Le Pentagone confie à OpenAI un contrat de 200 millions d’euros pour développer des systèmes d’IA avancée à usage militaire d’ici 2026.

OpenAI Public Sector LLC a obtenu un contrat de 200 millions d’euros de la part du Département américain de la Défense pour concevoir des prototypes d’intelligence artificielle militaire. Ce projet vise à répondre aux besoins critiques de sécurité nationale, tant pour les opérations de combat que pour les systèmes de gestion interne du Pentagone. La mission s’étalera jusqu’à juillet 2026, avec un premier financement immédiat de près de 2 millions d’euros issus du budget 2025 dédié à la recherche et à l’évaluation. Ce partenariat illustre une tendance croissante des forces armées américaines à s’appuyer sur des technologies issues du secteur privé, en particulier pour le développement de capacités d’IA de pointe, dites « frontier AI », capables d’analyser des données en environnement complexe, d’assister à la décision tactique, voire de détecter des menaces émergentes. L’implication d’OpenAI dans le secteur militaire soulève également des questions de gouvernance, d’éthique opérationnelle et de dépendance à des technologies propriétaires.

Un contrat stratégique entre OpenAI et le Pentagone

Le contrat de 200 millions d’euros (environ 214 millions de dollars US) attribué à OpenAI Public Sector LLC s’inscrit dans une politique claire du Pentagone visant à moderniser ses capacités numériques et décisionnelles. Ce contrat a été officialisé sous la référence HQ0883-25-9-0012 dans le cadre d’une procédure « other transaction », une méthode juridique permettant de contourner certaines lourdeurs administratives dans les appels d’offres publics classiques.

OpenAI Public Sector LLC, entité juridique distincte d’OpenAI, a été créée pour permettre une collaboration directe avec les institutions gouvernementales, notamment en matière de sécurité et de défense. Le premier versement immédiat, équivalant à 1,85 million d’euros, provient des crédits budgétaires R\&D 2025. Le reste sera alloué progressivement sur la base d’évaluations intermédiaires.

Ce choix stratégique confirme la volonté du Département de la Défense de s’appuyer sur des acteurs civils disposant d’infrastructures informatiques puissantes et de cycles de développement rapides, souvent inaccessibles aux fournisseurs traditionnels du complexe militaro-industriel.

Les objectifs techniques du projet : IA de combat et résilience opérationnelle

L’intitulé de l’appel d’offre spécifie que l’objectif est de développer des capacités d’IA dites « frontières » (frontier AI capabilities). Ce terme désigne des modèles d’apprentissage automatique de dernière génération, souvent issus d’approches dites fondationnelles (foundation models), capables de traiter des flux de données massifs en temps réel, dans des environnements caractérisés par l’incertitude, le bruit et les menaces adverses.

Les cas d’usage attendus incluent :

  • la fouille de données multisources en zone de conflit (imagerie satellite, capteurs, drones),
  • l’assistance à la décision en contexte tactique,
  • la prévision des comportements adverses via simulation algorithmique,
  • l’optimisation logistique automatisée en environnement contesté.

Le projet couvre à la fois le domaine tactique (warfare) et organisationnel (enterprise domain), avec une ambition de créer des outils transférables entre les zones de guerre et les systèmes internes de commandement.

La livraison de prototypes est attendue d’ici juillet 2026, avec des phases successives de démonstration, de test, et d’intégration dans les systèmes existants. Ce calendrier impose un rythme soutenu, qui ne pourrait être tenu qu’en mobilisant les équipes techniques principales d’OpenAI, connues pour avoir développé GPT-4 et ses dérivés spécialisés.

Open AI Pentagon

L’essor des programmes d’IA militaire aux États-Unis depuis 2018

Depuis 2018, le Département de la Défense des États-Unis a accéléré ses investissements dans l’intelligence artificielle, en créant notamment le Joint Artificial Intelligence Center (JAIC), désormais intégré au Chief Digital and AI Office (CDAO). Ce bureau est chargé de coordonner l’implémentation des technologies d’IA à l’échelle de l’ensemble des forces armées.

Le budget annuel consacré aux technologies d’IA par le Pentagone était estimé à plus de 2,5 milliards de dollars en 2024. Ce chiffre est en constante augmentation, sous l’effet de la compétition technologique avec la Chine, qui investit massivement dans les technologies à double usage (civil/militaire) via ses géants du numérique comme Baidu ou Huawei.

Les principales lignes de financement concernent :

  • les systèmes d’aide à la décision pour le commandement interarmées,
  • les drones autonomes de reconnaissance et d’attaque,
  • la cybersécurité basée sur l’analyse prédictive,
  • et les simulateurs intelligents pour l’entraînement.

Le contrat attribué à OpenAI s’inscrit donc dans un écosystème budgétaire favorable, mais aussi très concurrentiel. D’autres entreprises technologiques comme Palantir, Anduril, ou Shield AI ont déjà décroché des marchés similaires pour développer des systèmes intégrant traitement d’image, pilotage autonome ou fusion multisensorielle.

Enjeux industriels et implications éthiques du recours à OpenAI

L’entrée d’OpenAI dans le périmètre du complexe militaro-industriel américain soulève plusieurs enjeux. Sur le plan industriel, elle renforce la tendance à l’externalisation des fonctions critiques vers des entreprises privées disposant d’un savoir-faire algorithmique avancé. Sur le plan éthique, elle interroge les principes de gouvernance des systèmes autonomes à usage létal ou décisionnel.

Depuis 2019, OpenAI avait émis des réserves publiques sur l’usage militaire de ses technologies. Son changement de positionnement via la création de sa filiale « Public Sector » illustre un ajustement stratégique motivé par la nécessité de financement à grande échelle, mais aussi par la volonté de conserver une influence directe dans la conception des systèmes militaires automatisés plutôt que de laisser ce rôle à des tiers.

Les implications pratiques de cette décision sont multiples :

  • Dépendance accrue du Pentagone à des modèles propriétaires dont le code source n’est pas toujours transparent.
  • Risque de biais algorithmique, notamment dans les modèles de priorisation de cibles ou de classification de comportements.
  • Débat juridique sur la responsabilité des dommages provoqués par des décisions assistées ou prises par IA.

Le cadre réglementaire américain reste encore flou sur ces points, bien que plusieurs rapports du Congrès aient recommandé la mise en place d’une charte d’éthique opérationnelle pour l’IA militaire.

Une course mondiale à la militarisation de l’intelligence artificielle

Les États-Unis ne sont pas seuls à engager des ressources dans le développement d’IA à vocation militaire. La Chine, la Russie, la France et Israël investissent également dans ce domaine, avec des niveaux de transparence variables.

En Chine, les programmes sont pilotés par le Military-Civil Fusion Office, avec un financement opaque mais évalué à plusieurs milliards d’euros annuels. Le pays mise notamment sur le développement de drones intelligents en essaim, ainsi que sur des systèmes de guerre cognitive destinés à perturber les chaînes de commandement adverses.

En Russie, malgré des retards technologiques, le complexe militaro-industriel tente de combler son déficit via la modernisation de ses capacités cybernétiques et l’intégration d’algorithmes dans les systèmes de défense anti-aérienne.

En Europe, la France développe via la Direction générale de l’armement (DGA) des démonstrateurs comme ARTEMIS ou Man Machine Teaming, avec un budget plus limité (environ 350 millions d’euros sur cinq ans).

L’attribution de ce contrat à OpenAI montre que les États-Unis veulent conserver leur leadership technologique, en s’appuyant sur leurs champions nationaux capables de produire à la fois des innovations rapides et une capacité d’adaptation face aux besoins opérationnels.

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