Découvrez dix faits étonnants sur l’Antonov An‑225 Mriya, le plus gros avion du monde, entre records, missions spatiales et disparition tragique.
L’Antonov An‑225 Mriya, conçu dans les années 1980 par le bureau ukrainien Antonov, demeure une référence dans l’histoire de l’aviation. Avec ses dimensions hors normes et ses capacités logistiques uniques, il n’existe qu’un seul exemplaire de cet avion devenu légendaire. Long de 84 mètres, doté de six moteurs, et capable de transporter plus de 250 tonnes de fret, le plus gros avion du monde a longtemps symbolisé l’ambition technologique soviétique, puis l’excellence du transport aérien stratégique. Utilisé aussi bien pour acheminer des équipements industriels hors gabarit que pour des missions humanitaires, le Mriya a toujours suscité admiration et fascination. Sa destruction en 2022 a marqué la fin d’une époque, mais son héritage technique perdure. Voici dix éléments peu connus, mais fascinants, à propos de ce géant des airs. Chaque fait illustre à quel point l’An‑225 était unique dans sa conception, sa mission et son histoire opérationnelle.
Un seul exemplaire du Mriya a été finalisé
L’Antonov An‑225 Mriya n’a été produit qu’en un seul exemplaire. Bien que le programme initial prévoyait deux appareils, seul le premier a été achevé et mis en service en 1988. Le second, dont le fuselage a été partiellement assemblé, est resté stocké à l’état inachevé dans les installations d’Antonov, en raison du coût de production, du manque de rentabilité immédiate et des bouleversements géopolitiques liés à la chute de l’URSS. Cette rareté a contribué à faire du Mriya un objet mythique dans l’aviation civile et militaire. Contrairement aux avions de transport de série comme l’Il‑76 ou le C‑17 Globemaster, le Mriya n’a jamais été intégré dans une flotte. Il opérait comme un appareil unique au sein d’Antonov Airlines. Son statut de prototype opérationnel, entretenu et modifié au fil des ans, lui a permis de remplir des missions variées et souvent spectaculaires, en conservant son originalité structurelle. Cette singularité explique également les coûts élevés liés à son entretien.
Il a été conçu pour transporter la navette Bourane
Le Mriya a été développé à l’origine pour répondre à un besoin spécifique du programme spatial soviétique : transporter la navette orbitale Bourane. Contrairement à la navette américaine qui utilisait une plate-forme dédiée (le Boeing 747 modifié), l’Union soviétique a confié au bureau Antonov le développement d’un appareil sur mesure. L’An‑225 a ainsi été conçu pour porter Bourane ou d’autres éléments de lanceurs spatiaux sur le dos, jusqu’aux sites de lancement comme Baïkonour. Pour cela, le fuselage a été élargi, des renforts structurels ont été ajoutés, et la dérive a été scindée en deux stabilisateurs verticaux afin de maintenir la stabilité aérodynamique en vol avec une charge externe. Ce rôle initial de porteur spatial explique sa configuration unique à six moteurs et son train d’atterrissage massif. Bien que la navette Bourane n’ait effectué qu’un seul vol orbital, l’An‑225 est resté en service et a été reconverti dans le transport de fret lourd hors normes.
Il détient plus de 240 records mondiaux officiels
Au fil de sa carrière, l’Antonov An‑225 Mriya a accumulé plus de 240 records mondiaux homologués par la Fédération aéronautique internationale (FAI). Parmi les plus remarquables figure le transport de 253 tonnes de charge utile, ainsi qu’un poids total au décollage de 640 tonnes, un record absolu pour un avion à voilure fixe. Il a également transporté la plus grande cargaison monobloc (une turbine de 189 tonnes), ou encore effectué le vol commercial le plus lourd de l’histoire. Ces performances sont rendues possibles par sa motorisation à six turboréacteurs Progress D‑18T, sa structure renforcée et ses trains d’atterrissage à 32 roues. Chaque mission du Mriya représentait une prouesse technique en soi, nécessitant une planification minutieuse, des autorisations spécifiques et des infrastructures adaptées. Ces records témoignent non seulement de la puissance brute de l’appareil, mais aussi de sa précision opérationnelle et de sa fiabilité sur des missions extrêmes.
Sa soute dépasse la taille d’un terrain de basket
L’un des éléments les plus impressionnants du Mriya est sa soute pressurisée, conçue pour accueillir des charges massives sur de longues distances. Avec une longueur de 43,3 mètres, une largeur de 6,4 mètres et une hauteur de 4,4 mètres, elle surpasse de nombreux entrepôts terrestres. À titre de comparaison, un terrain de basket standard mesure environ 28 mètres de long : la soute de l’Antonov An‑225 peut donc contenir l’intégralité d’un tel espace, avec une marge considérable. Cette capacité hors norme permettait de transporter des éoliennes entières, des locomotives, ou encore des sections d’aéronefs. L’accès à la soute se faisait par une rampe frontale basculante, capable de soulever le nez de l’appareil. L’équipement de chargement comprenait également un treuil et des systèmes de fixation modulaire. Cette conception illustre la vocation ultra-logistique du Mriya, pensé pour répondre à des contraintes industrielles très spécifiques.
Son train d’atterrissage compte 32 roues directrices
L’Antonov An‑225 Mriya est équipé d’un train d’atterrissage à 32 roues, réparties en 14 bogies. Ce dispositif complexe permettait de répartir les charges au sol et de faciliter les manœuvres sur les pistes. Parmi ces roues, certaines sont directrices, ce qui confère à l’appareil une maniabilité au sol bien supérieure à ce que l’on pourrait attendre d’un avion de cette envergure. Le train principal peut s’incliner pour faciliter le chargement par l’avant, et la pression de gonflage est ajustable en fonction des charges transportées et des surfaces d’atterrissage. Ce système permettait au Mriya d’opérer sur des pistes secondaires renforcées, dans des conditions parfois très éloignées des standards des aéroports civils. L’entretien de ces composants nécessitait une équipe spécialisée et une logistique dédiée. C’est l’un des nombreux éléments qui expliquent les coûts d’exploitation très élevés associés à le plus gros avion du monde, malgré son efficacité dans certaines missions uniques.
