Retour sur la guerre des Malouines et le duel aérien entre les Sea Harrier britanniques et les Mirage III et Skyhawk argentins en 1982.
En résumé
La guerre des Malouines (1982) a vu s’affronter deux forces aériennes aux doctrines et aux moyens très différents. La Royal Navy a déployé ses Sea Harrier FRS1, chasseurs à décollage court et atterrissage vertical, opérant depuis les porte-avions HMS Hermes et HMS Invincible. L’Argentine a mobilisé des Mirage IIIEA, des Dagger (versions israéliennes du Mirage V) et des A-4 Skyhawk, principalement basés sur le continent. La guerre aérienne a tourné en faveur des Britanniques grâce à la combinaison de la manœuvrabilité du Harrier, de ses missiles AIM-9L Sidewinder modernes et d’une tactique adaptée à l’environnement maritime. Cette supériorité aérienne a permis de protéger la flotte britannique et d’assurer le débarquement des troupes à San Carlos. Les pertes argentines, notamment en Mirage et Skyhawk, ont limité leur capacité à contester durablement le contrôle aérien, influençant le cours du conflit et marquant l’importance du soutien aéronaval moderne.
Le contexte stratégique de la guerre des Malouines
Le 2 avril 1982, les forces argentines s’emparent des îles Malouines, territoire britannique situé à environ 12 700 km de Londres. La riposte britannique repose sur une Task Force navale projetée à plus de 12 000 km de ses bases, comprenant deux porte-avions légers : HMS Hermes et HMS Invincible, qui embarquent des Sea Harrier FRS1.
L’Argentine compte sur ses forces aériennes basées à grande distance des îles – environ 650 km pour les bases de Río Gallegos et de Comodoro Rivadavia – ce qui réduit le temps disponible pour les missions au-dessus des Malouines et limite l’endurance des chasseurs.
Le contrôle de l’espace aérien au-dessus des forces amphibies britanniques était un enjeu crucial pour empêcher les bombardiers argentins de menacer la flotte et les troupes au sol. L’affrontement oppose donc deux conceptions : la projection aéronavale contre la défense côtière étendue.
Les avions britanniques et leur emploi tactique
Le Sea Harrier FRS1, dérivé du Harrier GR3, est propulsé par un réacteur Rolls-Royce Pegasus à poussée vectorielle. Il peut décoller en courte distance depuis un tremplin et atterrir verticalement, un atout essentiel pour des opérations à partir de petits porte-avions.
Son radar Blue Fox, limité pour l’interception à longue distance, était néanmoins suffisant pour guider les pilotes dans l’environnement maritime. Surtout, le Sea Harrier a bénéficié de l’intégration du missile air-air AIM-9L Sidewinder, capable de frapper des cibles sous de larges angles, ce qui a nettement accru sa létalité en combat rapproché.
Les pilotes britanniques ont adopté une tactique de patrouilles aériennes de combat (CAP) au-dessus de la flotte et des zones de débarquement, tirant parti de la manœuvrabilité du Harrier à basse altitude et de sa capacité à virer serré grâce à la poussée vectorielle.
Les Mirage III et les Skyhawk argentins
L’Argentine disposait d’une force aérienne diversifiée :
- Environ 19 Mirage IIIEA, chasseurs supersoniques conçus pour la haute altitude et la vitesse, mais dont l’autonomie était limitée à cause de l’absence de ravitaillement en vol.
- Des Dagger, versions du Mirage V fournies par Israël, moins sophistiquées mais robustes et rapides.
- Une cinquantaine de Douglas A-4 Skyhawk, appareils subsoniques spécialisés dans l’attaque au sol et au navire, certains opérant depuis le porte-avions ARA Veinticinco de Mayo (rapidement immobilisé).
Le Mirage III était performant en combat supersonique à haute altitude mais moins adapté au vol à basse altitude et aux manœuvres serrées. Les Skyhawk, au profil plus ancien, étaient vulnérables aux missiles modernes et dépourvus de systèmes d’autoprotection avancés. L’éloignement des bases argentines réduisait le temps disponible sur zone à 5 à 10 minutes seulement, limitant leur capacité à soutenir leurs troupes aux Malouines.
