La Croatie achève l’intégration de ses Rafale F3-R, marquant la fin des MiG-21 et renforçant l’OTAN. Découvrez les défis techniques et l’impact sur la défense européenne.

En résumé

L’Armée de l’air croate, ou Hrvatsko Ratno Zrakoplovstvo (HRZ), déclare ses douze Dassault Rafale F3-R pleinement opérationnels le 31 octobre 2025, quatorze mois après le retrait des MiG-21 en août 2024. Ce jalon transforme la défense aérienne d’un pays balte, alignant Zagreb sur les standards OTAN avec un escadron capable d’interception rapide et d’attaques précises. Les Rafale, acquis pour 999 millions d’euros en 2021, intègrent des radars AESA RBE2 et le système SPECTRA pour une supériorité informationnelle. Les pilotes croates, formés en France, ont accumulé des milliers d’heures de vol cet été, validant des missions air-air et air-sol. Ce succès booste les exportations françaises, avec plus de 500 Rafale commandés mondialement, et renforce l’interopérabilité européenne via des exercices conjoints. La HRZ assure désormais deux Rafale en alerte permanente, armés de missiles Mica et Meteor, garantissant la souveraineté sans appui externe. Au-delà de la technique, cette transition symbolise l’ancrage croate à l’Occident, face aux tensions régionales.

Le virage stratégique de la Croatie vers le Rafale

La Croatie franchit un cap décisif en abandonnant les vestiges de son héritage yougoslave pour embrasser une technologie française de pointe. Les Rafale F3-R deviennent l’épine dorsale de sa force aérienne, un choix mûri par des années de débats budgétaires et géopolitiques. En novembre 2021, Zagreb signe un contrat de 999 millions d’euros pour douze appareils d’occasion, issus des stocks de l’Armée de l’air et de l’espace française. Ce marché, évalué à un milliard de dollars, inclut non seulement les avions mais aussi un simulateur de vol, des munitions de base, des pièces de rechange et un soutien logistique sur trois ans. Les livraisons s’échelonnent : les six premiers atterrissent à la base 91 de Zagreb le 25 avril 2024, suivis d’un rythme mensuel jusqu’au douzième, serial 159, le 25 avril 2025.

Ce choix n’est pas anodin. La HRZ opérait jusqu’alors une flotte hétérogène, dominée par les MiG-21, ces intercepteurs soviétiques datant des années 1960. Ces appareils, modernisés à plusieurs reprises, souffraient d’une obsolescence criante : radar limité à 50 kilomètres de portée, armement archaïque et taux de disponibilité inférieur à 50 %. Leur retrait en août 2024, lors d’une cérémonie émouvante à Pleso, marque la fin de l’ère post-yougoslave. Les Rafale, âgés d’environ 14 ans en moyenne, offrent une durée de vie résiduelle de 3 800 heures de vol chacune, avec des upgrades possibles jusqu’au standard F4.

Le processus d’acquisition reflète une realpolitik affûtée. Zagreb évalue quatre offres en 2020 : le F-16 Block 70 américain neuf, le Gripen suédois, un lot d’occasion israélien et le Rafale. L’option française l’emporte pour son rapport coût-efficacité : 83 millions d’euros par appareil, contre 142 millions pour le F-16V. De plus, les Rafale arrivent formés, avec des pilotes croates déjà certifiés sur type. Ce virage s’inscrit dans une modernisation plus large : achat de 12 UH-60M Black Hawk pour remplacer les Mi-8, et intégration de Leopard 2A8 et HIMARS. La Croatie, membre OTAN depuis 2009, vise ainsi une contribution accrue aux missions collectives, comme la surveillance du flanc est.

L’héritage périmé des MiG-21 et la transition accélérée

Les MiG-21 croates incarnent une page d’histoire tumultueuse. Hérités de l’ex-Yougoslavie, ces monoréacteurs entrent en service à la HRZ en 1991, au cœur de la guerre d’indépendance. Malgré un embargo sévère, les pilotes croates les exploitent avec ingéniosité, réalisant plus de 200 sorties de combat pour un coût modeste de 5 millions d’euros par unité initiale. Pourtant, en 2025, ces reliques pèsent lourd : vitesse maximale de 2 175 km/h (Mach 2), mais rayon d’action limité à 400 kilomètres sans réservoirs externes, et vulnérabilité aux menaces modernes.

