Un F-35B américain a pris feu le 17 octobre 2025 à l’atterrissage à Iwakuni. Cet incident met à nu les défis techniques des moteurs STOVL et pèse sur le déploiement Indo-Pacifique.
En résumé
Le 17 octobre 2025, lors d’un exercice conjoint avec les Forces d’autodéfense japonaises à la base de Iwakuni, un F-35B Lightning II du Corps des Marines a subi un incendie majeur pendant une manœuvre d’atterrissage vertical. Aucun blessé n’a été signalé, mais l’événement pose des questions cruciales : le fonctionnement et la robustesse de la motorisation STOVL (Short Take-Off / Vertical Landing), les risques associés à l’usage quotidien dans des zones opérationnelles sensibles, et l’impact sur la confiance des clients, les ventes et le calendrier de déploiement en Indo-Pacifique. Le F-35B emploie une architecture complexe — moteur principal avec tuyère orientable, soufflante de sustentation, système de bascule — ce qui le rend sensible à des défaillances thermiques, hydraulique ou de flux. Si l’enquête doit déterminer la cause, cet incident pourrait ralentir les plans d’expansion, freiner certaines livraisons ou inciter des clients éventuels à se tourner vers des alternatives STOL ou classiques.
L’incident à Iwakuni : déroulé et contexte
L’événement
Durant un exercice bilatéral entre les Marines américains et les Forces japonaises, un F-35B effectuant un atterrissage vertical (hover + descente verticale) sur la base aérienne de Iwakuni a déclenché un incendie important. L’appareil avait déjà été en approche verticale ou transition vers l’atterrissage. Le feu est apparu pendant ou immédiatement après le contact avec la plateforme. Le pilote s’est éjecté ou a évacué sans blessure majeure, les équipes de secours ont éteint l’incendie.
Jusqu’à présent, aucun communiqué officiel ne livre la cause précise, mais l’incident est traité comme grave, notamment parce qu’un feu en zone moteur ou nacelle de sustentation comporte des risques élevés de destruction structurelle.
Enjeux géographiques et stratégiques
La base de Iwakuni est un point névralgique pour la posture américaine dans la région Indo-Pacifique. Elle héberge des escadrons F-35B déployés à l’avant, prêts à projeter la puissance dans les eaux contestées de la mer de Chine orientale ou méridionale. Si la flotte STOVL montre des vulnérabilités, cela pourrait retarder les plans d’expansion aux Philippines, Taïwan, ou les bases avancées.
Cet incident survient dans un contexte d’escalade régionale face à la Chine, qui renforce sa flotte navale, ses missiles anti-navire et ses systèmes de défense côtière. L’efficacité et la fiabilité du F-35B sont donc cruciales pour le maintien de la dissuasion aéronavale américaine.
La motorisation STOVL du F-35B : complexité et risques
Architecture du moteur STOVL
Le F-35B combine plusieurs sous-systèmes pour réaliser le vol STOVL :
- Un moteur principal F135 (version STOVL) avec une tuyère orientable arrière qui peut basculer vers le bas (vectoring) pour générer de la poussée verticale.
- Une soufflante de sustentation (Lift Fan) placée à l’avant du fuselage, entraînée par l’arbre du moteur principal via arbre de transmission, fournissant une poussée vers le bas à l’avant pour équilibrer l’avion en mode vertical.
- Des portes de déviation de flux (ducts) et des volets pour gérer la transition du vol horizontal au vol vertical, répartir les flux, éviter les recirculations chaudes.
- Un système de contrôle de poussée, hydrauliques et commandes numériques qui coordonne la tâche complexe de direction de poussée et d’équilibrage.
Cette architecture présente des contraintes thermiques, de flux d’air, de synchronisation, de vibration, et de robustesse des matériaux.
Origines possibles d’un incendie en zone STOVL
Plusieurs scénarios peuvent déclencher un feu dans cette configuration :
- Défaut de joint ou de rupture structurelle dans les conduits du flux chaud, provoquant une fuite de gaz chauds sur des surfaces inflammables.
- Problème hydraulique ou de commande (voies de contrôle du vecteur, volets) empêchant la répartition correcte des flux et créant des turbulences ou des recirculations qui chauffent des zones non prévues.
- Contamination ou obstruction dans les conduits d’admission, délestage ou refroidissement, entraînant des surchauffes locales.
- Défaillance du système de démarrage, lubrification ou produit d’ignition dans les zones proches du moteur principal ou du compartiment de sustentation.
- Interaction thermique entre le flux moteur chaud orienté vers des parties non protégées, ou projection de matières brûlantes lors du basculement de tuyère, touchant des câbles, durites ou circuits périphériques.
- Usure, corrosion, fatigue ou défaut matériel sur des composants critiques : conduits, brides, joints, segments d’arbre.
Sans enquête publique, aucune hypothèse n’est privilégiée. Mais les incendies moteurs en F-35B ne sont pas entièrement inconnus : en 2016, un F-35B avait connu un feu dans sa soute à armements lors d’une mission d’entraînement.
