L’A-10 Warthog doit son bruit caractéristique à son canon GAU-8/A Avenger. Vitesse supersonique, cadence, acoustique : voici l’explication du BRRRRT.

L’avion de l’appui rapproché et sa mission

Le Fairchild Republic A-10 Thunderbolt II a été conçu pour l’appui aérien rapproché. Il vole lentement, reste longtemps sur zone et encaisse les dommages. Ses deux turboréacteurs TF34 délivrent chacun 40,3 kN de poussée (9 065 lbf), lui permettant de décoller de pistes sommaires et de manœuvrer à basse altitude tout en protégeant le pilote par un « baignoire » en titane. Dans ce cadre, la place du BRRRRT dans la réputation de l’A-10 n’a rien d’anecdotique : ce son est devenu la signature audible d’une fonction tactique précise, frapper vite et précisément à proximité des troupes amies. L’A-10 Warthog reste l’archétype d’un avion pensé autour d’une technologie d’armement dédiée : le canon GAU-8 Avenger de l’A-10.

A-10 Warthog

Le cœur du système : un canon rotatif unique

Au centre de l’avion se trouve le GAU-8/A Avenger, un canon Gatling à 7 canons rotatifs de 30×173 mm. Le système complet avec son tambour et son alimentation linkless pèse environ 1 828 kg (4 029 lb) pour une longueur d’environ 5,93 m (19 ft 5,5 in). Le tambour peut emporter 1 174 coups (dotation typique 1 150). La cadence a été stabilisée autour de 3 900 coups/min (soit 65 coups/s). À cette vitesse, une rafale d’1 s libère ≈ 65 projectiles ; une rafale de 2 s en libère ≈ 130. Pour éviter l’échauffement et préserver la précision, les doctrines de tir privilégient des rafales courtes.

La vitesse des projectiles de l’A-10 est déterminante : un obus perforant PGU-14/B quitte la bouche à ≈ 1 010 m/s (3 324 ft/s). La dispersion typique est de 5 mils (80 %), ce qui correspond à un cercle d’environ 12 m (40 ft) à 1 200 m (4 000 ft). Cette efficacité du canon de l’A-10 s’appuie sur une balistique supérieure et une masse de projectile ≈ 395 g, bien plus élevée qu’un 20 mm classique. Côté munitions, l’US Air Force a historiquement panaché PGU-14/B AP-I (cœur à uranium appauvri) et PGU-13/B HEI, un schéma optimisé contre blindés et cibles dures.

Éléments clés à retenir : 3 900 coups/min, ≈ 65 obus/s, ≈ 1 010 m/s à la bouche, 1 174 coups emportés. Ces paramètres définissent la puissance de feu de l’A-10… et préparent le son du tir de l’A-10 qui a bâti sa légende.

Le montage, le recul et la tenue de trajectoire

Le rôle du canon rotatif de l’A-10 impose un montage spécifique. Le GAU-8 est décalé légèrement à bâbord, mais le canon actif passe sur l’axe longitudinal au moment du tir. Ce positionnement recentre le recul moyen d’environ 44,5 kN (10 000 lbf), évitant un couple de lacet ou de tangage susceptible d’ouvrir le cône de dispersion. Le train avant est, lui, décalé à tribord pour faire place au tambour.

Le recul est massif mais gérable : en palier, une rafale courte ne « freine » l’avion que de quelques nœuds, l’effet principal étant une vibration caractéristique. Autre contrainte connue : les gaz de tir, pauvres en oxygène, peuvent perturber l’écoulement sur les entrées d’air. Les premiers essais avaient montré des risques de flameout ; l’USAF a donc mis en place des allumeurs automatiques et des procédures de gestion des gaz de bouche. Ces éléments expliquent des détails de trajectoire et… participent indirectement à la signature sonore de l’A-10 Warthog.

Le fameux « BRRRRT » : ce que vos oreilles perçoivent

Le bruit caractéristique de l’A-10 n’est pas une simple « machine à coudre ». C’est un mix de phénomènes acoustiques :

