La Chine intègre le J-20S biplace, conçu pour la guerre électronique et le contrôle de drones furtifs, dans l’armée de l’air chinoise.

Le 9 juillet 2025, l’armée de l’air chinoise (PLAAF) a officiellement admis en service opérationnel le Chengdu J-20S, version biplace du J-20, l’avion de chasse chinois de cinquième génération. Cette variante, observée depuis 2021 en vol d’essai, vise des missions spécifiques : guerre électronique, coordination de drones et traitement de données tactiques complexes. Le second siège n’est pas destiné à la formation, mais à des fonctions opérationnelles avancées.

L’arrivée du J-20S s’inscrit dans une transformation progressive des doctrines chinoises en matière d’aviation de combat. La Chine ne se contente plus de rattraper les standards occidentaux ; elle cherche à proposer des architectures adaptées à ses contraintes techniques et à ses priorités stratégiques. Toutefois, l’ajout d’un second opérateur à bord pour gérer des systèmes que le F-35 américain traite via une fusion de données centralisée pose question : cette conception traduit-elle une vision tactique alternative ou une limite persistante dans la gestion des capteurs en réseau ?

Le J-20S est destiné, entre autres, à coordonner en vol des drones furtifs Hongdu GJ-11, ce qui nécessite un lien de commandement robuste. Il pourrait ainsi jouer un rôle central dans les schémas de combat collaboratif à la chinoise, encore très éloignés des architectures CCA occidentales. L’entrée en service du J-20S permet d’évaluer concrètement les ambitions et les limites de l’aéronautique militaire chinoise actuelle.

Le J-20S biplace chinois entre en service opérationnel

Un avion de chasse biplace pensé pour la guerre électronique et le combat collaboratif

Des modifications structurelles ciblées

Le J-20S reprend l’architecture du J-20 standard, avec quelques adaptations structurelles. Le fuselage a été allongé de près de 70 centimètres, pour intégrer le second cockpit sans altérer le centrage ni les performances aérodynamiques. Le système de propulsion reste inchangé : deux turboréacteurs WS-10C, en attendant une version équipée des futurs WS-15, encore en développement. L’ajout du second siège a nécessité le déplacement partiel des systèmes de communication et de guerre électronique vers des modules compacts, logés sous les entrées d’air.

Le cockpit arrière est entièrement numérisé, avec un écran principal multifonction et des interfaces tactiles redondantes. Il permet à l’opérateur d’accéder aux flux radar, aux données des pods de guerre électronique, ainsi qu’aux transmissions des drones connectés. Cette configuration est pensée pour soulager le pilote des tâches de gestion tactique et de supervision du combat électronique.

Un rôle spécialisé dans la coordination de drones furtifs

Le J-20S a été conçu pour opérer de manière intégrée avec des drones furtifs comme le Hongdu GJ-11, lui aussi furtif, subsonique, à voilure volante, optimisé pour les frappes profondes. L’avion de chasse sert alors de nœud de commandement avancé, pilotant plusieurs vecteurs sans pilote dans une mission d’appui ou de reconnaissance. Cette approche vise à saturer les défenses adverses tout en limitant l’exposition humaine.

Le lien entre l’avion de combat et les drones repose sur une liaison de données sécurisée, dont la portée opérationnelle reste confidentielle. Les experts estiment qu’un J-20S pourrait coordonner 4 à 6 drones simultanément, avec gestion des trajectoires, identification des cibles et éventuellement libération d’armements. Ce rôle impose une forte bande passante et une capacité de traitement embarqué élevée, ce qui justifie la séparation des rôles humains à bord.

Un choix qui révèle les limites de l’architecture réseau chinoise

Une architecture distribuée au lieu d’un traitement centralisé

Le recours à un second opérateur illustre une différence fondamentale avec les standards américains. Le F-35A, par exemple, intègre un système de fusion de capteurs automatisé, où toutes les données (radar AESA, optiques, liaison tactique) sont intégrées et triées par l’ordinateur de mission. Le pilote reçoit une image synthétique, cohérente, sans avoir à gérer chaque flux individuellement.

Le J-20S, au contraire, adopte une logique d’architecture distribuée, où l’humain joue un rôle actif dans le tri et l’exploitation des informations. Cela implique une charge cognitive plus élevée, compensée par l’ajout d’un second membre d’équipage. Ce choix reflète probablement une limite technologique dans la maîtrise des architectures de traitement en réseau, ainsi que dans les logiciels embarqués autonomes.

Il faut noter que la Chine développe depuis 2018 des algorithmes de fusion de données, mais l’intégration reste partielle. Le recours au J-20S pourrait donc être une solution transitoire, destinée à compenser le retard logiciel par une solution humaine.

Une doctrine encore centrée sur le contrôle humain direct

La doctrine occidentale évolue vers l’autonomie contrôlée, où les systèmes sans pilote opèrent avec peu d’intervention humaine grâce à des IA tactiques. À l’inverse, la PLAAF continue de privilégier le contrôle humain direct, même dans des missions complexes. Cela se traduit par des plateformes comme le J-20S, mais aussi par l’absence d’initiative autonome au niveau des essaims de drones.

Cette approche permet d’éviter les risques de dérive algorithmique, mais au prix d’une réactivité plus lente et d’une exposition accrue des moyens pilotés. Si le second membre d’équipage est indispensable pour piloter un groupe de drones, cela limite fortement l’échelle de déploiement simultané de ces essaims, contrairement à ce que permet le programme américain CCA (Collaborative Combat Aircraft), basé sur l’automatisation.

Le J-20S biplace chinois entre en service opérationnel

Une entrée en service opérationnelle chargée d’enjeux stratégiques

Une mise en service progressive dans des unités spécifiques

Le J-20S a été intégré à la base aérienne de Wuhu, dans une unité spécialisée dans les missions air-sol profondes et la guerre électronique. Le volume initial serait de 6 appareils livrés, avec une montée en puissance vers 24 exemplaires d’ici 2026. Le coût estimé par unité avoisine 110 millions d’euros, en tenant compte de l’architecture spécifique et de l’intégration des systèmes C2 (Commandement et Contrôle).

Le calendrier de mise en service prévoit une phase de tests opérationnels de 12 mois, durant laquelle les équipages devront éprouver les limites du système homme-drone en conditions réelles. Des exercices conjoints avec des batteries S-400 et des drones GJ-11 sont prévus pour valider les doctrines d’engagement. La Chine cherche ainsi à structurer une force air-sol cohérente, capable de pénétrer des défenses multicouches en Asie-Pacifique.

Une réponse à l’accélération technologique américaine et japonaise

L’introduction du J-20S intervient alors que les États-Unis finalisent les premiers tests en vol du NGAD (Next Generation Air Dominance), avion furtif de 6e génération conçu pour interagir avec plusieurs drones autonomes. Le Japon et la Corée du Sud investissent également dans des plateformes collaboratives et dans des armements air-sol de rupture. Pékin se retrouve dans l’obligation de proposer une alternative crédible, même si ses solutions restent plus humaines que logicielles.

Le déploiement du J-20S confirme que la Chine cherche à maîtriser le combat en réseau, mais via un paradigme intermédiaire, en attendant une transition vers une automatisation complète. Ce modèle hybride, encore tributaire du facteur humain, risque d’être moins flexible à grande échelle, notamment en cas de conflit à haute intensité où les centres de commandement sont ciblés dès les premières minutes.

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