Impact sur le moteur, la cellule et l’intégrité
Un incendie peut endommager :
- La structure de la cellule autour des conduits, panneaux, renforts, conduits de refroidissement.
- Les circuits hydrauliques, câbles, faisceaux électriques dans la zone d’incendie.
- Le moteur lui-même : turbomachine, revêtements thermiques, injecteurs, aubages, joints.
- Le système de sustentation (Lift Fan) et les mécanismes de transmission peuvent subir des surcharges thermiques ou mécaniques.
- Les surfaces furtives (revêtements radar absorbants) peuvent être endommagées, altérant la signature radar de l’avion.
Selon l’étendue des dommages, l’avion pourrait être réparable, mais cela exige des inspections approfondies, des remplacements de modules, des tests non destructifs, et la validation post-réparation.
Perception, ventes et implications pour le déploiement
Effet sur la confiance client et image commerciale
Le F-35, déjà objet de critiques concernant coûts, maintenance et problèmes techniques, risque de pâtir de cet incident dans l’opinion publique ou les États clients. Des pays en phase d’évaluation (par exemple Singapour, Suisse, Inde, Corée du Sud) pourraient utiliser cet épisode pour argumenter en faveur d’options alternatives (Eurofighter, Rafale, Su-57, avion indigène).
Les contrats en cours ou futurs pourraient subir des retards ou renégociations, notamment si les exigences de disponibilité, de fiabilité ou de sécurité sont renforcées.
Répercussions sur le calendrier Indo-Pacifique
Toute suspension temporaire des vols F-35B ou inspection de flotte pourrait retarder la posture avancée dans le Pacifique. Les unités déployées pourraient être redimensionnées, ou certaines missions STOVL réattribuées à des avions basés sur pistes.
Si le problème technique est jugé systémique ou récurrent, l’USMC pourrait ralentir les expansions de capacité STOVL dans des bases avancées ou les navires-hélicoptères convertis pour F-35B (concept de “Lightning carriers”).
Ajustement dans les services de maintenance et qualité
Lockheed Martin, Pratt & Whitney et le Pentagone devront renforcer les contrôles qualité, introduire des inspections mécaniques renforcées, analyser les modes de défaillance, introduire des modifications matérielles ou logicielles correctives.
Chaque incident majeur conduit souvent à des bulletins techniques (TAC-bulletins), à des retours fournisseurs, à des arrêts temporaires d’échantillons, à des mises à jour logicielles ou matérielles pour éviter les récidives.
Exemples antérieurs et historique de fiabilité
L’histoire du F-35B recense déjà plusieurs incidents : des atterrissages d’urgence, des atterrissages précautionneux, des pannes électriques. En décembre 2022, un F-35B avait vu son train avant s’écrouler au roulage après un atterrissage d’urgence à Okinawa.
Un autre cas instructif : l’incendie de la soute à bombe en 2016 dans un F-35B avait entraîné une enquête sur la concept de compartimentement et les protections thermiques. Ces antécédents montrent que le programme a déjà dû faire face à des imprévus — mais un incendie en hover/atterrissage vertical est plus critique, car il touche la configuration la plus fragilisée du système.
Perspectives de l’enquête, risque et enseignements
Enquête technique et analyses attendues
L’enquête devra collecter les données de boîtes noires (flight data recorder, health monitoring), les traces de combustion, les résidus métalliques, les relevés thermiques, les clichés IR et optiques.
Des experts moteurs, structure, hydrauliques, contrôle devront reconstituer la chronologie : enclenchement du feu, propagation, réaction des systèmes de sécurité.
L’enquête devra aussi vérifier si le logiciel de contrôle a réagi correctement, si des alertes antérieures avaient été ignorées, ou si une maintenance antérieure introduisait une faiblesse.
À quel horizon le recalibrage ?
Si l’incident est isolé, les modifications correctrices (joints renforcés, calorifuge, segments modifiés) peuvent être intégrées dans le programme de maintenance.
Si une faille structurelle ou de conception est montrée, cela pourrait entraîner un arrêt temporaire des cycles de vol pour inspection de toute la flotte STOVL, ou un retrait partiel jusqu’à mise à niveau.
Enseignements pour d’autres programmes STOVL
Les défis du F-35B ne sont pas anodins : tout programme futur de chasseurs STOVL ou de “F-35 furtif naval” devra incorporer des marges de sécurité renforcées, des redondances thermiques et des protections accrues contre les incendies dans les zones de transition verticale/normal.
Les alternatives STOL (Short Take-Off / Landing) moins extrêmes pourraient gagner en attractivité si les risques du STOVL sont jugés trop lourds à gérer.
Cet incendie spectaculaire survenu à Iwakuni rappelle brutalement que les architectures STOVL, aussi audacieuses, embarquent des enjeux techniques extrêmes. Si le F-35B reste une pièce maîtresse de la projection aérienne américaine en zone maritime contestée, sa fiabilité doit être incontestable pour inspirer confiance. À l’heure où la Chine accélère ses développements navals, l’USMC doit s’assurer que ses avions peuvent opérer en toute sécurité, en continu, sans que des défaillances critiques ne remettent en cause leur rôle de fer de lance stratégique.
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