Découvrez 10 faits techniques et surprenants sur le Super Étendard, avion de chasse français devenu célèbre pour ses missions navales et ses frappes précises.
Mis en service en 1978, le Super Étendard incarne l’expertise de l’aéronavale française en matière d’avion de chasse embarqué. Conçu par Dassault Aviation, il est resté en service pendant près de quarante ans, notamment grâce à des améliorations successives qui ont permis de prolonger sa carrière. Appareil robuste, adaptable et discret, il a été engagé dans des théâtres d’opérations très différents, allant de la mer aux montagnes afghanes. Son rôle dans des conflits majeurs comme la guerre des Malouines ou l’intervention en Libye lui confère un statut à part dans l’histoire de l’aviation militaire. Derrière sa silhouette sobre se cachent pourtant des aspects inattendus, tant sur le plan technique que stratégique. Cet article revient sur dix choses insolites à savoir sur le Super Étendard, pour mieux comprendre l’étendue de ses capacités et sa singularité dans le paysage des vols en avion de chasse modernes.
1. Il a coulé un destroyer britannique avec un missile Exocet
Le fait d’armes le plus célèbre du Super Étendard s’est produit lors de la guerre des Malouines, en mai 1982. Engagé par la marine argentine, l’appareil a été utilisé pour lancer un missile Exocet AM39 contre le destroyer britannique HMS Sheffield. Cette frappe, opérée en pleine mer à partir d’un avion de chasse volant à très basse altitude, a marqué l’histoire navale : le navire fut gravement endommagé, dérivant pendant plusieurs jours avant de sombrer. Ce succès militaire, obtenu avec peu de moyens – seulement cinq Super Étendard avaient été livrés à l’Argentine à ce moment-là – a démontré l’efficacité de la combinaison avion/missile dans les combats navals modernes.
Le missile AM39 a été tiré hors de portée visuelle, grâce à un guidage radar et à une approche furtive à basse altitude (vol dit « à la nappe »). Cette action a changé la perception des menaces aéronavales dans les années 1980. C’est également à cette occasion que le Super Étendard a acquis une notoriété mondiale, prouvant qu’un avion de chasse léger pouvait infliger des pertes stratégiques à une marine de premier rang. Cet événement a contribué à renforcer l’intérêt mondial pour les missiles antinavires.
2. Il n’a été exporté qu’à deux pays en dehors de la France
Le Super Étendard n’a pas connu une grande carrière à l’export, contrairement à d’autres avions de chasse de Dassault comme le Mirage F1. Seuls deux pays l’ont acquis : l’Argentine (14 appareils au total) et l’Irak (5 appareils en location temporaire entre 1983 et 1985). Ce chiffre restreint peut paraître surprenant, car le Super Étendard était pourtant performant, fiable et embarquable, des qualités recherchées à l’international.
Plusieurs facteurs expliquent cette diffusion limitée : tout d’abord, son usage était étroitement lié à l’environnement maritime. De nombreux pays potentiellement intéressés ne disposaient pas de porte-avions. Ensuite, les restrictions politiques françaises et les embargos sur les armes ont limité les transferts, notamment en ce qui concerne les missiles Exocet. L’exemple argentin a d’ailleurs suscité des pressions diplomatiques pour empêcher de nouvelles ventes.
Enfin, le développement de concurrents plus modernes, comme le F/A‑18 américain ou le Sea Harrier britannique, a réduit sa compétitivité sur le marché. Malgré tout, ces ventes restreintes ont permis de démontrer son efficacité dans des conflits réels, consolidant sa réputation auprès des spécialistes du vol en avion de chasse naval.
3. Il a vu sa carrière prolongée jusqu’en 2016 malgré son âge
Initialement conçu pour remplacer l’Étendard IV dans les années 1970, le Super Étendard devait être mis à la retraite dès les années 1990 avec l’arrivée du Rafale Marine. Pourtant, son service opérationnel a duré jusqu’en 2016, soit près de 40 ans d’activité. Cette longévité est exceptionnelle pour un avion de chasse embarqué.
La principale raison de cette longévité est la mise en œuvre d’un programme de modernisation appelé SEM (Super Étendard Modernisé), lancé à la fin des années 1990. Les améliorations ont concerné l’avionique, le système de navigation, la compatibilité avec de nouvelles munitions guidées laser (GBU), et l’intégration de casques avec viseur tête haute.
