Dassault Aviation produira le fuselage du Rafale à Hyderabad avec Tata, marquant une étape industrielle clé pour le contrat naval signé avec l’Inde.

Un tournant stratégique dans la production du Rafale

Le 5 juin 2025, Dassault Aviation a officialisé un partenariat industriel avec Tata Advanced Systems Limited (TASL) pour produire les fuselages des Dassault Rafale en Inde. Cette annonce, passée inaperçue dans certains milieux occidentaux, constitue pourtant une évolution majeure dans l’architecture industrielle du programme Rafale. Pour la première fois depuis son lancement, une partie structurelle critique de cet avion de chasse sera fabriquée hors du site français de Mérignac. La ligne d’assemblage sera installée à Hyderabad, dans l’État du Telangana.

Cette décision n’est ni anodine, ni purement économique. Elle s’inscrit dans le cadre d’un contrat de 638,87 milliards de roupies, soit environ 7,08 milliards d’euros, portant sur 26 Rafale-M destinés à la marine indienne. Ce contrat a été signé dans la foulée de la sélection du Rafale pour équiper les porte-avions INS Vikrant et INS Vikramaditya. Il comporte une clause de localisation industrielle dont la production de fuselage est l’élément le plus sensible.

Au-delà du contrat naval, cette initiative renforce la candidature de Dassault à l’appel d’offres MRFA pour 114 avions de combat. L’implantation locale permet à l’industriel français de se différencier face à Boeing, Lockheed Martin et Saab, dans un contexte où la stratégie du « Make in India » est devenue centrale dans la politique d’acquisition de New Delhi.

Fuselage du Rafale : Dassault installe sa production en Inde

Une fabrication sous-traitée mais maîtrisée par Dassault Aviation

Transfert de compétence contrôlé et production sous normes françaises

Le cœur du partenariat entre Dassault Aviation et Tata Advanced Systems Limited repose sur un principe clair : externaliser la production sans céder le contrôle de la chaîne qualité. Le fuselage du Dassault Rafale, composé d’alliages légers, de titane et de matériaux composites, comprend des pièces critiques en matière de résistance structurelle, de tolérance au stress mécanique et d’interface avionique.

L’usine de Hyderabad assurera l’usinage, l’assemblage mécanique et la préparation à l’intégration avionique des fuselages, qui seront ensuite expédiés en France pour la finalisation. Le cahier des charges reste celui de Mérignac, avec une traçabilité totale des lots, un suivi numérique, et des inspections en double validation Dassault-TASL. La formation initiale des équipes indiennes sera assurée par une cellule détachée depuis Bordeaux et Istres.

Le chantier prévoit une capacité de production initiale de 8 fuselages par an, extensible à 15 selon la charge industrielle. Cette cadence correspond à une livraison annuelle de 10 à 12 avions, en ligne avec le calendrier prévisionnel du contrat naval.

La difficulté principale ne réside pas dans la production, mais dans le maintien des tolérances inférieures à 0,2 mm sur des pièces de plus de 5 mètres. La chaîne d’assemblage de Hyderabad sera équipée de bancs de positionnement à contrôle laser, et d’un environnement partiellement contrôlé en température et humidité, indispensable pour garantir la qualité des composites.

Dassault conserve par ailleurs la maîtrise de la production des sections sensibles (radôme, point d’attache du radar AESA, cockpit, fixation moteur) qui seront intégrées en France. Aucun système d’armement, capteur ou logiciel ne sera transféré en Inde.

Une stratégie industrielle en lien direct avec la compétition MRFA

Positionner Dassault comme un acteur de la base industrielle indienne

Le choix d’implanter une ligne de production de fuselages du Dassault Rafale en Inde dépasse le cadre naval. Il vise à accroître la crédibilité de la candidature française dans le dossier des 114 avions multirôles (MRFA) en cours d’appel d’offres. Cette compétition, qui s’étale depuis plus de dix ans, devrait enfin être tranchée en 2026. Les concurrents directs incluent le F-21 de Lockheed Martin, le Gripen E de Saab, le Super Hornet de Boeing et le Rafale F4 de Dassault.

L’argument industriel pèse de plus en plus. Le gouvernement indien exige désormais un minimum de 50 % de fabrication locale sur tout contrat de plus de 50 unités. En plaçant dès aujourd’hui une partie de la chaîne industrielle du Rafale en Inde, Dassault prend une longueur d’avance. Aucun concurrent n’a, à ce jour, commencé la fabrication locale de structures complètes.

Ce mouvement renforce aussi les liens politiques. Le partenariat Dassault-Tata a reçu le soutien explicite du ministère indien de la Défense et du département à la promotion industrielle. En retour, la France obtient des garanties d’accès préférentiel au marché indien, notamment sur le plan des MRO (maintenance, repair and overhaul) et de la fourniture de pièces détachées.

L’installation à Hyderabad pourrait donc devenir le centre régional de fabrication et de maintenance des Rafale en Asie du Sud. Cela offrirait à Dassault un levier pour répondre à d’éventuelles commandes du Sri Lanka, du Bangladesh, ou des Émirats si des composants étaient communs à la version Rafale-M.

Fuselage du Rafale : Dassault installe sa production en Inde

Un effet de levier pour le développement technologique indien

Vers une montée en compétence progressive de l’industrie locale

La décision de produire en Inde un composant aussi stratégique que le fuselage d’un avion de chasse n’a pas uniquement une portée commerciale. Elle s’inscrit dans la volonté de l’Inde de bâtir une capacité aéronautique autonome, capable à terme de concevoir et produire ses propres chasseurs.

Aujourd’hui, la part de l’Inde dans le Rafale se limite à l’usinage et à l’assemblage. Mais l’écosystème autour de Tata Advanced Systems Limited bénéficie de la proximité avec les centres de recherche de DRDO, HAL et l’Institut indien de technologie. À moyen terme, ce noyau industriel pourrait devenir un fournisseur de pièces critiques, y compris pour les programmes indiens tels que le HAL AMCA ou le Tejas Mk2.

Le gouvernement indien exige également que les fournisseurs locaux soient intégrés dans les chaînes de valeur. Dassault s’est engagé à sélectionner 30 à 40 PME indiennes pour la sous-traitance de pièces non critiques. Cela concerne des éléments tels que les trappes d’accès, les panneaux secondaires, les conduites hydrauliques ou les supports avioniques.

Enfin, cette opération permet à l’Inde de se positionner comme fournisseur potentiel pour les futurs dérivés du Rafale, notamment le Rafale F5, en cours de développement pour 2030. Si la fabrication indienne se montre fiable, Dassault pourrait y transférer une partie de la production export, notamment pour réduire les délais ou contourner certaines contraintes douanières.

L’ensemble du processus, s’il est bien maîtrisé, renforce à la fois l’autonomie stratégique de l’Inde et la compétitivité industrielle de Dassault à l’échelle globale.

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