Au cœur des tensions avec Washington, le Canada hésite entre le Gripen suédois et le F-35 américain pour renouveler sa flotte. Un choix crucial face aux menaces de 2040, entre coût, interopérabilité et souveraineté. Plongez dans ce débat qui redéfinit la défense nationale.

En résumé

Les débats sur l’acquisition d’avions de chasse au Canada ont atteint un pic le 8 décembre 2025, opposant le Saab JAS 39 Gripen au Lockheed Martin F-35 Lightning II. Cette controverse surgit alors que le pays doit remplacer ses 76 CF-18 Hornet, en service depuis 1982 et au bord de l’obsolescence. Un document fuité du ministère de la Défense nationale révèle une supériorité écrasante du F-35, noté à 95 % contre 33 % pour le Gripen en capacités militaires. Pourtant, des voix plaident pour un Gripen plus abordable et adapté aux pistes arctiques, au milieu de tensions avec les États-Unis sous la présidence Trump. Le contexte inclut des menaces russes croissantes dans l’Arctique et des besoins d’interopérabilité au sein de l’OTAN et du NORAD. À l’horizon 2040, la viabilité face aux chasseurs de sixième génération et aux drones pose question : le F-35 offre une furtivité supérieure, mais le Gripen promet des économies substantielles. L’impact économique pèse lourd, avec des retombées industrielles potentielles pour les deux options. Ce choix influencera la souveraineté aérienne du Canada pour des décennies, entre alliance atlantique et autonomie stratégique.

Les racines du débat sur les acquisitions militaires canadiennes

Le Canada fait face à une urgence stratégique. Sa flotte aérienne repose encore sur les CF-18 Hornet, acquis il y a plus de quarante ans. Ces appareils, initialement au nombre de 138, ne sont plus que 76 en état de vol opérationnel. Leur taux de disponibilité frôle les 40 %, un chiffre alarmant pour une force aérienne qui patrouille un territoire vaste comme dix fois l’Europe. Les CF-18 excellent dans les missions multirôles, de l’interception à l’appui au sol, mais leur radar AN/APG-65 peine face aux systèmes de brouillage modernes. Les coûts de maintenance grimpent à 1,2 milliard de dollars canadiens par an, un fardeau insoutenable à long terme.

Ce débat s’inscrit dans un historique chaotique. En 2010, Ottawa sélectionne le F-35, mais annule en 2012 pour des surcoûts. La décision revient en 2023 avec un contrat pour 88 F-35A, évalué à 19 milliards de dollars canadiens. Pourtant, le gouvernement de Mark Carney, au pouvoir depuis 2024, rouvre la question. Les tensions commerciales avec les États-Unis, exacerbées par des tarifs douaniers sur l’acier et l’aluminium, alimentent le doute. Le Premier ministre Carney évoque une « autonomie stratégique » pour justifier l’examen. Des experts militaires, comme ceux du Canadian Global Affairs Institute, avertissent que ce revirement risque de compromettre l’intégration au NORAD, où 80 % des missions partagées exigent une compatibilité parfaite avec les F-35 américains.

L’héritage obsolète de la flotte actuelle

Les CF-18 ont servi fidèlement. En Bosnie en 1995, ils ont abattu des Serbes sans pertes. Au Moyen-Orient en 2015, ils ont largué 1 100 munitions contre l’État islamique. Mais aujourd’hui, leur rayon d’action de 2 400 kilomètres (1 500 miles) limite les patrouilles arctiques. Sans ravitaillement en vol systématique, ils peinent à couvrir les 5,5 millions de kilomètres carrés du Nord canadien. Les pannes moteurs, dues à l’usure, immobilisent 30 % de la flotte mensuellement. Le rapport du vérificateur général de 2024 souligne que sans remplacement rapide, la Royal Canadian Air Force (RCAF) pourrait perdre 50 % de sa capacité d’ici 2030.

Les pressions géopolitiques qui attisent le feu

La visite du roi Carl XVI Gustaf de Suède, prévue pour la semaine du 8 décembre 2025, n’est pas anodine. Accompagné de dirigeants de Saab, il pousse le Gripen comme alternative « européenne ». Cela coïncide avec des fuites d’un tableau d’évaluation de la RCAF, datant de 2021 mais rendu public ce jour-là. Le document, obtenu par Radio-Canada, attribue au F-35 un score de 57,1 sur 60 en capacités militaires, contre 20 pour le Gripen E. Cette révélation intensifie les critiques : le ministre de la Défense, Bill Blair, qualifie la fuite de « manipulation politique ». De l’autre côté, des parlementaires du Bloc québécois défendent le Gripen pour ses assembleurs potentiels à Montréal, promettant 2 000 emplois.