Grâce à ces évolutions, le Super Étendard est resté pertinent dans les opérations récentes, notamment en Afghanistan, en Libye (2011), ou au Mali. Il était apprécié pour sa précision en appui au sol, sa capacité à opérer depuis le porte-avions Charles de Gaulle, et sa fiabilité technique. Sa maintenance simple et son coût d’exploitation modéré ont aussi pesé dans la balance, repoussant à plusieurs reprises son retrait du service.
4. Il peut être catapulté depuis des porte-avions à vapeur
Conçu dès l’origine pour l’aéronavale française, le Super Étendard est un avion de chasse embarqué qui a été spécifiquement optimisé pour le vol en avion de chasse depuis porte-avions. Il a été conçu pour résister aux contraintes du catapultage à vapeur et aux appontages brutaux sur des pistes courtes. Il a opéré à partir du porte-avions Clemenceau, puis du Foch, et enfin du Charles de Gaulle, équipé de catapultes américaines C13.
L’appareil dispose de crochets d’appontage renforcés et d’un train d’atterrissage très robuste. Son nez est légèrement relevé pour optimiser la portance à basse vitesse, une caractéristique cruciale pour les manœuvres en phase d’atterrissage sur pont. Contrairement à beaucoup de ses concurrents, il est resté dans un format compact, idéal pour les hangars étroits et les ascenseurs du bord.
Cette compatibilité avec les standards américains a également facilité son usage dans des exercices conjoints avec l’US Navy. Cela a permis à la France de disposer pendant longtemps d’un avion embarqué performant, capable de missions longues à partir de plateformes mobiles, même dans des conditions météo extrêmes.
5. Il pouvait emporter une arme nucléaire tactique
Le Super Étendard n’était pas seulement un avion de chasse polyvalent, il avait aussi un rôle stratégique dans la dissuasion nucléaire française. En effet, l’appareil pouvait emporter la bombe nucléaire tactique AN-52, d’une puissance de 25 kilotonnes. Cette charge nucléaire, de type gravitationnelle, pouvait être larguée en mode semi-balistique lors d’un vol à basse altitude.
L’usage de cette capacité était réservé à des missions très spécifiques, planifiées dans le cadre de la « composante aéroportée embarquée » de la dissuasion nucléaire. L’objectif était de pouvoir frapper des cibles stratégiques depuis la mer, même si les moyens terrestres étaient neutralisés. Cette capacité a été maintenue jusqu’au début des années 1990, avant d’être progressivement remplacée par la nouvelle génération de missiles air-sol portés par les Mirage 2000N puis les Rafale.
Le fait qu’un avion aussi compact que le Super Étendard puisse participer à une mission nucléaire illustre son intégration complète dans la stratégie française. Il combinait vol en avion de chasse naval, frappes conventionnelles et dissuasion nucléaire, le tout depuis un porte-avions, ce qui en faisait un outil stratégique à part entière, bien au-delà de ses missions d’attaque maritime.
6. Son radar était optimisé pour des frappes à très basse altitude
Le radar Agave du Super Étendard était relativement modeste comparé aux systèmes actuels, mais il était spécifiquement conçu pour guider des frappes à la mer à très basse altitude. Son rôle principal était de détecter et suivre des navires de surface afin de permettre le tir du missile AM39 Exocet, tout en maintenant l’appareil en vol à la nappe (20–30 m d’altitude).
Ce radar monopulse pouvait fonctionner même dans des conditions météo défavorables, et permettait au pilote d’aligner le missile tout en restant hors de portée visuelle et radar de l’adversaire. L’un des aspects techniques marquants était la capacité du Super Étendard à voler à très basse altitude en mode automatique, une manœuvre complexe facilitée par le couple radar/système de navigation inertielle.
L’objectif était de garantir un effet de surprise, en minimisant la détection par les radars adverses. Cette stratégie de « frappe furtive » avant l’heure a été un marqueur du Super Étendard. Bien que dépassé aujourd’hui, le radar Agave remplissait parfaitement sa fonction dans les années 1980, confirmant la spécialisation de cet avion de chasse dans les missions navales à haute valeur stratégique.
7. Il a été ravitaillé en vol par des Jaguar dans les années 1980
Un épisode peu connu de la carrière du Super Étendard concerne son usage par l’Irak pendant la guerre Iran-Irak. L’armée irakienne, en mal de moyens adaptés pour frapper des cibles maritimes dans le Golfe, a temporairement loué cinq Super Étendard à la France. Ces appareils ont été employés pour attaquer des tankers iraniens dans le détroit d’Ormuz à l’aide de missiles Exocet.
