil sans violence, dans un environnement internationalement sensible, confirme sa polyvalence.
L’opération a aussi déclenché des débats sur le droit international, les limites de la souveraineté aérienne, et le rôle de l’OTAN dans les actions unilatérales américaines. Pour les États-Unis, il s’agissait de montrer que le meurtre d’un citoyen américain ne resterait pas sans réponse. Pour l’Italie, il fallait préserver son autorité sur son propre territoire. Les tensions furent vives, mais l’opération, tactiquement, fut une réussite.
L’affaire marqua un tournant dans les opérations antiterroristes aériennes. Elle a démontré que la supériorité aérienne ne se limite pas au domaine militaire. Elle peut être appliquée dans un cadre judiciaire, diplomatique et médiatique.
L’interception du 737 a été analysée dans toutes les académies militaires occidentales comme un cas d’école. Elle a souligné la nécessité de disposer de plateformes interarmées, capables d’agir rapidement, à distance, avec discernement.
Le F-14 Tomcat, dont les capacités furent critiquées pour leur coût et leur complexité, a montré ce jour-là qu’il était un outil stratégique, aussi redoutable qu’adapté à des missions de très haute précision.
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