J-20S biplace : « battle-manager » du PLAAF, fusion de capteurs, drones loyaux et combat BVR, manned-unmanned teaming. Un tournant tactique en Asie-Pacifique.

En résumé

Le J-20S biplace entre officiellement dans la lumière. Pékin lui assigne un rôle de battle-manager aéro-aérien : un poste de commandement avancé, furtif, capable d’orchestrer des vecteurs habités et des drones loyaux en combat au-delà de la portée visuelle. La cellule reprend l’architecture du J-20 mais ajoute un poste arrière pour gérer la fusion de capteurs, les liaisons de données et la coordination d’essaims. La doctrine évolue : le chasseur n’est plus seulement un intercepteur furtif, il devient un nœud de combat connecté. Dans l’Asie-Pacifique, cette mutation peut modifier les tactiques BVR, compliquer la supériorité aérienne alliée et densifier les bulles A2/AD. Les Occidentaux doivent renforcer la détection multi-capteurs, les contre-mesures électromagnétiques et le MUM-T, tout en durcissant la résilience des réseaux C2. Le signal est clair : la compétition se joue autant dans les architectures de système que dans les performances individuelles d’un avion.

Un lancement formel et un contexte stratégique

La Chine a présenté publiquement le J-20S lors des commémorations du 3 septembre 2025 à Pékin. L’appareil a été montré aux côtés d’un J-20A modernisé et du J-35. Ce jalon confirme que la variante biplace, observée en essais depuis 2021, atteint un niveau de maturité compatible avec une première mise en service au sein d’unités de première ligne. L’objectif affiché : consolider un dispositif de supériorité aérienne fondé sur des capteurs avancés, des liaisons de données sécurisées et des charges utiles air-air longue portée.

Cette sortie intervient alors que Pékin accélère l’intégration de systèmes sans pilote dans ses formations. Les répétitions et la parade ont aussi mis en scène plusieurs concepts de « loyal wingman ». Le message adressé aux voisins et aux États-Unis est opérationnel autant que politique : la PLAAF peut désormais associer furtivité, portée et coordination homme-machine à l’échelle d’une force.

J-20S biplace : Pékin transforme son chasseur furtif en centre de commandement aérien

Un poste arrière orienté « battle-management »

Le J-20S ajoute un second membre d’équipage. Sa mission n’est pas l’instruction. Elle vise le pilotage des capteurs, la gestion des émissions, la supervision de liaisons de données et le contrôle de plateformes non habitées. Le poste arrière agit comme répartiteur de tâches et réduit la charge cognitive du pilote. C’est l’outil clé du manned-unmanned teaming. Dans ce schéma, l’équipier arrière surveille le tableau de situation, ajuste les priorités, arbitre les modes radar, déclenche des relais de désignation de cibles et administre les ROE numériques.

Techniquement, l’architecture suppose des calculateurs puissants, une gestion thermique accrue et une suite de guerre électronique ouverte à l’intégration d’algorithmes d’aide à la décision. Le cockpit arrière tirerait parti d’écrans larges pour l’exploitation multi-fenêtres, l’ingestion de pistes multi-capteurs et la conduite d’intercepteurs via datalink bidirectionnel.

Une fusion de capteurs pour le combat BVR

Le cœur du concept est la fusion de capteurs. Elle combine radar AESA, capteurs infrarouges, systèmes électro-optiques et mesures de soutien électronique. L’objectif est de produire une piste unique, stable, avec estimation d’erreur, de cinématique et d’intention. Le J-20S doit pouvoir partager cette image, en temps quasi réel, vers des drones d’escorte ou des chasseurs, mais aussi vers des plates-formes ISR ou des navires.

Côté armement, l’emport interne reste centré sur les missiles air-air à moyenne et longue portée. Le PL-15, doté d’un autodirecteur AESA et d’une liaison de données, est donné pour une enveloppe supérieure à 240 km (150 miles). Des évolutions de géométrie (ailettes repliables) permettent d’optimiser l’emport interne et d’augmenter le volume de feux disponibles sans pénaliser la discrétion. À courte distance, l’intégration de missiles IR modernes et de viseur de casque vient compléter la panoplie.