Mais un obstacle logistique s’est présenté : les Super Étendard irakiens ne pouvaient pas atteindre leurs cibles sans ravitaillement en vol. Pour contourner ce problème, l’Irak a utilisé ses avions Jaguar, modifiés en ravitailleurs grâce à des pods de type « buddy-buddy ». Cette configuration – des Jaguar ravitaillant des Super Étendard – est unique dans l’histoire militaire.
Ce montage improvisé montre combien cet avion de chasse, malgré sa conception pour l’aéronavale, a pu s’adapter à des conditions de combat inhabituelles. Ce genre de bricolage opérationnel illustre aussi les limites techniques rencontrées dans les conflits asymétriques, et met en lumière l’ingéniosité des utilisateurs dans un contexte de guerre prolongée. C’est une autre facette méconnue du vol en avion de chasse en situation de guerre réelle.
8. Il dérive d’un projet abandonné : le Jaguar M
L’origine du Super Étendard est indirectement liée à un autre projet naval, abandonné en cours de route : le Jaguar M, une version embarquée du Jaguar franco-britannique. Ce programme, développé dans les années 1960, visait à équiper la Marine nationale d’un chasseur bimoteur performant. Mais les essais d’appontage sur simulateur révélèrent de nombreuses faiblesses du Jaguar M : mauvais comportement à basse vitesse, instabilité lors des phases critiques, et surtout, incompatibilité structurelle avec l’environnement maritime.
Face à cet échec, Dassault proposa une solution alternative plus réaliste : une amélioration de son Étendard IV. Ainsi naquit le Super Étendard, avec un nouveau moteur (Atar 8K50), un radar embarqué, une avionique modernisée et la capacité d’emport du missile Exocet. Il entrait ainsi dans la logique de développement « pragmatique » chère à Dassault : évolution maîtrisée, production rationalisée, et délais réduits.
Cette filiation indirecte montre que le Super Étendard n’était pas un pur produit d’innovation, mais plutôt un avion de chasse optimisé à partir d’une base éprouvée, destiné à répondre rapidement à un besoin opérationnel urgent de la Marine. Le succès du programme montre que la solution de repli fut largement à la hauteur.
9. Il a été engagé dans des conflits très différents
Contrairement à ce que l’on pourrait croire, le Super Étendard ne s’est pas limité à des missions navales. Ce petit avion de chasse embarqué a été engagé dans une diversité de théâtres d’opérations, y compris des missions de frappes au sol dans des environnements sans lien avec la mer. Après ses missions célèbres dans l’Atlantique Sud (Malouines) et dans le golfe Persique, il a opéré en ex-Yougoslavie, en Afghanistan, au Mali et en Libye.
Lors de l’opération Harmattan en 2011, il a réalisé des frappes de précision contre des installations terrestres du régime libyen. En Afghanistan, à partir du porte-avions Charles de Gaulle, il a mené des missions de reconnaissance et d’appui aérien rapproché, souvent en binôme avec un Rafale. Ses missiles air-sol, ses bombes guidées laser et ses pods de désignation faisaient de lui un appareil tout à fait crédible pour ces missions.
Cette polyvalence, acquise via le programme de modernisation SEM, démontre qu’il n’était pas limité à son rôle initial d’attaque navale. Il s’est adapté aux conflits asymétriques et aux nouvelles doctrines d’emploi aéronaval, illustrant la souplesse d’un vol en avion de chasse embarqué dans des contextes complexes et éloignés des standards OTAN initiaux.
10. Il fait toujours l’objet d’un intérêt en Argentine
En 2019, l’Argentine a tenté de remettre en service une flotte de Super Étendard Modernisés achetés à la France. Cinq appareils d’occasion ont été livrés, mais à ce jour, ils ne sont toujours pas opérationnels. L’initiative visait à redonner à l’aéronavale argentine une capacité de frappe embarquée, inexistante depuis plus de 15 ans. Toutefois, des problèmes techniques majeurs ont bloqué leur mise en service.
Parmi ces obstacles : l’absence de pièces de rechange, la présence de composants contenant de l’amiante, et le refus de certaines exportations par les États-Unis (concernant des éléments électroniques embarqués). De plus, la marine argentine ne dispose plus de porte-avions actif depuis le retrait du ARA 25 de Mayo.
Ce regain d’intérêt pour un avion conçu dans les années 1970 démontre l’attrait persistant du Super Étendard dans certaines marines confrontées à des budgets réduits. Même si son obsolescence est claire dans les normes OTAN actuelles, il reste un avion de chasse robuste et opérationnel, capable de remplir des missions d’attaque maritime à moindre coût. Cette tentative argentine illustre l’écart croissant entre les grandes puissances aéronavales et les forces moyennes qui cherchent à maintenir des capacités minimales.
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