Découvrez notre étude technique du projet F‑22 développé à partir de l’ATF : consortium, exigences, concepts et performance.
Très tôt dans les années 1980, l’US Air Force envisageait un remplaçant aux F‑15 et F‑16. En septembre 1985, elle publie un appel d’offres (RFP) pour le programme Advanced Tactical Fighter (ATF). Cet appel exige un avion de chasse futuriste capable de vol supersonique sans postcombustion, furtivité intégrale, supercroisière et supériorité aérienne. Il comprend aussi la démonstration des technologies avion, moteur et avionique .
Le marché est dominé par les coûts et les risques : la puissance de feu et l’analyse systèmes pèsent plus lourd que le design en lui-même . Fin 1986, deux consortiums sont retenus : Lockheed + Boeing + General Dynamics face à Northrop + McDonnell Douglas . Le contrat de phase démonstration/validation (dem/val) est signé pour 691 M\$ en monnaie de l’époque, sur 50 mois .
Pour générer valeur ajoutée pour le lecteur spécialisé, cet article technique décrypte les phases cruciales : de la publication de l’ATF RFP en septembre 1985 au choix du F‑22, puis au passage au prototype, jusqu’aux performances opérationnelles évaluées à Mach 1,5+. Chaque volet est riche en détails précis, en données mesurables, sans redondances.
Le lancement du programme ATF et exigences du contrat RFP
Le 9 Mai 1985, l’USAF émet un RFP exigeant un avion froidement futuriste. Les caractéristiques : furtivité all-aspect, capacité de supercruise à Mach 1,5 sans postcombustion, rayon d’action de 800 à 1 300 km, avionique entièrement numérique, modularité des systèmes. Ces exigences dépassent largement l’état de l’art technique de 1985, ce qui pousse l’USAF à prioriser fiabilité d’intégration et maîtrise de la chaîne d’approvisionnement plus que la forme du fuselage .
En novembre 1985, l’agence durcit les exigences furtives après retour d’expérience des programmes furtifs F‑117 et B‑2 . Fin 1985–86, la Packard Commission impose que le démonstrateur comprenne les moteurs et l’avionique, et l’USAF réduit les sélectionnés à deux seulement . Les montants engagés atteignent 691 M\$ (soit près de 1,66 Md\$ actuels) avant même le prototype .
Ce niveau d’exigence technique complexe justifie la collaboration Lockheed–Boeing–General Dynamics, car aucun seul acteur ne pouvait maîtriser l’intégralité du spectre requis. La coordination système est devenue l’enjeu central du projet.
Construction du consortium Lockheed–Boeing–General Dynamics
Dès août 1986, les ingénieries avion, aile, systèmes et avionique sont réparties entre les trois partenaires. Lockheed conduit la conception furtive, Boeing prend en charge les ailes et la structure arrière, GD délivre l’intégration des capteurs . Leurs rôles complémentaires permettent de gérer les défis technologiques du RFP.
La coopération exige une coordination serrée entre sites (Burbank, Seattle, Fort Worth). En septembre 1986, montage des premiers moteurs YF119 marque un jalon critique . L’échange de prototypes moteur – variable‑cycle (YF120) ou F119 – illustre l’incertitude technologique persistante.
Structurellement, Lockheed développe la configuration initiale T-330, puis la remanie (ailes trapézoïdales, deux dérives avant repositionnées), dans une optique furtive et de manœuvrabilité. Boeing quant à lui adapte la soute d’armes interne, favorisant le principe de rotation rapide des munitions.
La fusion des expertises aboutit à un système cohérent : moteur F119 multivoies, furtivité active, avionique intégrée… l’ensemble répond point par point aux critères du RFP.
Phase démonstration/validation et prototypes YF‑22
En octobre 1986, les deux consortiums reçoivent un budget de 691 M\$ et 50 mois pour la phase dem/val . Deux prototypes YF‑22 (Lockheed) : l’un motorisé YF120 (Flight A), l’autre YF119 (Flight B). Ces essais au sol et en vol visent à valider la supercroisière, la furtivité en conditions réelles, l’avionique intégrée.
