Analyse technique du rôle, des composants et des limites d’un moteur à postcombustion dans un avion de chasse moderne.

Le principe de la postcombustion

La postcombustion est une phase de surpuissance intégrée aux turboréacteurs militaires. Elle équipe la quasi-totalité des avions de chasse supersoniques modernes. Son objectif est clair : fournir un excès de poussée à court terme en injectant du carburant dans les gaz chauds en sortie de turbine, juste avant la tuyère.

Le fonctionnement repose sur un phénomène simple : une partie de l’oxygène contenu dans les gaz issus de la chambre de combustion n’a pas été consommée. Cette richesse résiduelle permet une combustion supplémentaire si l’on injecte du carburant à l’arrière du moteur. Ce mélange s’enflamme au contact de l’oxygène et augmente brutalement la température et le volume des gaz. Résultat : une augmentation de la poussée de l’ordre de 40 à 70 %, selon les moteurs.

Un moteur à postcombustion reste néanmoins inefficace en croisière. La consommation de kérosène augmente de manière exponentielle. Par exemple, un F110-GE-129 utilisé sur les F-16 consomme jusqu’à 180 litres par minute en postcombustion, contre 60 litres/min en régime sec.

La postcombustion est donc un système temporaire. Elle s’utilise au décollage court, en montée rapide, lors d’un combat aérien ou pour franchir le mur du son. La phase n’est pas continue : sur certains avions comme le Rafale, une postcombustion fractionnée ou intermittente permet de moduler la poussée sans rester en postcombustion totale.

Les avions de chasse modernes intègrent la postcombustion comme une option tactique, non comme un mode de vol permanent. Son déclenchement est contrôlé par le pilote via la manette des gaz ou automatisé sur certains profils de vol.

postcombustion

Un ensemble de composants dédiés à une combustion secondaire

Un système à postcombustion se compose de plusieurs éléments précis, disposés dans la section arrière du turboréacteur. Leur rôle est d’assurer une combustion stable, sans perturber la sortie des gaz et sans créer de turbulences destructrices.

L’élément principal est l’injecteur de carburant situé après la turbine. Il projette le carburant (souvent du JP-8 ou du F-44) sous forme pulvérisée. Ce carburant se mélange aux gaz chauds sortant de la turbine.

La grille stabilisatrice de flamme, ou flame holder, est indispensable. Elle ralentit localement l’écoulement des gaz pour y maintenir la flamme vive. Ce dispositif est souvent en forme de V inversé, ajouré, et en alliage résistant à plus de 1 200 °C.

Le système comprend également un allumeur, souvent à plasma ou à étincelle haute tension, capable d’initier la combustion secondaire. En général, le démarrage de la postcombustion est assisté par ce système durant quelques secondes.

Enfin, la section critique est la tuyère variable. Pour contenir l’augmentation de pression et de température, la tuyère s’ouvre mécaniquement (entre 15 et 35 % d’ouverture en plus selon le régime). Ce système, composé de pétales mobiles en titane, est géré par actionneurs hydrauliques et des capteurs thermiques.

La tuyère est le point névralgique. Si son ouverture est mal calibrée, la surpression détruit le moteur. En postcombustion, la température d’éjection peut atteindre 1 800 à 2 200 °C, contre 950 °C en régime sec.

Certains moteurs, comme le Saturn AL-31F russe ou le Pratt & Whitney F119, intègrent une tuyère vectorielle orientable, permettant un gain de manœuvrabilité sans perte de poussée. Ces systèmes complexifient encore la gestion thermique et mécanique.

Un gain de performance essentiel mais énergivore

La postcombustion offre un gain immédiat de performance, indispensable dans certaines phases de vol. Elle permet notamment le franchissement du mur du son, une montée verticale rapide ou un engagement rapproché dans un combat aérien.

Sur le Rafale, le moteur M88-2 développe 50 kilonewtons en régime sec, mais 75 kN en postcombustion. Sur le F-22, les deux moteurs F119-PW-100 passent de 116 kN à 156 kN chacun avec la postcombustion.

Ce surcroît de puissance est obtenu sans architecture complexe, contrairement aux moteurs à double flux civils. En contrepartie, la consommation explose. À pleine postcombustion, un avion peut consommer jusqu’à 2 tonnes de carburant en moins de 10 minutes.

Le rayon d’action est directement affecté. Un F-16C avec réservoirs externes peut franchir 3 200 km en vol économique. Avec postcombustion fréquente, cette autonomie chute sous les 1 500 km.

Les contraintes thermiques sont aussi sévères. Les composants en titane ou en céramique doivent résister à de fortes dilatations. La durée de vie du moteur est réduite : le passage fréquent en postcombustion raccourcit les cycles de maintenance. Un moteur F110-GE-129 affiche un intervalle de révision de 4 000 heures en usage normal, réduit à 1 000 heures sous usage intensif.

Pour cette raison, l’entraînement en postcombustion est limité au strict nécessaire. Les simulateurs ou les vols en régime sec sont privilégiés pour préserver le matériel. En opération réelle, chaque minute de postcombustion est planifiée, car elle pèse directement sur le bilan logistique de la mission.

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Une technologie désormais concurrencée par les moteurs à poussée sèche supersonique

Le recours à la postcombustion reste une solution technique transitoire face aux exigences du vol supersonique. Les programmes récents d’avions de chasse visent à s’en affranchir grâce à la poussée sèche suffisante. Le terme anglo-saxon supercruise désigne cette capacité à maintenir un vol supersonique sans postcombustion.

Le F-22 Raptor est capable de voler à Mach 1,6 sans allumer ses postcombusteurs. Cela réduit la signature infrarouge, préserve le carburant et augmente la discrétion tactique. À l’inverse, un Su-35S ou un Eurofighter Typhoon atteint le Mach 1,2 à 1,3 en régime sec, au-delà uniquement avec postcombustion.

Les recherches actuelles sur les moteurs de sixième génération, comme le XA100 d’General Electric, visent à intégrer des cycles adaptatifs : flux variable, rendement optimisé, postcombustion réduite. Ces moteurs devraient atteindre plus de 180 kN de poussée sèche avec une meilleure efficacité énergétique.

En parallèle, la contrainte thermique reste une limite. Les alliages et céramiques ultra-résistants coûtent cher. Le prix d’un moteur avec postcombustion moderne dépasse 12 millions d’euros par unité pour les avions comme le F-35.

Enfin, sur le plan stratégique, certains pays renoncent à la postcombustion pour des raisons de discrétion. La signature thermique d’un avion en postcombustion est repérable par les capteurs infrarouges au-delà de 80 kilomètres, même sans radar actif.

L’évolution logique tend donc vers des motorisations plus sobres, capables de maintenir des régimes supersoniques sans recourir à l’injection de carburant secondaire. Mais cette transition reste limitée par les contraintes industrielles, les besoins tactiques immédiats, et les coûts de développement.

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