La désactivation du 924th Fighter Group à Davis-Monthan scelle le retrait de l’A-10 au profit du F-35A. Enjeux, missions et budgets : décryptage technique.

L’US Air Force Reserve a désactivé le 924th Fighter Group à Davis-Monthan AFB. Cette décision accompagne la sortie accélérée de l’A-10C Thunderbolt II et l’activation progressive du F-35A Lightning II au sein du 47th Fighter Squadron, pivot d’une flotte orientée vers la cinquième génération. La cérémonie d’inactivation a eu lieu le 6 septembre 2025, avec un dernier survol d’A-10C. Le groupe employait environ 550 personnels répartis entre opérations, maintenance et soutien, et formait des pilotes A-10C destinés aux théâtres extérieurs. Le remplacement vise des capacités multi-rôles plus survivables, interconnectées et furtives, mais il ouvre aussi un débat budgétaire : coût horaire, investissement unitaire, soutenabilité logistique. Au-delà du symbole, c’est l’architecture de la puissance aérienne américaine qui se réorganise, avec un recentrage sur les chasseurs de cinquième génération, l’entraînement F-35, et des capacités expéditionnaires moins dépendantes d’avions d’attaque spécialisés.

Le fait : une désactivation à Davis-Monthan et la fin d’un cycle A-10

Le 6 septembre 2025, l’US Air Force Reserve a officiellement rangé les fanions du 924th Fighter Group lors d’une cérémonie à Davis-Monthan AFB (Arizona). Des A-10C ont effectué un dernier passage, marquant la clôture d’un chapitre entamé en 2011 avec la réactivation du groupe à Tucson. La communication officielle rappelle la profondeur de la lignée, des origines Seconde Guerre mondiale jusqu’aux dernières campagnes d’entraînement et compétitions « Hawgsmoke ». Les autorités ont insisté sur la transmission d’une culture opérationnelle « Attack » vers la prochaine étape, centrée sur le F-35A Lightning II.

Sur le plan organique, le 924th alignait trois entités : le 47th Fighter Squadron (opérations), la 924th Maintenance Squadron (maintenance) et la 924th Operational Support Flight (soutien). Ensemble, elles regroupaient environ 550 spécialistes couvrant plus de vingt métiers. Le groupe, associé à la 944th Fighter Wing (Luke AFB), a assuré une mission d’instruction sur A-10C et diplômé 29 pilotes depuis 2014, illustrant une production « FTU » robuste pour un appareil en fin de vie. La désactivation n’efface pas cette compétence : elle la redirige vers une filière F-35A en cours de montée en cadence.

Au-delà de l’événement local, la fermeture du groupe s’inscrit dans un plan national : retrait complet des A-10 d’ici 2026, transfert des ressources vers des plates-formes plus durables dans un environnement contesté. L’image, très commentée, d’un A-10 nez-à-nez avec un F-35 devant le hangar 4 résume la bascule technologique : du canon de 30 mm et de la résilience « basse vitesse/basse altitude » vers une furtivité sensorielle et des effets réseau.

Le pourquoi : un retrait programmé de l’A-10 et une flotte recentrée

Le débat sur l’A-10 remonte à plus d’une décennie. L’avion reste une référence en capacité CAS (Close Air Support) grâce à sa survivabilité à basse altitude, son autonomie et son armement spécifique. Mais son profil de mission l’expose aux défenses sol-air modernes à portée étendue et à détection multispectrale. Dans un affrontement de haute intensité, la probabilité de pertes augmente, et la fenêtre d’emploi se rétrécit. L’US Air Force a donc accéléré le retrait, visant l’extinction de la flotte A-10 en 2026, pour réallouer les créneaux d’entraînement, les budgets et les effectifs vers le F-35A Lightning II et les programmes associés.

Cette transition s’insère aussi dans un cadre budgétaire contraint. Les arbitrages du plan 2026 réduisent le nombre de F-35A acquis par an, tout en confirmant la sortie des A-10. Autrement dit : moins d’appareils neufs que souhaité sur un exercice, mais une bascule nette vers la cinquième génération, au prix d’un parc transitoirement plus réduit. L’objectif reste constant : constituer une force plus apte au combat en zone A2/AD, à l’attaque stand-off et à la pénétration discrète, tout en intégrant des essaims de drones collaboratifs à terme.

Enfin, Davis-Monthan n’est pas marginalisée. La base change de vocation avec l’arrivée d’unités dédiées à la « power projection » et aux forces spéciales, selon le plan déjà annoncé en 2023. Le site conserve donc un rôle central dans le dispositif du sud-ouest américain, même si l’ombre du « Warthog » se retire.

Le 924th Fighter Group désactivé, l’A-10 cède au F-35A

Le remplacement : missions, entraînement et différences capacitaires

Le 47th Fighter Squadron est appelé à rejoindre « la communauté F-35 » après la désactivation du groupe, ce qui signifie un basculement de la formation A-10 vers la filière F-35A. Le cœur du changement tient au spectre de missions. Le F-35A est multi-rôles : supériorité limitée mais crédible, pénétration et frappe, ISR tactique via capteurs intégrés, guerre électronique, appui au sol par munitions guidées (SDB-II/GBU-53, JDAM, AGM-154). Sa furtivité diminue la distance de détection initiale et facilite des profils d’attaque en premier jour contre des défenses modernes. L’appareil opère comme un nœud sensoriel : fusion de données, partage temps réel via Link-16 ou MADL, désignation multi-plateformes et « quarterbacking » d’autres vecteurs.