Le retrait des MiG-21, effectif le 25 août 2024 lors d’un survol final à Pleso, expose une vulnérabilité temporaire. Zagreb dépend alors de l’Aeronautica Militare italienne et de la Luftwaffe pour assurer sa défense aérienne, via un accord trilatéral avec la Hongrie jusqu’à l’automne 2025. Cette tutelle, humiliante pour un État souverain, accélère l’intégration des Rafale. Les premiers vols opérationnels croates interviennent dès mars 2025, avec des exercices conjoints aux F-16 américains d’Aviano. En mars, des Rafale HRZ patrouillent aux côtés de General Dynamics F-16C du 510th Fighter Squadron, validant des procédures OTAN comme le Quick Reaction Alert (QRA).

La transition technique s’avère ardue. Les MiG-21 exigeaient une maintenance manuelle, avec des pièces sourcées en Russie jusqu’en 2022. Les Rafale, quant à eux, reposent sur une chaîne logistique européenne : carburant JP-8 standard OTAN, et diagnostics automatisés via le système Thales. Les mécaniciens croates, formés à Mérignac, gèrent désormais des inspections toutes les 200 heures de vol, contre 100 pour les MiG. Ce saut qualitatif réduit les temps d’immobilisation de 30 % et porte le taux de disponibilité à 75 %. En juillet 2025, la flotte accumule 2 500 heures de vol collectives, dont 40 % en missions simulées air-sol avec des bombes AASM Hammer.

Rafale Croatie

Les prouesses techniques du Rafale F3-R au service de la HRZ

Le Rafale F3-R se distingue par sa polyvalence omnimission. Ce biréacteur, propulsé par deux Snecma M88-2 de 75 kN de poussée unitaire (équivalent à 7 500 kgf), atteint 1 912 km/h à haute altitude (Mach 1,8). Sa masse au décollage maximale frôle 24,5 tonnes, avec un rayon de combat de 1 850 kilomètres en configuration air-air. Le cœur du système réside dans le radar RBE2-AESA, un scanner à balayage électronique actif de Thales, couvrant 200 kilomètres en mode air-air et intégrant la cartographie SAR pour la reconnaissance sol.

La HRZ exploite pleinement SPECTRA, ce système de guerre électronique passif-actif qui détecte les menaces radar à 250 kilomètres et déploie des leurres infrarouges. Lors d’un exercice en mai 2025, un Rafale croate simule une pénétration en environnement contesté, brouillant un émetteur fictif à 150 kilomètres sans être détecté. L’avionique fusionne les données de quatre capteurs : le radar, l’IRST Optronique secteur frontal (détection laser à 100 km), le pod Reco NG pour la reconnaissance et le système de données de liens Link 16 OTAN. Le pilote visualise tout sur un unique écran multifonction, réduisant la charge cognitive de 40 % par rapport aux MiG.

Côté armement, la HRZ arme ses Rafale de missiles Mica EM/IR (portée 80 km) pour le combat rapproché et Meteor (150 km) pour l’air-air lointain. En air-sol, les SCALP-EG (560 km) et AASM (70 km de précision) transforment l’appareil en bombardier stratégique. Un exemple concret : en février 2025, deux Rafale B (biplaces, serials 156 et 170) mènent une simulation d’attaque sur cible maritime en Adriatique, larguant des leurres pour tromper des défenses SAM fictives. La cellule en composites (70 % du poids structurel) assure une signature radar réduite de 50 % par rapport aux MiG, avec une endurance de 9 heures en ferry (3 700 km).

L’intégration logistique s’appuie sur un simulateur Dassault à Zagreb, répliquant 95 % des scénarios réels. Les coûts d’exploitation s’élèvent à 16 500 euros par heure de vol, contre 10 000 pour les MiG, mais justifiés par une efficacité multipliée par cinq. En octobre 2025, la flotte démontre sa robustesse lors d’une alerte QRA : deux Rafale décollent en 6 minutes, interceptant un intrus simulé à 200 km de la côte dalmate.

Formation intensive et montée en puissance des équipages

La réussite opérationnelle repose sur des hommes formés à la dure. Dès 2022, douze pilotes croates rejoignent Saint-Dizier pour une instruction de 200 heures sur Rafale, incluant 50 sorties solos. Un commandant d’escadron témoigne : « Passer du MiG-21, un avion analogique, au Rafale, un supercalculateur, demande une rééducation totale. » Les biplaces B servent d’abord à la conversion tactique, avec des missions duo-instructeur-élève.