Le YF‑22 décolle le 29 septembre 1990 (YF120), suivi le 30 octobre 1990 (YF119) . En vol, le prototype atteint Mach 1,58 sans postcombustion, performance confirmant la supériorité du design pour vol en avion de chasse furtif . Ces démonstrations confirment aussi la capacité de l’avionique à gérer des missions air-air, électronique et liaison de données.
Le YF‑23, plus furtif et rapide, est rejeté en avril 1991 pour cause de complexité et coût de développement, jugés supérieurs à ceux du YF‑22.
Choix final et transition vers le F‑22 de production
Le 23 avril 1991, l’USAF sélectionne officiellement Lockheed/Boeing/GD et lance la phase Engineering & Manufacturing Development (EMD) . L’avion devient F‑22. Le design évolue : extension d’ailes, modifications radômes, intégration d’arme air-sol JDAM, mais l’accent reste sur supériorité aérienne et furtivité.
L’entrée en service est fixée à 2003, mais sera réellement en 2005. Premier F‑22 opérationnel le 15 décembre 2005 . Au total, seuls 195 exemplaires seront construits malgré l’espoir initial de 750, sous la pression des coûts (plus de 90 Md\$ sur le cycle de vie) .
Le design du F‑22, pensé pour un vol en avion de chasse furtif, reste inégalé : furtivité active, supercroisière Mach 1,5–1,8 sans póscombustion, motorisation F119 à poussée vectorielle ±20° .
Performances et structure du F‑22 de série
En service de 2005 à 2012 (livraison finale), le F‑22 cumule 187 appareils opérationnels. Son système intégré couvre radar AN/APG‑77 AESA, guerre électronique AN/ALR‑94, détecteur de lancement de missile, capteurs multispectres… La poussée F119 développe 15 500 kg par moteur, visible en supercroisière Mach 1,8 sans postcombustion .
Le design du F‑22 repose sur des armes internes (soute rotative six missiles air-air), réduisant la signature radar. Batterie JDAM de 910 kg y rentre sans modifier la furtivité.
Châssis monocoque composite, dérives en cants, moteur thrust-vectoring — tout vise la maniabilité extrême à haute incidence et la discrétion radar. L’œil pilote contrôle un cockpit numérique évolué, conçu pour vol en avion de chasse haute pression.
Limites du programme et arbitrages stratégiques
Le coût par appareil, estimé à 150 M€ unité (335 M\$ actuels), pèse lourd. Le programme démographique chute : initialement 750, réduit à 381, puis scindé en 339 en 1997, et finalement 187 produits.
Après la Guerre froide, certains jugent un tel avion de chasse trop coûteux pour la menace réelle. GAO recommandait report d’IOC, mais l’USAF insiste sur seuil tactique supérieur.
Les coupures stratégiques repoussent le programme F‑35, mais la complexité du F‑22 bloque toute version navale (NATF) et la production s’arrête mi-2011.
Apports et statut dans les opérations contemporaines
Depuis 2014, le F‑22 assure supériorité aérienne et reconnaissance au Moyen-Orient (Syrie, Irak). Il contribue à des missions de renseignement électronique. Son radar AESA et le réseau datalink en font un avion de chasse centré sur la fusion de capteurs.
Sa furtivité permet un franchissement discret de zones contestées. La supercroisière améliore sa gestion énergétique tactique. L’avion est mis à jour via blocs avionique, nouvelles munitions telles AIM‑260, augmentant ainsi sa durée de vie opérationnelle.
Synthèse technique et regard prospectif
Le design du F‑22 trouve sa cohérence dans l’intégration des exigences du RFP ATF de 1985. Les choix ergonomiques (ailes trapézoïdales, soute rotative, dérives) résultent d’un équilibre subtil entre furtivité, maniabilité et maintenance. Le consortium a réussi à transformer un appel très ambitieux en un avion de production performant et éprouvé.
L’enjeu futur se concentre sur maintien en service, modernisations et coût unitaire comparatif. Sa longévité se mesure désormais en décennies, malgré l’émergence de concepts comme NGAD, et sa polyvalence sensorielle continue à justifier son maintien.
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