À l’inverse, l’A-10C Thunderbolt II était optimisé pour l’appui rapproché à basse altitude, le canon GAU-8/A de 30 mm, les passes répétées et la persistance au-dessus du champ de bataille. Dans des scénarios permissifs, il demeure redoutable. Mais face à une défense en couches dotée de radars AESA, de missiles surface-air mobiles et de systèmes IRST, sa survivabilité décline. Le F-35A n’offre pas un « CAS » identique, il propose un CAS distant et capteur-centré : identification positive, tir précis, moindre exposition, coopération avec drones de reconnaissance/attaque. Pour un commandement de composante aérienne, la flexibilité réelle du F-35A (unité, capteur, tireur) devient un multiplicateur d’effets rarement atteignable avec un chasseur dédié.

Sur le volet formation, passer d’une FTU A-10 à une FTU F-35 implique de réviser syllabus, simulateurs haute fidélité, infrastructures de débriefing et pipeline instructeurs. Le transfert des compétences « mission planning », « deconfliction » et « kill chain » reste pertinent ; ce qui change, c’est la densité informationnelle et la gestion de capteurs. Les 29 pilotes A-10 qualifiés depuis 2014 illustrent un rythme maîtrisé qui devra être réorienté vers le F-35, dans un contexte où les livraisons reprennent avec l’upgrade TR-3 et la montée de maturité logicielle.

Les différences de budget : coût horaire, coût unitaire, soutenabilité

Comparer les coûts doit se faire avec les mêmes métriques. Les barèmes « reimbursable rates » du DoD donnent un ordre de grandeur homogène par heure. En FY2024, l’A-10C est facturé autour de 10 887 \$ par heure, contre 18 337 \$ pour l’F-35A ; en FY2025, ce dernier se situe près de 17 835 \$. Au taux de change moyen (hypothèse 1 \$ ≈ 0,92 €), cela correspond à environ 10 000 € pour l’A-10C et 16 400–17 000 € pour le F-35A. Ces chiffres ne résument pas tout (ils n’intègrent pas l’intégralité des coûts de possession), mais ils permettent une comparaison disciplinée à périmètre identique.

Côté acquisition, le coût unitaire « flyaway » moyen d’un F-35A (lots 15-17) ressort à environ 82,5 M\$ pièce, soit près de 76–77 M€ selon le change retenu, avec des variations liées aux options, au pays client et à la motorisation. Les discussions industrielles de 2024-2025 ont par ailleurs été marquées par la transition TR-3 et des retenues de paiement temporaires, sans remettre en cause la trajectoire globale du programme. À l’inverse, l’A-10 n’étant plus produit, la comparaison « prix d’achat » n’a guère de sens : la question se concentre sur le maintien en condition, la cannibalisation de pièces et la disponibilité.

Enfin, les rapports CBO et GAO soulignent deux réalités : la baisse progressive de disponibilité des F-35 avec l’âge et la pression soutenue des coûts de soutien. D’où l’intérêt d’un maillage plus large (réduction des heures annuelles par cellule, amélioration des chaînes logistiques, nouvelles pratiques MRO) et d’un mix capacitaire qui étale le risque budgétaire. L’arrêt de l’A-10 libère des lignes de maintenance et des créneaux d’armement pour des vecteurs amenés à durer au-delà de 2040, mais impose de réussir la soutenabilité du F-35 dès maintenant.

La suite : conséquences opérationnelles et trajectoires à Arizona

Pour Tucson et l’Arizona, le retrait de l’A-10 réalloue des espaces, des personnels et des sillons de vol. Davis-Monthan se reconfigure vers des missions de projection et d’assistance qui profiteront d’infrastructures déjà denses et d’un écosystème aéronautique régional. Le personnel du 47th Fighter Squadron et des unités techniques associées devient précieux pour accélérer l’adaptation F-35 : les compétences en planification tactique, en gestion des pannes rares et en « turn-around » rapide sont transférables, à condition d’absorber la transition capteurs/systèmes du F-35.

À l’échelle USAF/AFRC, le pari est clair : réduire la diversité des flottes, concentrer l’investissement sur des plates-formes modélisées pour le combat de haute intensité, et préparer la coopération avec des drones collaboratifs (CCA) qui déporteront capteurs et munitions. Le calendrier 2025-2027 reste délicat : livraisons, maturation logicielle, cadence d’instruction, soutenabilité. Mais l’effet d’échelle doit finir par jouer, en particulier si la chaîne F-35 stabilise ses coûts de soutien et si la production reste lisible pour l’industriel et ses sous-traitants. Dans ce contexte, la page A-10 se ferme avec respect, tandis que s’écrit un mode d’action plus discret, plus connecté et plus exigeant en compétences numériques — exactement ce que vise la cinquième génération.

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