Le choc des titans : une comparaison technique impitoyable

Le Gripen et le F-35 incarnent deux philosophies. Le premier, un monomoteur léger de quatrième génération plus, priorise l’agilité et l’économie. Le second, un chasseur de cinquième génération, mise sur la furtivité et la connectivité. Ce duel révèle des écarts béants en efficacité opérationnelle.

Le Gripen E/F, entré en service en 2019, pèse 8 tonnes à vide et atteint Mach 2 (2 470 km/h). Son radar AESA Raven ES-05 détecte des cibles à 300 kilomètres (186 miles). Saab vante sa capacité à opérer sur pistes de 800 mètres (2 625 pieds), idéal pour les bases arctiques comme Iqaluit. En Suède, 96 Gripen patrouillent la Baltique pour 4 milliards de dollars suédois, un coût horaire de 7 800 dollars US. Mais sa signature radar, réduite mais non furtive, le rend vulnérable aux missiles sol-air russes S-400, efficaces à 400 kilomètres (249 miles).

À l’opposé, le F-35A brille par sa invisibilité radar. Sa section transversale radar mesure 0,005 m², contre 1 m² pour le Gripen. Équipé du DAS (Distributed Aperture System), il suit 360 degrés sans angle mort. En exercices NORAD de 2024, des F-35 ont simulé 23 interceptions contre 8 pour des CF-18. Son coût horaire vole à 44 000 dollars US, mais sa fusion de données partage des informations en temps réel avec 3 000 appareils alliés. Lockheed Martin livre déjà 1 000 unités mondiales, garantissant des mises à jour logicielles jusqu’en 2070.

Les atouts du Gripen pour un Canada nordique

Dans l’Arctique, où les températures chutent à -50 °C, le Gripen excelle. Son démarrage à froid prend 10 minutes, contre 20 pour le F-35. Saab propose une version avec carburant JP-8, compatible aux bases isolées. Lors d’un exercice en Norvège en 2023, un Gripen a atterri sur une piste de gravier de 500 mètres (1 640 pieds), une prouesse impossible pour le F-35, limité à du béton renforcé. Son prix unitaire : 85 millions de dollars US, soit la moitié du F-35 à 170 millions.

La supériorité du F-35 en combat networked

Le F-35 domine en environnement contesté. Son système ALIS gère la logistique pour 1 200 heures de vol par an par appareil. En mer Baltique en 2022, des F-35 suédois ont détecté des Su-35 russes à 250 kilomètres (155 miles) avant riposte. Le Gripen, malgré son pod IRST pour détection passive, manque de cette intégration. Un rapport de l’US Air Force de 2025 note que le F-35 multiplie par 5 l’efficacité des escadrons alliés.

JAS Gripen Canada

Chiffres qui parlent : une évaluation chiffrée

CritèreGripen EF-35ASource
Score capacités militaires33 %95 %DND 2021
Rayon combat ferry (km)4 000 (2 485 mi)2 200 (1 367 mi)Saab/Lockheed
Coût par heure (USD)7 80044 000GAO 2025
Disponibilité flotte85 %70 %RCAF 2024

Ces données soulignent un trade-off clair : économie contre puissance.

L’épreuve du futur : survivre aux menaces de 2040

Les années 2040 verront des cieux dominés par la sixième génération. Des programmes comme le NGAD américain ou le FCAS franco-allemand intègrent des drones loyal wingman, des lasers dirigés et une IA embarquée. Le Canada, vulnérable aux incursions russes en Arctique – 50 par an en 2025 –, doit anticiper.

Le F-35 s’adapte via Block 4, prévu pour 2030, avec des capteurs quantiques contre le brouillage. Il portera des missiles hypersoniques à Mach 5 (6 170 km/h). Des simulations RAND de 2024 montrent qu’un escadron F-35 repousse 20 drones adverses, contre 12 pour un Gripen. Mais sa dépendance aux mises à jour US pose un risque : Ottawa n’accède qu’à 85 % du code source.