Il peut transporter une charge montée à l’extérieur du fuselage
L’un des aspects les plus remarquables de l’Antonov An‑225 Mriya réside dans sa capacité à transporter des charges externes, fixées sur le dos du fuselage. Cette configuration, rare dans le transport aérien, était conçue pour répondre aux besoins spécifiques du programme spatial soviétique. Elle permettait notamment de porter la navette Bourane ou des composants de fusée trop volumineux pour tenir dans la soute. Pour assurer la stabilité aérodynamique dans ces conditions, les ingénieurs ont supprimé la dérive centrale de l’An‑124 et installé à la place deux dérives verticales aux extrémités du plan horizontal. Cette configuration unique assurait un contrôle latéral malgré la traînée induite par la charge extérieure. Le montage se faisait grâce à des fixations spécifiques intégrées au sommet du fuselage. Cette capacité faisait du Mriya une plate-forme multi-rôle, capable de répondre à des scénarios logistiques complexes, bien au-delà des limites des avions-cargos classiques, comme le Boeing 747 ou le C‑5 Galaxy.
Il nécessitait un équipage complet à bord pour fonctionner
Le Mriya n’était pas un avion que l’on pilote seul ou à deux. Il exigeait la présence à bord de six à huit membres d’équipage, dont chacun remplissait une fonction technique bien définie. Outre le pilote et le copilote, il fallait un ingénieur de vol, responsable du contrôle moteur et des systèmes hydrauliques, un navigateur, un opérateur radio, et parfois un opérateur cargo chargé de surveiller le fret et les équipements de chargement pendant le vol. À cela s’ajoutaient les équipes au sol, qui assuraient les manœuvres de chargement, les vérifications structurelles et la préparation logistique. Cette organisation rappelle celle des gros porteurs militaires des années 1970-1980, avant l’automatisation des postes à bord. Cette configuration humaine rendait les opérations coûteuses, mais indispensables compte tenu de la complexité de l’appareil. Le plus gros avion du monde n’était donc pas seulement une prouesse technique : c’était aussi un système humain rodé, mobilisant un haut niveau de compétence.
Il a réalisé son vol le plus long en 2020 pendant la pandémie
En avril 2020, l’Antonov An‑225 Mriya a été mobilisé dans le cadre de la lutte contre la pandémie de COVID‑19. Il a alors effectué un vol exceptionnel reliant Tianjin (Chine) à Varsovie (Pologne) avec escale technique, transportant plus de 100 tonnes de matériel médical, dont des masques et des respirateurs. Ce vol, très médiatisé, a été l’un des plus longs de son histoire récente, démontrant la pertinence opérationnelle du Mriya, même après plus de trois décennies de service. Il a fallu moins de 48 heures entre le chargement en Asie et l’arrivée en Europe, dans un contexte d’urgence sanitaire mondiale. Ce vol illustre à quel point le Mriya restait un atout stratégique en cas de crise logistique globale. Grâce à sa capacité unique de transport, il a pu livrer en une seule rotation ce qui aurait nécessité plusieurs vols d’avions-cargos classiques. Cette mission fut l’une de ses dernières grandes opérations internationales.
Il a été détruit lors des combats en Ukraine en 2022
Le 27 février 2022, lors de l’offensive russe sur l’Ukraine, l’Antonov An‑225 Mriya a été détruit à l’aéroport de Hostomel, près de Kiev, où il était stationné pour maintenance. Pris sous les bombardements dès les premiers jours de l’attaque, l’avion a été partiellement incendié dans son hangar. Des images satellite et des vidéos sur place ont confirmé l’étendue des dégâts : nez éventré, ailes effondrées, cabine dévastée. Cette destruction a provoqué une onde de choc dans le monde de l’aéronautique et parmi les passionnés, tant le Mriya symbolisait une prouesse technique et un patrimoine aéronautique unique. L’appareil n’était pas seulement un outil industriel : c’était une icône. Depuis sa perte, les discussions autour de sa reconstruction ont mobilisé des experts et des ingénieurs, mais les coûts, le contexte de guerre et l’obsolescence de certains composants compliquent fortement le projet. Ce tragique événement a marqué la fin d’un chapitre majeur dans l’histoire du transport aérien lourd.
Sa reconstruction est envisagée, mais reste très incertaine
Suite à la destruction de l’An‑225, Antonov a annoncé envisager la reconstruction du Mriya à partir des éléments du second exemplaire resté inachevé depuis les années 1990. Ce projet symbolique et technique se heurte à de nombreux obstacles : manque de financement, composants obsolètes, difficultés logistiques en temps de guerre, et complexité du chantier. Le coût estimé dépasse 500 millions de dollars. Certaines pièces du premier exemplaire pourraient être récupérées ou reproduites, mais les systèmes avioniques, les moteurs et la cellule nécessitent une modernisation complète. Malgré cela, Antonov maintient son ambition, avec le soutien d’autorités ukrainiennes et de donateurs privés. La reconstruction du plus gros avion du monde serait un projet à la fois technologique et mémoriel, destiné à démontrer la résilience de l’industrie aéronautique ukrainienne. Mais à ce jour, aucun calendrier précis n’a été communiqué. Le mythe du Mriya, qui signifie « rêve » en ukrainien, pourrait encore renaître si les conditions politiques et industrielles le permettent.
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