Des drones loyaux et une doctrine en mutation

La Chine affiche désormais plusieurs familles de drones de combat. Le GJ-11 Sharp Sword (aile volante) occupe le segment pénétrant pour la frappe et la reconnaissance. Le FH-97A cible explicitement le rôle de drones loyaux : éclaireur, leurre, relais, brouilleur ou porteur d’armes. La logique est modulaire : certains drones volent en avant pour ouvrir le chemin électromagnétique, d’autres déportent les capteurs, d’autres encore saturent les défenses.

Le J-20S devient le chef d’orchestre de ces rôles. Sa furtivité lui permet d’approcher, d’ouvrir une « bulle de perception » et de pousser des commandes de mission aux drones en liaison sécurisée. Le contrôle peut être hiérarchique (commande directe), coopératif (tâches distribuées) ou opportuniste (autonomie locale avec validation humaine). Cette souplesse vise à maintenir l’initiative face à des défenses multicouches et à des adversaires eux-mêmes connectés.

Un impact direct sur les tactiques BVR dans la région

Sur le premier et le second « island chain », la densité de capteurs et de menaces favorise les engagements à grande distance. Le combat BVR se gagne au tri de pistes, à la qualité des liaisons, et à la gestion fine des émissions. Un J-20S en mode battle-manager peut lancer des salves déportées, orchestrer des manœuvres d’angle et jouer des temporisations pour forcer l’ennemi à dévoiler ses capteurs. Il peut aussi déléguer la poursuite à un drone et conserver l’avion habité en retrait, hors de l’enveloppe de tir adverse.

Cette posture se combine aux bulles A2/AD côtières. Les radars transhorizons, les réseaux SAM longue portée et les brouilleurs navals ajoutent des couches de complexité. La PLAAF cherche à glisser des « îlots ISR » mobiles dans ces environnements et à multiplier les axes de détection, afin d’obtenir des tirs coopératifs plus tôt, plus loin et plus massifs.

Les données techniques à retenir

L’entrée en service public du J-20S confirme la bascule vers une flotte à variantes spécialisées. La version J-20A poursuit l’intégration de moteurs plus puissants et d’optiques retravaillées. Le J-20S privilégie l’avionique, le C2 et l’emploi collaboratif. Côté propulsion, les premiers J-20S seraient propulsés par WS-10C. Le choix vise la maturité industrielle, en attendant la diffusion large des moteurs de génération suivante.

Côté armement BVR, la famille PL-15 reste le pivot. Des essais et présentations récents montrent des itérations optimisées pour emport interne. À l’échelle de la flotte, les estimations ouvertes créditent la PLAAF d’une production soutenue de J-20 toutes variantes confondues depuis 2021, avec une diffusion dans les cinq commandements de théâtre.

Les limites et les inconnues

Plusieurs zones restent opaques. La capacité d’autonomie réelle des drones associés et leur résistance aux brouillages ne sont pas documentées. Le niveau d’intégration du contrôle de mission dans le poste arrière reste discret, de même que l’architecture logicielle et la gestion temps réel des priorités. Enfin, la portée opérationnelle des liaisons de données en environnement contesté dépendra de relais orbitaux, aériens ou navals, dont la disponibilité en crise n’est pas garantie.

Le J-20S restera par ailleurs confronté aux capteurs multistatiques, aux réseaux passifs et aux nouvelles générations de missiles BVR adverses. Sa furtivité n’annule pas le risque ; elle repousse, complique et redistribue l’engagement.

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Ce que doivent retenir les forces occidentales

Trois axes se dégagent. D’abord, accélérer les architectures « système de systèmes » : chasseurs, drones, capteurs déportés, navires et satellites doivent parler le même langage, avec une fusion de capteurs robuste et des datalinks durcis. Ensuite, muscler le contre-MUM-T : brouillage cognitif, leurres, déception, et munitions intelligentes contre essaims. Enfin, préparer des « kill webs » résilients : passerelles multi-niveau, gestion de l’énergie électromagnétique, et schémas d’IA explicables pour soutenir la décision humaine.

Le J-20S biplace n’est pas une simple variante de confort. Il incarne la montée en puissance d’un aéronef-système, pensé pour commander, déléguer et durer dans la complexité. C’est là que se jouera la prochaine itération de la supériorité aérienne.

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