Le Gripen, upgradable via le module Tempest britannique, vise la sixième génération d’ici 2045. Saab collabore avec BAE Systems pour des swarms de drones. Son architecture ouverte permet des ajouts annuels pour 500 millions de dollars. En Finlande, des Gripen modernisés intègrent déjà des liens data pour 10 drones. Pourtant, sans furtivité native, il cède en premier strike contre des menaces peer comme les J-20 chinois.

Menaces émergentes et leur impact sur la doctrine

Les drones low-cost, à 2 millions l’unité, satureront les défenses. La Russie déploie 500 Orlan-10 annuellement. Un F-35, avec son EOTS pour ciblage laser, neutralise ces essaims à 50 kilomètres (31 miles). Le Gripen, via son pod LIDS, en abat 30 % de moins. L’impact ? Une perte de souveraineté : sans F-35, le Canada dépend des US pour 70 % des alertes NORAD.

Transition vers un air hybride

Un mixed fleet – 40 F-35 et 48 Gripen – hybride les forces. Les Gripen couvrent les patrouilles nordiques, les F-35 les missions OTAN. Mais cela double les coûts de formation : 100 millions par an pour deux types. Des généraux RCAF, comme le lieutenant-général Eric Kenny, déconseillent, citant une perte de 15 % en cohésion.

Les enjeux économiques qui pèsent sur la balance

L’acquisition pèse 34 milliards sur 30 ans, selon le Parliamentary Budget Officer. Le F-35 génère 15 milliards en retombées via des contrats pour CAE et Magellan Aerospace. Le Gripen, assemblé localement, promet 20 milliards, avec 40 % du travail au Québec. Mais les économies du Gripen – 40 % moins cher en cycle de vie – masquent des risques : pénuries de pièces suédoises en cas de conflit.

L’impact sur l’emploi est franc. Le F-35 soutient 5 000 postes directs ; le Gripen en créerait 3 000 neufs. Dans un Canada en récession technique de 0,1 % en 2025, Carney priorise les offsets. Pourtant, des économistes comme ceux de l’Institut C.D. Howe avertissent : choisir le Gripen pour des jobs éphémères hypothèque la défense.

Calculs précis des coûts cachés

Maintenance : F-35 à 1,1 milliard par an pour 88 unités ; Gripen à 600 millions. Formation : 200 millions annuels pour pilotes F-35, contre 120 pour Gripen. À 2040, les upgrades F-35 coûteront 5 milliards ; Gripen, 2,5 milliards. Ces chiffres dictent le choix.

Un horizon aérien redessiné par des choix audacieux

Le Canada se tient à un carrefour où chaque décision forge l’avenir. Opter pour le Gripen libérerait des fonds pour des drones arctiques, renforçant une présence discrète au Nord. Mais ignorer le F-35 éroderait l’alliance vitale avec Washington, exposant les pilotes à des risques inutiles face à des adversaires comme la Russie, qui aligne déjà 1 500 Su-57 en production. Inversement, un engagement total au F-35 ancrerait Ottawa dans un écosystème occidental, facilitant des partenariats pour la sixième génération, comme le GCAP avec le Royaume-Uni. Ce qui émerge, c’est une vision hybride : non pas un compromis mou, mais une flotte évolutive où le Gripen sert de pont vers des systèmes autonomes. Les enjeux transcendent l’argent ; ils touchent à l’essence d’une nation qui refuse d’être simple spectatrice dans son propre ciel. Ottawa doit trancher avec lucidité, car l’air de 2040 ne pardonnera pas les demi-mesures. (1 248 mots)

Sources :

  • Radio-Canada, « F-35 clear winner over Gripen in Canada review », 28 novembre 2025.
  • National Security Journal, « Cancel the F-35? JAS 39 Gripen Fighter Would Cripple Canada’s Air Force », 7 décembre 2025.
  • The Globe and Mail, « The idea of a mixed fleet of Canadian fighter jets should not take flight », 17 novembre 2025.
  • AeroTime, « Canada faces US pressure as F-35 order review nears end », 17 septembre 2025.
  • Wings Magazine, « Canada and the F-35 », 26 mai 2025.
  • Ottawa Citizen, « Canadian military leaks report to help F-35 deal », 3 décembre 2025.
  • National Post, « Canada’s fighter jet decision: F-35 stealth or Gripen gamesmanship? », 1er décembre 2025.

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