Les premières confrontations et l’adaptation tactique
Dès les premiers jours de mai 1982, les Sea Harrier remportent plusieurs victoires aériennes. Le 1er mai, ils abattent deux Mirage III lors d’une interception à moyenne altitude. Ces engagements révèlent la difficulté pour les Argentins de mener des combats prolongés loin de leurs bases et face à un adversaire utilisant des missiles plus performants.
Les Britanniques adaptent rapidement leurs tactiques en maintenant des CAP permanentes, souvent à basse altitude, pour intercepter les Skyhawk et les Dagger en approche des navires. L’usage du radar Blue Fox, couplé à l’appui des navires équipés de radars de veille aérienne, optimise la détection des raids argentins.
Les pilotes argentins démontrent du courage et de l’habileté, infligeant des pertes aux navires britanniques grâce à des attaques au ras des vagues, mais paient un tribut élevé face aux patrouilles de Harrier.
Le rôle décisif de la supériorité aérienne britannique
Au fil de la campagne, les Sea Harrier obtiennent 20 victoires aériennes confirmées, dont des Mirage III, des Dagger et plusieurs Skyhawk, sans subir de pertes en combat aérien direct.
Cette supériorité aérienne permet aux Britanniques de sécuriser progressivement la zone de débarquement à San Carlos, malgré les attaques persistantes des Skyhawk et des bombardiers A-4P et A-4C.
L’absence de couverture de chasse argentine sur zone et l’impossibilité de menacer durablement les Harrier facilitent le déploiement des forces terrestres britanniques et réduisent la liberté d’action de l’aviation argentine.
Les limites argentines et les pertes subies
Les contraintes logistiques – distance des bases, autonomie des appareils, dépendance aux conditions météorologiques – réduisent considérablement l’efficacité de l’aviation argentine.
La flotte argentine perd en tout plus de 60 appareils, dont plus de la moitié abattus par les Sea Harrier ou la défense antiaérienne britannique. Les Mirage III sont rapidement retirés des missions au-dessus des îles et redéployés pour la défense aérienne du continent. Les Skyhawk, bien que responsables de plusieurs coups portés aux navires britanniques (comme la destruction de HMS Coventry et d’autres bâtiments), subissent des pertes sévères.
Ces pertes érodent progressivement la capacité de l’Argentine à maintenir une pression aérienne sur le théâtre d’opérations.
Les conséquences stratégiques du duel aérien
La victoire britannique dans la bataille aérienne des Malouines illustre l’importance d’une aéronavale moderne et de l’intégration d’avions de chasse spécialisés opérant à partir de porte-avions. Le Sea Harrier, bien qu’initialement perçu comme un appareil limité, démontre sa pertinence dans un environnement insulaire éloigné.
Le conflit met aussi en lumière l’impact des missiles air-air de nouvelle génération et de l’entrainement à l’interception maritime. La Royal Navy a su exploiter les qualités uniques du Harrier et combler les lacunes de ses radars grâce à la coordination avec les navires.
Pour l’Argentine, le conflit souligne les limites d’une aviation sans ravitaillement en vol ni couverture aérienne embarquée efficace, face à un adversaire capable de projeter une force cohérente sur de longues distances.
Une guerre qui a redéfini les doctrines aéronavales
La guerre des Malouines a marqué un tournant doctrinal. Elle a montré que des avions V/STOL comme le Harrier pouvaient fournir une défense aérienne crédible sans disposer de grands porte-avions.
Elle a également mis en évidence la nécessité pour les forces aériennes de disposer d’une logistique adaptée et de capacités d’endurance suffisantes pour soutenir des opérations prolongées à distance.
Ce conflit a renforcé le rôle des porte-avions comme instruments de projection de puissance et a mis en évidence que la supériorité aérienne locale reste décisive, même dans des conflits insulaires à échelle limitée.
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