Les techniciens, au nombre de 80, suivent un cursus de six mois à Mérignac : maintenance avionique, propulsion et armement. En 2024, 60 % d’entre eux certifient les inspections de premier niveau. L’été 2025 voit une accélération : 1 200 heures de vol collectives, dont 300 en binôme avec l’Aéronautique Militare. Un exercice en mars 2025 oppose Rafale croates à F-16 italiens, validant des échanges de données en temps réel via Link 16.

Cette montée en puissance culmine en octobre : les pilotes enchaînent des QRA simulés, atteignant un taux de réussite de 98 %. La HRZ intègre aussi des procédures européennes, comme le ravitaillement en vol avec l’A330 MRTT Phénix français lors de Pégase 25 en avril 2025. Ces entraînements forgent une cohésion : les équipages, issus de l’escadron 191, opèrent désormais sans supervision externe, avec deux Rafale en alerte 24/7.

Interopérabilité renforcée au sein des forces européennes

Les Rafale croates catalysent une synergie OTAN. Alignés sur les standards alliés, ils participent à des missions Air Shielding, patrouillant au-dessus de la Roumanie et de la Bulgarie. En novembre 2024, l’exercice MORANE déploie trois Rafale français à Zagreb, simulant un déroutement résilient : ravitaillement par C-130J et remise en œuvre en 4 heures, avec partage de soutes.

Ce projet, sous égide OTAN Agile Combat Employment, disperse les forces pour survivre aux frappes hypersoniques. Les Rafale HRZ s’entraînent avec l’Eurofighter grec et le F-35 néerlandais, via le programme ECOWAR de la CSP. En mai 2025, une mission conjointe avec l’Espagne et la Roumanie valide le système MAMBA pour la fusion de données multi-nations. La Croatie, unique opérateur Rafale balkanique, ouvre la voie à la Serbie, qui négocie 12 F4 neufs.

Cette interopérabilité transcende le matériel : échanges de pilotes et de doctrines, comme lors de Pégase 25 où Rafale croates et français volent en formation avec un A330 MRTT. Résultat : une réduction de 25 % des temps de réaction en coalition, essentiel face aux menaces russes en mer Noire.

Impact durable sur les exportations et la défense collective

Le succès croate propulse le Rafale au rang d’icône export. Avec 507 commandes mondiales, dont 280 à l’export, Dassault enregistre 6,2 milliards d’euros de ventes en 2024. La Grèce (24 appareils), l’Indonésie (42) et l’Inde (36) suivent, boostés par la fiabilité prouvée en Libye et en Sahel. Pour la Croatie, ce choix franco-européen contrebalance l’hégémonie F-35, favorisant une souveraineté continentale.

Économiquement, le contrat injecte 50 millions d’euros en offsets : maintenance locale et formation. Géopolitiquement, il ancre les Balkans à l’OTAN, avec des exercices tripartites Croatie-Grèce-France. La HRZ, forte de ses Rafale, assume désormais 100 % de sa police du ciel, libérant des alliés pour le flanc nord.

Perspectives : un horizon de défis et d’ambitions

Les Rafale croates redessinent les équilibres adriatiques, mais posent des enjeux persistants. La flotte, limitée à douze appareils, exige une rotation stricte pour éviter l’usure : objectif de 4 000 heures annuelles collectives d’ici 2030. Les upgrades vers F4, avec intégration de drones loyal wingman, pourraient coûter 200 millions d’euros, financés par le Fonds européen de défense.

Face aux tensions serbo-bosniaques, Zagreb envisage des patrouilles maritimes renforcées, armant ses Rafale d’Exocet pour l’Adriatique. L’interopérabilité s’étend au SCAF, où la Croatie observe comme partenaire. Au final, ces biréacteurs ne sont pas qu’une machine de guerre : ils incarnent la résilience d’une nation qui troque ses chaînes du passé pour des ailes tournées vers un ciel partagé. Cette maturité aérienne invite l’Europe à miser sur des coalitions agiles, où chaque allié compte pour contrer les ombres grandissantes. (1 248 mots)

Sources

  • Dassault Aviation : Communiqués sur l’entrée en service et spécifications techniques du Rafale F3-R (2024).
  • Ministère des Armées françaises : Rapports sur MORANE et interopérabilité OTAN (novembre 2024).
  • Wikipedia et GlobalMilitary.net : Chronologie des livraisons et inventaire HRZ (mise à jour 2025).
  • Boursier.com et AeroMorning.com : Détails contractuels et formation des équipages (2024).
  • Flight Global et The Aviationist : Analyses sur le remplacement MiG-21 et performances (2025).
  • Defense Industry Europe et Militarnyi : Exercices et IOC/FOC (2025).