La PLAAF a recruté d’anciens pilotes occidentaux pour former ses aviateurs, notamment en opérations sur porte-avions, selon des sources crédibles.

Une stratégie offensive de formation révélée depuis 2022

La montée en puissance de l’Armée de l’air de l’Armée populaire de libération (PLAAF) passe aussi par l’expertise étrangère. Depuis 2022, plusieurs enquêtes gouvernementales occidentales ont révélé que des pilotes militaires à la retraite avaient été engagés pour participer à la formation de pilotes chinois, notamment dans des missions avancées comme l’appontage sur porte-avions et le combat aérien tactique. Ces recrutements, souvent effectués via des sociétés de conseil ou des contrats civils indirects, concernent des ex-pilotes britanniques, australiens, sud-africains et français, parfois issus d’escadrons de chasse ou de groupes aéronavals.

Cette démarche n’est ni anecdotique ni improvisée. Elle s’inscrit dans une volonté structurée de combler rapidement les lacunes opérationnelles de la PLAAF, en particulier dans le domaine des opérations embarquées, domaine historiquement dominé par les États-Unis et, dans une moindre mesure, la France. Le recrutement de pilotes ayant volé sur Rafale Marine, Super Étendard, ou ayant opéré à bord du Charles-de-Gaulle, répond à une logique de transfert de savoir pratique inaccessible autrement.

Le recours à cette expertise extérieure, pourtant interdit par la majorité des contrats militaires européens, a suscité des réactions politiques. Il interroge surtout sur l’efficacité réelle des dispositifs de contrôle post-service, face à des offres financières souvent très élevées, atteignant parfois 300 000 € par an, sans obligation légale de transparence.

Une méthode discrète et externalisée par des sociétés écrans

Pour écarter les obstacles juridiques et éthiques, la Chine a principalement recours à des prestataires privés basés à l’étranger, souvent installés en Afrique du Sud ou en Asie du Sud-Est. Ces sociétés agissent en tant qu’intermédiaires et proposent des missions de formation aéronautique au profit d’acteurs « non désignés », sans préciser clairement la destination finale. C’est le cas de Test Flying Academy of South Africa (TFASA), mentionnée dans plusieurs rapports parlementaires britanniques, ou encore de structures éphémères implantées à Singapour ou au Laos.

Les missions consistent à entraîner de jeunes pilotes chinois à des manœuvres complexes : combat air-air BVR (Beyond Visual Range), ravitaillement en vol, approche sur piste courte, ou procédures d’interception en conditions météo dégradées. Dans plusieurs cas documentés, les pilotes étrangers ne sont pas informés dès le départ de la nature exacte du contrat, et n’ont connaissance du cadre chinois qu’après la signature.

Ces sessions de formation, organisées parfois sur des simulateurs occidentaux ou sur des avions d’entraînement de type L-15 ou K-8, se déroulent à l’étranger, dans des environnements maîtrisés par les prestataires. L’objectif chinois est double : accélérer la montée en compétence de ses futurs pilotes d’avions de chasse, mais aussi contourner les limites structurelles de ses écoles militaires, encore marquées par une culture doctrinale rigide héritée de l’époque soviétique.

Les États concernés n’ont qu’un contrôle très limité sur ces activités. En France, l’article L4122-2 du code de la défense interdit aux militaires en retraite de travailler pour des armées étrangères sans autorisation. Mais la réalité est difficile à encadrer : ces prestations sont souvent déclarées comme du conseil aéronautique ou de l’assistance technique.

pilote de chasse Chine

Un besoin stratégique centré sur les opérations aéronavales

La Marine chinoise (PLAN) développe activement sa capacité aéronavale depuis plus de dix ans. L’entrée en service du Shandong, second porte-avions chinois (et premier de conception nationale), puis la mise à l’eau du Fujian en 2022, ont marqué une nouvelle étape. Cependant, ces navires n’ont de valeur opérationnelle que si la Chine dispose de pilotes capables de manœuvrer depuis leur pont d’envol. Or, le décollage assisté par catapulte (CATOBAR) reste une manœuvre réservée à un nombre très limité de forces aéronavales dans le monde.

La France dispose d’un savoir-faire unique en la matière grâce au Groupe aéronaval (GAN). Les pilotes formés à l’École d’Aviation Embarquée de Landivisiau cumulent des milliers d’heures de vol en environnement marin, avec des compétences spécifiques en appontage, en gestion des vents porteurs, et en décollage sur catapulte à vapeur ou électromagnétique. Pour Pékin, importer cette expertise permet de gagner plusieurs années de développement doctrinal, à condition d’en capter les bonnes pratiques.

La transition vers un groupe aéronaval pleinement opérationnel exige aussi des compétences en coordination interarmes, en guerre électronique et en gestion des détachements embarqués. C’est pourquoi certains pilotes étrangers sont utilisés non seulement pour la formation technique, mais aussi pour la conception de manuels d’emploi tactique, parfois adaptés à partir des doctrines de l’OTAN.

Le besoin est d’autant plus urgent que la Chine prépare une génération d’avions navalisés comme le J-15B, ainsi que le futur J-35, tous deux destinés aux ponts d’envol des futurs porte-avions CATOBAR. Le succès de cette transition dépend directement du niveau de compétence des pilotes embarqués.

Des implications sécuritaires ignorées pendant trop longtemps

Les révélations de 2022 ont provoqué une prise de conscience tardive dans plusieurs pays membres de l’OTAN. La question ne concerne pas seulement un transfert de compétence, mais aussi une potentielle exposition de données tactiques ou de procédures opérationnelles sensibles. Même si les pilotes engagés n’ont pas accès à des documents classifiés, l’accumulation d’informations comportementales — comme la manière d’évaluer une menace ou d’ordonner une manœuvre — constitue en soi une donnée stratégique exploitable.

En France, plusieurs anciens aviateurs ont été identifiés comme ayant travaillé pour ces structures sans déclaration préalable. Le ministère des Armées a depuis renforcé les dispositifs de surveillance, notamment en élargissant les contrôles post-activité et en instaurant des clauses contractuelles restrictives dans les contrats de départ des militaires de l’aéronautique navale.

Au Royaume-Uni, la réaction a été plus rapide. Le Ministry of Defence a rappelé à l’ordre plusieurs anciens pilotes, en les menaçant de poursuites s’ils continuaient à collaborer avec des entités liées à la Chine. Des campagnes d’information internes ont été menées pour avertir les personnels de la portée de leurs engagements à l’étranger.

Toutefois, ces mesures restent réactives, alors que la démarche chinoise s’inscrit dans une stratégie planifiée de montée en compétence. Le recours à des experts étrangers comble un vide doctrinal réel, accélère le cycle d’entraînement, et contribue à faire de la PLAAF une force plus crédible dans un contexte indo-pacifique sous tension.

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