  1. Les chocs d’ondes supersoniques : chaque projectile de 30 mm est supersonique à la sortie de bouche. Il génère un cône de Mach qui produit un « crack » sec perçu dès que le projectile passe à proximité de l’observateur. Multipliez ce « crack » par 65 par seconde et vous obtenez une texture continue qui participe fortement au surnom BRRRRT de l’A-10.
  2. Le rapport vitesse balle / vitesse du son : pour un observateur au sol, les impacts et/ou le « crack » de passage peuvent être entendus avant le bruit de bouche. À 1 000 m du point d’impact, un obus à 1 010 m/s arrive en ≈ 1,0 s, tandis que le son du canon met ≈ 2,9 s à parcourir la même distance (vitesse du son ≈ 343 m/s). D’où cette impression de double son : d’abord « claquements/impacts », ensuite bourdonnement grave venu de l’avion.
  3. La cadence et le filtrage du milieu : 65 coups/s donnent une fréquence fondamentale de 65 Hz autour de laquelle s’empilent des harmoniques (mécaniques, aérodynamiques, échos du terrain). Le résultat est ce bourdon grave et continu, perçu comme un BRRRRT.
  4. La « mise en régime » du canon : au tout début de la rafale, le bloc canons monte en vitesse en quelques dixièmes de seconde. Ce transitoire ajoute un glissando au démarrage, souvent audible sur les vidéos.
  5. Les échos et la topographie : vallées, façades, reliefs réverbèrent le son et l’épaississent, donnant davantage de « corps » au son du tir de l’A-10.

C’est la combinaison de ces mécanismes (ballistique, cadence, acoustique) qui explique la raison du bruit unique de l’A-10.

La physique derrière le BRRRRT : chiffres simples et utiles

Quelques ordres de grandeur aident à comprendre l’explication du bruit BRRRRT de l’A-10 :

  • Temps de vol : à 1 200 m (4 000 ft, portée d’efficacité de conception), un projectile à 1 010 m/s met ≈ 1,19 s.
  • Propagation du son : le muzzle report du canon met ≈ 3,5 s à parcourir 1 200 m.
  • Décalage perçu : l’observateur proche de la cible entend d’abord cracks/impacts, puis le bourdonnement du canon avec ≈ 2–2,5 s de retard.
  • Cadence : 3 900 coups/min, soit 65 Hz ; c’est dans le grave du spectre audible humain, d’où la sensation « bourdon ».
  • Rafale : 1 s ≈ 65 coups, 2 s ≈ 130 coups ; vider 1 150 coups demanderait ≈ 18 s de feu continu, rare en pratique.

Ces valeurs structurent la signature sonore de l’A-10 Warthog et expliquent pourquoi, même à distance, l’oreille distingue un motif récurrent.

La conception au service de la mission

Pour la modernisation de la flotte de chasse américaine, le débat oppose souvent l’avion spécialisé et les multirôles. Le rôle de l’A-10 dans l’US Air Force s’est bâti sur une arme adaptée à la mission CAS : précision, endurance, résilience. Le GAU-8 Avenger de l’A-10 tire des munitions de 30 mm à énergie élevée, stables en vol et peu dispersées ; cela se traduit par une signature sonore forte et par des effets immédiats au sol, particulièrement lisibles pour les troupes appuyées.

La raison du bruit unique de l’A-10 tient donc autant à la physique (supersonique + cadence) qu’au choix doctrinal : accepter un canon lourd pour obtenir un effet terminal supérieur à courte et moyenne portée. Cette logique s’entend… autant qu’elle s’explique.

A-10 Warthog

L’impact opérationnel et les limites acoustiques

Dans des environnements très défendus, l’A-10 Warthog doit gérer la menace sol-air. Le bruit caractéristique de l’A-10 n’est pas un handicap tactique en soi : à la distance où il est audible, l’avion a déjà tiré, et ses obus ont atteint la zone. En revanche, la pénétration d’un espace contesté impose altitude, cap, timing et emploi combiné (missiles, bombes guidées, drones d’observation). Le BRRRRT reste emblématique, mais il n’est qu’une composante d’un système d’armes plus vaste.

Sur le plan technique, l’USAF a réglé les problèmes de gaz de bouche par allumage automatique en tir, consignes de vitesse/assiette, et maintenance du circuit canon. La raison d’être de ces adaptations est simple : préserver l’efficacité du canon de l’A-10 tout en garantissant la sécurité moteur.

La place d’un son dans l’histoire aérienne

Le surnom BRRRRT de l’A-10 est devenu un marqueur culturel. Dans l’histoire militaire américaine, peu d’armes ont une identité sonore aussi immédiatement reconnaissable. Au-delà de l’image, ce son demeure un raccourci auditif d’une réalité technique : un flux de projectiles supersoniques tirés à 65 par seconde, guidés par une avionique de close air support, pour délivrer des effets immédiats et mesurables. C’est aussi pour cela que la signature sonore de l’A-10 Warthog continue de fasciner autant le grand public que les professionnels.

Une dernière écoute, pour mieux comprendre

La prochaine fois que vous entendrez ce BRRRRT, décomposez-le : un « crack » de chocs d’ondes à proximité, un grondement venu de l’avion quelques secondes plus tard, et, entre les deux, la cadence qui lie le tout. Vous aurez alors, à l’oreille, la meilleure explication du bruit BRRRRT de l’A-10.

Retrouvez les informations sur le baptême en avion de chasse.