Avec ISANKE, le programme Tempest fait du radar une arme numérique totale, capable de traiter 10 000 fois plus de données et de frapper sans tirer.

En résumé

Le radar ISANKE, intégré au système ICS du programme Tempest, marque une rupture profonde dans la conception du combat aérien. Il ne s’agit plus d’un simple capteur chargé de détecter des cibles, mais d’un système nerveux central, capable de collecter, traiter et exploiter des volumes de données inédits en temps réel. Développé par le consortium G2E, associant notamment Leonardo et Mitsubishi Electric, ISANKE permet au futur avion Tempest de conduire des actions de guerre électronique, cyber et informationnelle avec une précision chirurgicale. En agrégeant des flux équivalents au trafic internet d’une grande ville en une seconde, le radar devient un outil d’attaque non cinétique. Cette évolution transforme la notion même de supériorité aérienne : dominer le ciel ne passe plus seulement par la vitesse ou la furtivité, mais par la maîtrise du spectre électromagnétique et de l’information.

Le cadre technologique du programme Tempest

Le programme Tempest, piloté par le Royaume-Uni avec des partenaires européens et asiatiques, vise à concevoir un système de combat aérien de nouvelle génération, pensé dès l’origine pour l’horizon 2040. Contrairement aux avions de cinquième génération, Tempest n’est pas centré sur une plateforme unique, mais sur une architecture numérique distribuée, dans laquelle chaque capteur est aussi un effecteur potentiel.

Dans ce contexte, le radar ISANKE n’est pas un sous-système parmi d’autres. Il constitue l’ossature informationnelle de l’appareil. Sa mission dépasse largement la détection de cibles aériennes. Il agrège des données issues de multiples sources : radar, infrarouge, guerre électronique, communications, drones accompagnateurs et réseaux alliés. L’objectif est clair : créer une supériorité informationnelle avant même l’engagement physique.

Le rôle central du système ISANKE & ICS

La fusion ISANKE et ICS comme cerveau numérique

ISANKE s’inscrit dans l’architecture ICS, pour Integrated Sensing and Non-Kinetic Effects. Cette appellation résume la philosophie du programme : voir, comprendre et agir sans forcément tirer. Le radar devient un nœud de traitement capable de décider en temps réel.

ICS permet la fusion instantanée des données, leur hiérarchisation et leur redistribution vers les autres plateformes. Un drone peut recevoir une cible désignée par ISANKE. Un missile peut être guidé sans émission radar continue. Un système adverse peut être aveuglé ou trompé sans impact cinétique direct.

Ce niveau d’intégration nécessite une puissance de calcul considérable. Les ingénieurs évoquent une capacité de traitement équivalente à plusieurs dizaines de térabits par seconde, soit l’ordre de grandeur du trafic internet d’une métropole européenne. Ce chiffre n’est pas un argument marketing : il reflète la densité d’informations traitées simultanément.

Le passage du capteur à l’arme

La rupture doctrinale est nette. Le radar ISANKE ne se contente plus d’observer. Il agit sur l’environnement électromagnétique. Par des émissions modulées, il peut saturer, perturber ou tromper les capteurs adverses. En clair, il devient une arme de guerre électronique embarquée.

Cette capacité change la logique du combat. Là où un radar classique révèle sa position en émettant, ISANKE joue sur la discrétion, la modulation et la coordination avec d’autres émetteurs. L’adversaire ne sait plus s’il est observé, attaqué ou manipulé. Cette ambiguïté est un avantage tactique majeur.

Une innovation portée par le consortium G2E

Une coopération industrielle stratégique

Le développement d’ISANKE est confié au consortium G2E, qui regroupe des acteurs majeurs de l’électronique de défense. Leonardo apporte son expertise en radars AESA, en guerre électronique et en fusion de capteurs. Mitsubishi Electric contribue avec ses compétences en micro-électronique, en traitement du signal et en fiabilité des systèmes critiques.

Cette coopération n’est pas anodine. Elle traduit une volonté de mutualiser des savoir-faire rares face à la complexité croissante des systèmes. Le radar ISANKE repose sur des milliers de modules émetteurs-récepteurs, capables de fonctionner sur de larges bandes de fréquences, avec une précision extrême.

Le défi du traitement massif de données

Traiter 10 000 fois plus de données qu’un radar de génération précédente ne se limite pas à ajouter des processeurs. Il faut repenser l’architecture logicielle, la gestion thermique et la résilience aux cyberattaques. Chaque donnée collectée doit être validée, corrélée et exploitée en quelques millisecondes.

Le choix a été fait de s’appuyer sur des algorithmes d’intelligence artificielle embarquée. Ces algorithmes filtrent le bruit, identifient les signatures pertinentes et proposent des options d’action au pilote ou au système autonome. Le gain n’est pas seulement quantitatif. Il est qualitatif, car la machine aide à décider dans un environnement saturé.

Le radar comme outil de cyber et de guerre électromagnétique

La capacité d’attaque non cinétique

ISANKE ouvre la voie à des attaques cyber-électromagnétiques de précision. En analysant les émissions adverses, le système peut identifier des protocoles, des rythmes ou des failles. Il devient alors possible de perturber un réseau, de provoquer des erreurs de synchronisation ou de dégrader la qualité d’un capteur ennemi.

Ces actions sont réversibles et discrètes. Elles n’entraînent pas de destruction physique immédiate, mais peuvent neutraliser un système pendant une phase critique. Dans un conflit de haute intensité, cet avantage est déterminant.

La domination du spectre comme nouvelle supériorité aérienne

Le concept de supériorité aérienne évolue. Il ne s’agit plus seulement de contrôler l’espace physique, mais de dominer le spectre électromagnétique. Un avion capable de voir sans être vu, de communiquer sans être intercepté et de perturber sans être détecté impose sa loi.

ISANKE s’inscrit pleinement dans cette logique. Il permet à Tempest de devenir un chef d’orchestre, coordonnant drones, missiles et avions alliés. La plateforme n’est plus isolée. Elle est intégrée dans un réseau dynamique, où l’information est l’arme principale.

ISANKE radar Tempest

Les implications tactiques pour le pilote et la mission

Une charge cognitive transformée

L’un des enjeux majeurs est la relation homme-machine. Avec un flux de données aussi massif, le risque serait de submerger le pilote. ISANKE et ICS sont conçus pour l’inverse : réduire la charge cognitive en présentant des options synthétiques.

Le pilote ne reçoit pas des données brutes, mais des recommandations hiérarchisées. Il garde la décision finale, mais s’appuie sur une analyse instantanée que l’humain seul ne pourrait produire. Cette approche change la formation des équipages, qui doivent comprendre le système autant que le piloter.

Une flexibilité opérationnelle accrue

Grâce à ISANKE, Tempest peut adapter son rôle en cours de mission. Il peut passer de la surveillance à l’attaque électronique, puis au guidage de munitions, sans changer de configuration. Cette polyvalence est essentielle dans des conflits où la situation évolue en minutes.

La capacité à frapper sans tirer offre aussi un avantage politique. Neutraliser un système sans destruction visible limite l’escalade et complique la riposte adverse. C’est une puissance discrète, mais redoutablement efficace.

Les limites et les défis à surmonter

Aussi ambitieux soit-il, ISANKE n’est pas exempt de défis. La dépendance au logiciel et à l’IA pose des questions de fiabilité et de sécurité. Un bug ou une intrusion pourrait avoir des conséquences majeures. La protection cyber du système est donc un enjeu central.

La gestion thermique est un autre défi. Traiter des volumes de données aussi importants génère une chaleur considérable. Les solutions envisagées reposent sur des matériaux avancés et des architectures de refroidissement innovantes, mais leur efficacité en conditions opérationnelles devra être démontrée.

Enfin, l’interopérabilité avec les alliés reste un point sensible. Partager des données à ce niveau de sophistication implique des standards communs et une confiance politique forte. ISANKE est aussi un outil de souveraineté technologique.

Ce que révèle ISANKE sur la guerre aérienne de demain

Le radar ISANKE montre que la prochaine génération d’avions de combat ne se jouera pas uniquement sur la furtivité ou la vitesse. Elle se jouera sur la maîtrise de l’information, la capacité à influencer l’adversaire sans l’affronter directement et à imposer un rythme qu’il ne peut suivre.

Tempest, à travers ISANKE, esquisse une aviation où le tir n’est plus l’acte central. L’acte décisif devient la perturbation, la désorganisation et la prise de contrôle du champ informationnel. Cette évolution pose une question stratégique majeure : dans un monde où l’on peut neutraliser sans détruire, la dissuasion change de nature. La supériorité ne se voit plus. Elle se ressent, trop tard.

Sources

Ministry of Defence UK
Leonardo communications institutionnelles
Mitsubishi Electric Defense Systems
UK Combat Air Strategy
Rapports industriels G2E
Analyses RUSI et IISS
Publications techniques sur ICS et guerre électronique

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